La rencontre organisée le 9 mars à Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) par le club hydrogène Grand Est révèle comment les acteurs de la filière s’organisent sur le territoire lorrain. Des entreprises planchent sur la production d’hydrogène « vert », tandis que les collectivités suscitent l’émergence de vastes écosystèmes territoriaux, voire d’une vallée de l’hydrogène comme à Saint-Avold (Moselle).
Les énergies circulent mieux lorsque les évènements se déroulent en « présentiel ». Le club hydrogène Grand Est organisait en ce sens une rencontre le 9 mars sur le site de la présidence de l’Université de Lorraine à Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle). « Il y avait une grande attente de la part de nos 79 membres. Les rencontres restent le seul véritable moyen de susciter des contacts, synonymes de création de valeur sur le territoire », résume Jacques Haenn, le chef de projet du club hydrogène Grand Est.
Lancé en mars 2019, ce cercle est le grand-frère du club hydrogène Bourgogne-Franche-Comté. Il a été créé par le consortium DINAMHySE, porté par Pôle Véhicule du Futur (PVF) et co-financé par la Région Grand Est et l’Etat. En parallèle des conférences, pitchs et de la visite d’un laboratoire, trois projets lorrains structurants ont été présentés.
• 18 intercommunalités pour créer un marché

Tout est parti d’un projet de station multi-énergies porté par la Communauté de communes Terres Touloises. Cette station devrait ouvrir début 2023, en bordure d’autoroute, à Gondreville (Meurthe-et-Moselle). Les Espagnols Endesa et Molgas Energie vendront du biogaz naturel pour véhicules et de l’électricité verte, mais aussi, à plus long terme, de l’hydrogène décarboné. Afin d’aller plus vite sur ce dernier point, la collectivité a confié au dijonnais Justy Ingénierie Energies, filiale du groupe de BTP Rougeot, une étude visant à mutualiser les infrastructures hydrogène. Son périmètre a été élargi à 18 intercommunalités de Meurthe-et-Moselle, de Meuse, des Vosges et de Haute-Marne dans le cadre du projet ArcHYpel.
« Sans production, sans distribution, sans usages bien identifiés, nos territoires ont peu de chance de voir des écosystèmes hydrogène émerger. Travailler à une échelle aussi large incite les acteurs publics à investir dans des solutions de distribution pour leurs usages dans le transport collectif, le transport des déchets, les zones d’activités, etc. », analyse Odile Bégorre-Maire, vice-présidente de la communauté de communes du Bassin de Pompey. Dans ce cadre, les collectivités se sont rapprochées des entreprises intéressées par investir localement dans la production d’hydrogène vert ou des solutions de mobilité hydrogène telles que Colas, Vicat, Noremat, STV, La Meusienne et Total.
• De l’hydrogène à partir de biomasse

Des travaux publics à la production d’hydrogène, il y a un pas que STV (Société de travaux de la Vezouze) se dit prêt à franchir, en vue de réduire son empreinte carbone. Cette entreprise de 55 salariés à Blamont (Meurthe-et-Moselle) porte d’ores et déjà un projet de ferme solaire sur une partie de carrière non exploitée. Mais c’est à partir de plaquettes forestières qu’elle envisage de produire de l’hydrogène.
Son dirigeant, Pierre-Olivier Nitting, a été convaincu par la technologie de pyrogazéification d’Haffner Energy (Marne). Une étude a été lancée il y a deux ans avec le laboratoire de mécanique et énergies Lemta (CNRS, Université de Lorraine), Justy Ingénierie Energies et le vosgien Biomasse Conseil. Le point d’équilibre d’un tel projet impliquerait 25 millions d’€ d’investissement en vue de produire 2 tonnes par jour d’hydrogène « vert ».
Un quart du gaz pourrait être utilisé en vue d’alimenter une flotte d’engins de STV, les trois-quarts étant destinés au territoire. « Nous sommes actuellement au stade de l’avant-projet détaillé. Notre idée est de redynamiser l’économie locale en créant un écosystème vertueux autour de l’hydrogène vert », commente le gérant de l’entreprise de travaux publics.
• Du charbon à l’hydrogène vert

Après le charbon, l’hydrogène ? Le projet de territoire Warndt Naborien a été signé en janvier 2020 par l’Etat, les collectivités territoriales et Gazel Energie en vue de préparer la fermeture de la centrale au charbon de Saint-Avold (Moselle) programmée ce 31 mars 2022. Dans ce cadre, le Pôle de plasturgie de l’Est (PPE) a été mandaté par la communauté d’agglomération de Saint-Avold en vue de coordonner, avec le soutien de l’Ademe et du fonds charbon, un consortium d’industriels chargé d’étudier la faisabilité d’une filière hydrogène territoriale.
« L’étude a rapidement pointé le potentiel représenté par l’aciérie Saarstahl côté allemand. L’usine pourrait absorber plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes d’hydrogène vert, en substitution au gaz de coke », livre Mathieu Monville, chef de projets hydrogène au Pôle de plasturgie de l’Est. Parallèlement, l’exploitant de la centrale thermique, Gazel Energie a noué des liens avec la société H2V Industry qui cherche à reproduire un modèle de production massive d’hydrogène.
« Le territoire de Saint-Avold offre un foncier que les Allemands n’ont pas forcément. De plus, le site est impliqué dans le projet de réseau de transport d’hydrogène MosaHYc (Moselle Sarre Hydrogène Conversion) lancé début 2020 par GRTgaz et Creos Deutschland », conclut le chef de projets. Ces prémices d’une vallée de l’hydrogène vert sont susceptibles de générer à terme un cercle vertueux sur l’ancien bassin houiller lorrain.