Associées à un 4e investisseur privé, trois entreprises de Bourgogne-Franche-Comté et du Grand Est font cause commune dans une SAS commune destinée à sécuriser un écosystème de production d’hydrogène à partir de fine de bois, un mélange de sciure et de copeaux non valorisé.


Produire de l’hydrogène destiné à alimenter des véhicules à partir de sous-produits végétaux, tel est le projet qui rassemble quatre partenaires associés au sein de la SAS Avenir Energie Verte Hautes Côtes (AEVHC), immatriculée en décembre dernier. Principal acteur de cette coentreprise, les établissements Roussel à Chambœuf (Côte-d’Or), sont actionnaires à hauteur de 60 %, avec le groupe Thevenin-Ducrot, second réseau pétrolier de France avec la marque Avia, dont le siège social est situé à Chevigny-Saint-Sauveur (Côte-d’Or).

Thevenin-Ducrot détient 20 % de la nouvelle société, à laquelle il s’engage par ailleurs à acheter l’intégralité de la production d’hydrogène. Le troisième partenaire, à hauteur de 10 %, n’est autre que Haffner Energy (Lire encadré), l’entreprise de Vitry-Le-François (Marne), qui développe un procédé de thermolyse de la biomasse. Un partenaire privé, lui aussi pour 10 %, Jean-Paul Fargheon, complète le tour de table.



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Les partenaires portent un investissement de 16 millions d’€. La plateforme de traitement des sous-produits du bois de l’entreprise Roussel va accueillir à Chambœuf, quatre unités de thermolyse de la biomasse qui seront parmi les premières du genre à fonctionner en France, et dans le monde. Elles serviront, sur ce site, à la production d’hydrogène à partir d’un résidu aujourd’hui non valorisé de l’entreprise, la fine de bois.

« Nous sommes des fournisseurs de plaquettes de bois utilisées dans les chaufferies collectives, ou individuelles. Nous traitons sur nos plateformes différents sous-produits de scieries, que nous transformons en plaquettes. À la fin du processus, il nous reste de la sciure et des copeaux de bois, que l’on appelle la fine de bois, que nous ne valorisons pas aujourd’hui  », détaille Kevin Roussel, cogérant de l’entreprise Roussel avec son père, Christian, le fondateur.

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Kevin Roussel, cogérant de l’entreprise Roussel avec son père, Christian, le fondateur. © Arnaud Morel


En 2021, Roussel a traité 110.000 tonnes de bois, transformées par broyage en plaquettes, ce qui génère plus de 15.000 tonnes de fine de bois.
La moitié sera utilisée pour faire fonctionner les thermolyseurs. Ceux-ci sont conçus et développés par Haffner Energy, autour de sa technologie "Hydrogen no carbon" (Hynoca®), protégée par 15 familles de brevets. Sur le papier, le procédé semble parfait.

La biomasse est chauffée entre 450 et 550°, sans combustion ni fumée pour réaliser sa thermolyse, ce qui permet de séparer une fraction gazeuse et un solide carboné, le biochar. La fraction gazeuse passe, elle, au vaporeformage : elle est chauffée, à 1000° sans oxygène, ce qui casse les liaisons chimiques et donne naissance à un gaz de synthèse à haute densité énergétique, riche en hydrogène, susceptible d’être utilisé comme remplaçant du gaz naturel. Celui-ci va encore être enrichi, séparé puis purifié pour devenir de l’hydrogène. Le procédé utilise une matière première locale, collectée dans un rayon de 100 km.


Une production quotidienne de 720 kg d’hydrogène à moins de 10 € le kg

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Sur la plateforme de traitement des sous-produits du bois des établissements Roussel à Chamboeuf (Côte-d’Or) où des thermolyseurs seront opérationnels en janvier 2024. © Arnaud Morel


Les quatre thermolyseurs affichent une capacité de production de 720 kg d’hydrogène par jour, soit 250 tonnes à l’année, à partir de 8.000 tonnes de fine de bois. Chaque kilo d’hydrogène produit permet de séquestrer autour de 12 kg de carbone dans le biochar. Celui-ci, pour l’heure, n’est pas immédiatement valorisable, mais il peut être utilisé pour enrichir des sols pauvres, et améliorer le capacité de rétention d’eau. Il sera stocké en silo sur le site de Chambœuf.

Les 720 kg d’hydrogène obtenus quotidiennement sont l’équivalent de 120.000 km parcourus par une voiture circulant à l’hydrogène. L’intégralité de la production sera achetée par Thevenin-Ducrot et sera commercialisée à moins de 10 € le kilo. « C’est tout la force de notre coentreprise : Avia assure les débouchés, tandis qu’Haffner s’associe aux risques pris autour de sa technologie », estime Kevin Roussel.

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Les partenaires se sont donnés pour objectif de démarrer la production en janvier 2024. Tous sont également réunis sur un second projet identique sur une autre plateforme de Roussel à Montmarault (Allier). Portée par la SAS Pôle Bourbonnais, l’installation de trois thermolyseurs représente ici un investissement de 14 millions d’€.

Haffner Energy cherche en bourse les moyens de son développement

L’opération ouvre le bal des introductions en bourse en 2022 : Haffner Energy a lancé, le 31 janvier, son introduction en bourse sur Euronext Growth. L’objectif pour cette PME familiale, cofondée en 1995 par Marc et Philippe Haffner à Vitry-le-François, dans la Marne, est de lever environ 73 millions d’€, pour développer sa technologie brevetée de thermolyse de la biomasse. Car la phase d’industrialisation à venir consomme beaucoup de ressources.
L’entreprise entend émettre 8,34 millions d'actions, à un prix compris entre 8 et 9,5 €. La période de souscription s'achèvera le 9 février prochain, avec une première cotation dès le 15 février. Haffner Energy a réalisé un chiffre d’affaires de 4,2 millions d’€ en 2021, et affiche d’immenses ambitions pour le futur : 30 millions d’€ dès 2023, et 250 millions en 2026.
Pour l’heure, un seul thermolyseur fonctionne, depuis un an, à Strasbourg, pour l’opérateur local Réseaux Gaz naturel Strasbourg (ex-Gaz de Strasbourg). La capacité de production est 720kg d’hydrogène par jour.

 
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