Le plan hydrogène du gouvernement doté de 7 milliards d'€ d’ici à 2030 suscite les convoitises des acteurs de l’hydrogène. Les Français H2V Industry et Hynamics, le Belge John Cockerill, ainsi que des industriels implantés de longue date, cumulent un potentiel de plus de 700 mégawatts entre le Sud-Alsace et la Moselle.


Par Mathieu Noyer et Philippe Bohlinger

H2V Industry a dans son viseur le territoire de Fessenheim (Haut-Rhin) appelé à se reconvertir avec la fermeture de la centrale nucléaire. La société d’ingénierie spécialisée dans l’hydrogène a dévoilé ses intentions début novembre à l’occasion d’un « Sommet » sur le potentiel et les projets d’hydrogène le long du Rhin entre France et Allemagne : produire par électrolyse 28.000 tonnes par an d’hydrogène correspondant à une puissance de 200 mégawatts (MW) moyennant un investissement entre 230 et 251 millions d’€, qui promet la création de 70 emplois directs et 100 indirects. H2V Industry se fixe l’objectif de mise en service d’une première tranche de 100 mégawatts en 2026 et de la seconde un à deux ans plus tard.

 

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Le projet doit cependant encore se soumettre à plusieurs conditions : maîtrise foncière (H2V assure avoir trouver le terrain et l’accord avec son propriétaire, mais les élus locaux sont beaucoup plus prudents), subventions nécessaires au bouclage du financement. Sans compter la capacité de l’entreprise à pouvoir mener plusieurs projets de front.

L’argument principal brandi pour la zone de Fessenheim réside dans la position géographique sur le « marché » de l’hydrogène : « On se situe à l’intersection de deux corridors de fret européens (Rhin-Alpes et Atlantique-Europe, Ndlr), ce qui est très intéressant pour l’usage de l’hydrogène en mobilité lourde. Si 4,3 % des 26.900 camions immatriculés de la région se convertissaient à l’hydrogène, cela nécessiteraient déjà une tranche de 100 MW », expose Yannick Bonin, directeur du développement d’H2V. L’autre point fort réside dans le potentiel d’usage industriel régional : L’entreprise chiffre la consommation possible à plus de 600 MW par an.

 

Un terreau fertile

Le Sud-Alsace concentre déjà des producteurs et utilisateurs d’hydrogène d’importance, comme l’usine chimique Vynova PPC de Thann. A Chalampé, Butachimie, joint-venture de BASF et Invista pour la production de matières intermédiaires du Nylon, arrive au stade du renouvellement de son unité d’hydrogène datant de 1995 et alimentée par du gaz naturel. L’objectif est de la convertir à l’hydrogène vert pour un besoin d’au moins 100 MW à l’horizon 2030.
Son voisin le producteur d’engrais Borealis à Ottmarsheim porte avec Hynamics (filiale d’EDF) le dossier  d’un électrolyseur de 30 MW d’hydrogène vert pour une partie – de l’ordre de 10 % - de sa fabrication d’ammoniac, à une échéance non encore fixée. La capacité de production serait 4.300 tonnes d'hydrogène bas carbone par an. Les deux acteurs sont en phase de « consolidation des pistes techniques et économiques tout en sollicitant des financements français et européens », indiquent-ils dans un communiqué. Ils étudient d'autres utilisations d'autres utilisations que l'ammoniac, notamment  l'industrie et la navigation,
Un autre électrolyseur est en route de manière effective dans le Haut-Rhin. Il émane du belge John Cockerill à Aspach-le-Haut pour 200 MW attendus en mai 2023. Et des projets se font jour aussi en Allemagne frontalière.
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GazelEnergie, exploitant de la centrale thermique au charbon de Saint-Avold va y produire de l’hydrogène en 2023 avec Storengy, filiale du groupe Engie. © Philippe Bohlinger


H2V exploite aussi la lorraine voisine, avec deux projets. Le plus avancé s’inscrit dans le plan de reconversion de la centrale au charbon Emile Huchet de Saint-Avold (Moselle). Le propriétaire du site, l’énergéticien GazelEnergie, y prévoit la mise en service en 2023 de quatre électrolyseurs de 100 MW en association avec H2V.
D’une capacité de 56.000 tonnes d’hydrogène par an, cette unité pourrait se brancher au réseau de transport d’hydrogène MosaHYc, en projet sur le territoire. Cette canalisation transfrontalière de 100 km de long planifiée par le français GRTgaz et le luxembourgeois Creos est actuellement au stade de l’étude de faisabilité. Elle pourrait fournir les dizaines de milliers de mètres cubes nécessaires à l’aciérie allemande Saarsthal, nouveau propriétaire d’Ascoval et de Hayange, en vue de produire un acier bas carbone. 

« Notre projet s’inscrit dans un cadre européen et implique par conséquent une convergence des stratégies hydrogène », analyse Ann-Katrin Bureau-Jego, directrice des affaires publiques d’H2V qui espère un cofinancement dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt hydrogène.

 

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H2V avait également communiqué en février 2021 sur un autre projet sur le site de l’ancienne aciérie de Gandrange (Moselle). La friche industrielle, propriété de Gandrange Industries, une société détenue par Franck Supplisson, homme d’affaires et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, cochait toutes les cases aux yeux du français H2V pour y implanter deux unités de production de 100 MW chacune pour une production de 14.000 tonnes par an d’hydrogène vert. A ce stade, l’entreprise indique cependant « n’avoir pas de nouveaux éléments sur ce projet. »

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