AGROALIMENTAIRE/CÔTE-D’OR. Éloignée des villes pour urbaniser des zones pavillonnaires et des parcs d’activités, l’agriculture revient en ville. Les collectivités locales deviennent actrices de ce mouvement.
Exemple en Côte-d’Or, où les ambitions de Dijon Métropole croise celles du Conseil départemental.


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Mathieu Lotz, ingénieur dans l'industrie devenu agriculture. © Traces Ecrites.

Demain mercredi 26 septembre, Dijon Métropole et la chambre d’agriculture de Côte-d’or inaugurent le Potager des Ducs, une entreprise de maraîchage installée sur le site des serres municipales de Dijon. Une inauguration symbolique puisque Mathieu Lotz a déjà produit une saison.

Sur un terrain de 3.000 m2 et dans 300 m2 de serres louées à la ville de Dijon, le jeune entrepreneur cultive des « micro-pousses » sous serre commercialisés en pots au stade de plantules, appréciées pour leur tendreté et leurs qualités nutritives et utilisées comme aromate ou décoration d’un plat : oseille veinée, feuilles de capucine, chizo (persil japonais). Sa production est vendue aux restaurateurs dijonnais et, une fois par mois, sur le marché de place des Cordeliers à Dijon. En pleine terre, pour se démarquer des installations maraîchères plus vastes, il cultive des variétés anciennes.
Une véritable reconversion pour ce natif d’Alsace, ingénieur qui exerça pendant cinq ans dans la logistique. Après un voyage d’un an et demi qui l’amène à s’interroger sur la société, il change de cap et prépare un Brevet professionnel d’exploitant agricole pendant un an au lycée horticole de Quétigny, dans la périphérie de Dijon. Il concrétise son projet de maraîchage sous le statut d’agriculteur, précision importante qui dépasse, selon lui, la mode de l'agriculture urbaine.

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Production de micro pousses dans la serre close, au premier plan, et de variétés anciennes de légumes en pleine terre. © Traces Écrites.

Comme le conservatoire des cépages Pinot et Chardonnay à la Combe Persil, implanté sur les hauteurs de Dijon, Le Potager des Ducs est emblématique de ce que la Métropole ambitionne de devenir : un territoire urbain qui préserve la biodiversité et fait renaître l’activité agricole dans un but d’autonomie alimentaire que l’on peut situer selon les spécialistes entre 10 et 25 % des dépenses des consommateurs.
Sous la houlette du Muséum d’histoire naturelle-Jardin des Sciences, la chambre d’agriculture de Côte-d’Or et le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) ont planté 650 ceps issus de vieilles vignes de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire. Les greffons de sarments sont issus de vignes plantées avant que l’on pratique la sélection clonale dans les années 60 : la reproduction à l’identique à partir d’une seule souche sélectionnée garantissant une qualité sanitaire des raisins et un rendement.

 

 

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Avec l’inconvénient, disent les spécialistes, de réduire la diversité génétique « dans la mesure où toutes les souches ne répondant aux critères de sélection ont été écartées. » A contrario, la sélection dite massale, celle pratiquée pour constituer ce conservatoire, préserve le capital génétique d’un plant, avec toutefois le risque de préserver aussi les germes d’une maladie.
Il faudra attendre 4 à 5 ans pour vendanger la parcelle d’un demi-hectare plantée aux deux tiers de Pinot et un tiers de Chardonnay et qui sera étendue à terme à 10,5 hectares avec des plants d’autres vignobles, notamment du Jura.
« Le but n’est pas seulement la conservation du patrimoine génétique, c’est un observatoire de l’évolution des cépages avec le réchauffement climatique », expose Gérard Ferrière, directeur du Jardin des sciences et référent du projet « Dijon, territoire modèle du système alimentaire durable de 2030 ».


Un domaine viticole situé en zone d’appellation d’origine protégée

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Lors de la plantation des vignes à La Combe Persil, en avril 2018. © Traces Écrites.

Retenu par l’État dans le cadre de l’appel à projets TIGA acronyme voulant dire : « Territoires d’Innovation de Grande Ambition », ce projet est une réponse à un phénomène que les villes ont elles même créé en poussant toujours plus loin leurs limites géographiques, sacrifiant au passage champs et prairies de terre fertile.
En dépit d’une intention exprimée il y a une vingtaine d’années de maintenir une ceinture verte, le bassin de vie dijonnais (253.00 habitants pour la seule agglomération) a perdu 404 hectares agricoles entre 2006 et 2010. Au profit de grands projets d’aménagement, à l'instar des zones d’activités Valmy, au nord de Dijon, et Écoparc à l'est, qui s’étendent respectivement sur 300 et une centaine d’hectares.
La reconquête des espaces naturels a commencé en 2013 avec l’acquisition par l’agglomération de Dijon, du domaine de la Cras, à l’ouest de l’agglomération, entre Corcelles-les-Monts et Plombières-lès-Dijon : 166 hectares de terres agricoles dont un domaine viticole situé en zone d’appellation d’origine protégée (AOP), un héritage de l’histoire (Dijon faisait partie de la côte viticole avant que le phylloxéra ne décime au 19ème siècle) et qui sera encore étendu. Puis début 2018, ce fut au tour de la ferme de la Motte Giron et ses 50 hectares cultivés principalement en céréales.

 

 

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Dijon Métropole y a installé des viticulteurs et des cultivateurs en fermage, par l’intermédiaire de la Chambre d’agriculture de Côte-d'Or avec laquelle la collectivité a signé un bail emphytéotique de 40 ans pour la gestion des baux. « La collectivité n’a pas vocation à acheter davantage de terres, précise Benoît Bordat, conseiller communautaire délégué à l’agriculture périurbaine, mais plutôt à jouer un rôle de facilitatrice. » Et ce pour activer des aides à l’installation auprès de la Région et de l’Europe, créer les conditions pour des débouchés aux produits agricoles, veiller au devenir des terres agricoles de la périphérie dijonnaise avec la Safer (Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural).

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Le domaine de la Cras acheté en 2013 par l’agglomération de Dijon, 160 hectares sur le plateau entre Dijon, Plombières-lès-Dijon et Corcelles-les-Monts ; 8 hectares sont plantés en pinot noir et en chardonnay. © Domaine de la Cras.

D’autres installations diversifient les productions : 8 hectares de cassis Noir de Bourgogne plantés sur le plateau de la Cras trouveront des débouchés auprès des liquoristes de Dijon ; 16 hectares de moutarde visent une production de 1,5 tonne. Également en projet, un poulailler, un verger de pommiers et de cerisiers, la culture de lentilles, deux truffières...
La restauration collective est pour commencer le principal débouché. En ce sens, le projet de Dijon Métropole croise les ambitions du conseil départemental de la Côte-d’Or. Le premier pour les cantines des écoles des communes de l’agglomération (1,2 million de repas par an), le second pour ses collèges et ses établissements médico-sociaux, Ehpad, maisons familiales (8 millions de repas par an).


Le Département de la Côte-d'Or acquiert aussi des terres

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Localisation des teres achetées par le Conseil départemental de la Côte-d'Or. Cliquez sur l'image pour la grossir.


Le département, dans le cadre de son projet Futurs 21, dont le point de convergence est l'adaptation au changement climatique, a lui aussi acquis des terres : une trentaine d’hectares de champs céréaliers à Perrigny-lès-Dijon, dans le sud de l’agglomération, dont une vingtaine seront affectés à l’horizon 2020 à des cultures légumières bio. Dans l’immédiat, la collectivité aménage un bassin de stockage des eaux hivernales, 40.000 m3 qui pourront être utilisées pour drainer les cultures maraîchères pendant la saison estivale, et fait replanter des haies pour favoriser le retour de la faune.
Le croisement des deux projets se trouve dans un légumerie que va construire le groupe d’insertion Id’ées pour transformer salades, carottes, choux et autres légumes. Désie, sa filiale traiteur qui prépare déjà les repas de plusieurs communes du département, l’exploitera. Cet outil complètera l’approvisionnement en produits locaux déjà permis par la plateforme Agrilocal qui met en relation directe producteurs et acheteurs de la restauration collective, cantines des collèges et établissements sociaux (Ehpad, foyers pur handicapés).
D’autres territoires devraient entrer dans le jeu pour enrichir le menu. Le Conseil départemental espèrent mobiliser les maraîchers du Val de Saône, les éleveurs de l’Auxois pour le lait et la viande, les fabricants de farine et de beurre de la région etc.

 

Pour en savoir plus sur la  Côte-d'Or, rendez-vous sur ce site :

 

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