Un an après l’arrêt du premier réacteur de la centrale nucléaire de Fessenheim, les avancées concernant la reconversion du bassin d’emploi restent limitées. On attend la décision définitive d’Européenne de biomasse d’implanter une unité de granulation à partir de résidus de bois et le démarrage de l’aménagement de la zone EcoRhéna qui accueillerait de nouvelles activités ciblées vers l’hydrogène et la pharmacie.


C’est le 22 février 2020 que le premier réacteur de Fessenheim (Haut-Rhin) a été débranché (*), enclenchant le processus de fermeture de la doyenne des centrales nucléaires françaises. Le territoire qui a vécu depuis plus de 40 ans de la manne de l’atome doit se reconvertir, avec l’objectif de compenser la perte de quelque 2.000 emplois, l’effectif évalué comme l’addition des postes directs EDF et des sous-traitants permanents et occasionnels. Or, un an après, les avancées restent limitées.

Aucune implantation n’a été annoncée. La piste la plus identifiée reste le projet de la société française Européenne de biomasse pour une unité innovante de granulation à haut pouvoir calorifique, à partir de résidus de bois, qui remplacerait les chaudières au charbon.
La décision était annoncée pour fin 2020, or finalement, « nous nous donnons jusqu’à fin 2021 », indique la direction, la question-clé restant posée, à savoir « le potentiel de marché captable – réseaux de chaleur collectifs, chaudières de particuliers, et aussi installations industrielles – dans un rayon d’environ 150 km. » 
Deux dimensions d’usine sont sur la table : 125.000 tonnes de production annuelle représentant 40 emplois directs et 350 avec les indirects, comme dans l’usine-pilote de Pomacle (Marne) qui a démarré mi-février, ou 250.000 tonnes pour des effectifs directs et indirects doublés, cette dernière option étant privilégiée, mais à confirmer.


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Le projet d’Européenne de biomasse comme d’autres en pourparlers, souhaite s’implanter sur la future zone d’activités EcoRhéna au bord du Rhin, érigée en pilier foncier de la reconversion. Sur ce thème aussi, le calendrier prend son temps et surtout l’ampleur s’est réduite. Les 220 hectares annoncés sont devenus 82 hectares effectivement disponibles pour la commercialisation, dont 25 sont réservés au port de Colmar-Neuf-Brisach pour ses propres développements, ce qui ramène le solde à un peu moins de 60 hectares. 



Entre temps, les nombreuses compensations environnementales sont passées par là. « Les études d’impact devraient être terminées en octobre, c’est alors que nous connaîtrons les deux données préalables essentielles : la surface exacte, et le prix », souligne Gérard Hug, président de la communauté de communes Pays Rhin – Brisach qui abrite Fessenheim et président du Syndicat mixte ouvert (SMO) du port, pilote d’EcoRhéna, qui prévoit de lancer en juin les consultations pour désigner l’aménageur en fin d’année.

 


Différend fiscal avec l’Etat sur la compensation financière des pertes de recettes de la centrale

 

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Les élus locaux ont manifesté le 19 février devant la presse, à la salle des fêtes de Fessenheim, pour dire leur impatience à voir résolue la question de la suspension de la contribution au Fonds national de garantie individuelle des ressources que les collectivités locales versaient au beau temps de la centrale.


La mise en concurrence est requise, mais une structure a vocation à prendre les rênes d’EcoRhéna : la société d’économie mixte franco-allemande, désormais constituée sous le nom de NovaRhena et qui a recruté son directeur, Xavier Marquès. Elle rassemble une vingtaine d’actionnaires : Etat, Région Grand Est, Banque des territoires, la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace, EDF, les collectivités et chambres de commerce et d’industrie des deux rives du Rhin, mais pas la communauté de communes Pays Rhin – Brisach.


Celle-ci a suspendu sa participation à la résolution du différend fiscal avec l’Etat qui mine les débats. Complexe, le sujet porte sur la compensation financière des pertes de recettes qu’engendre l’arrêt de la centrale pour le territoire. En l’état actuel du dossier, et tel qu’il est figé depuis de longues années, la commune de Fessenheim et par ricochet les collectivités autour vont devoir continuer à contribuer à un fonds, le FNGIR (Fonds national de garantie individuelle des ressources) au titre des territoires gagnants de la réforme de la taxe professionnelle de 2010 de laquelle cet outil est issu, alors qu’elles n’en toucheront plus les retombées financières.
La facture s’élève à 2,9 millions d’€ par an, s’ajoutant aux 6,4 millions de recettes fiscales qui ne rentrent plus. « C’est un mécanisme absurde, c’est comme si on demandait à un salarié licencié de continuer à payer les charges patronales », s’indigne le maire de Fessenheim Claude Brender.

 

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Côté Etat, on fait valoir une compensation à 100 % pendant trois ans, une disposition de la loi de finances de 2021 qui vise à réduire la contribution d’un tiers, soit 2 millions d’€ au lieu de 3, et la diminution de la contribution à un autre fonds, de péréquation entre collectivités le FPIC, soit un effort de 32 millions d’€ cumulés.





Hydrogène et pharmacie en ligne de mire

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Avec la future zone EcoRhéna, au bord du Rhin, le port de Colmar-Neuf Brisach trouve à s’agrandir au sud de son site de Vogelsheim, avec un premier investissement de 9 millions d’'€ en 2021.

 

Echaudés par les précédents épisodes, les élus locaux restent prudents… et remontés, ce qui les a fait manifester leur colère le 19 février dernier en se rassemblant devant la presse à la salle des fêtes de Fessenheim. « Sur la réduction de la contribution, rien n’est sûr quant au fait que le million d’euros gagné aille à Fessenheim seul ou se dilue entre toutes les collectivités de France éligibles au FNGIR. La solution, c’est tout simplement de faire sortir Fessenheim de ce fonds où il n’a plus lieu de figurer », argumente Raphaël Schellenberger, député (LR) du Haut-Rhin.

Sur la stratégie de reconversion, la feuille de route reste donnée par le « Projet d’avenir du territoire de Fessenheim » signé le 1er février 2019, selon ses quatre axes : emploi, mobilités autour de l’objectif de rouvrir la liaison ferroviaire par-dessus le Rhin entre Colmar et Fribourg-en-Brisgau - le volet fret de 27 millions d’€ jusqu’au port de Colmar doit commencer par le chantier d’une première tranche de 9 millions l’an prochain – transition énergétique et industries/énergies du futur.

 

 

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Pour lui donner corps, Yves Hemedinger, autre député haut-rhinois LR investi dans le sujet, pousse la focalisation sur deux axes prioritaires : l’hydrogène et un « pôle de compétitivité pharmaceutique ». Sur le premier point, il cible la méthanisation, notamment la fabrication d’hydrogène à partir de pyrolyse de méthane. « En pointe sur cette technique prometteuse pour proposer un prix compétitif aux industriels consommateurs d’hydrogène, nos voisins allemands nous proposent de participer à un programme trinational sur son développement, avec un centre expérimental sur un site alsacien », souligne-t-il. Sur le second plan, Yves Hemedinger propose de faire participer le territoire de Fessenheim « à la stratégie nationale de retrouver notre souveraineté dans la production pharmaceutique par sa relocalisation.  Nous avons un écosystème alsacien déjà complet, du foncier mobilisable avec EcoRhéna, la proximité de Bâle et celle du hub aérien mondial pour cette industrie qu’est devenu l’EuroAirport Bâle-Mulhouse », argumente l’élu.  

(*) Le second réacteur a été débranché le 30 juin 2020.

Pendant ce temps à la centrale…

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Les départs se succèdent doucement, en conformité avec la trajectoire de décrue des effectifs fixée en prévision de l’arrêt des réacteurs. De 737 agents EDF en 2018, l’emploi est passé à 645 à fin 2019 puis à 480 à la fin de l’année dernière, indique la direction de la centrale.
Le palier de 300 sera atteint d’ici à la fin 2022, avant une nouvelle diminution qui laissera un personnel EDF de 60 personnes en 2025. Pour les entreprises prestataires sur place, l’effectif a diminué de près de moitié, de 280 à 150 personnes entre 2019 et 2020.

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