Objet de la visite ministérielle, le laboratoire LipSTIC qui réunit des chercheurs de Bourgogne et Franche-Comté.  © Jean-Christophe Tardivon.
Objet de la visite ministérielle, le laboratoire LipSTIC à Dijon qui réunit des chercheurs de Bourgogne et de Franche-Comté.
© Jean-Christophe Tardivon.

RÉFORME TERRITORIALE. En visite à Dijon et Besançon le 28 mai pour promouvoir le projet de fusion des régions à l'aulne de l'initiative de la Bourgogne et de la Franche-Comté, Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, revient à Dijon les 26 et 27 juin, à la rencontre des parlementaires et des élus.

Concrètement, comment la fusion va t-elle se faire ?

Etat des lieux en attendant la feuille de route gouvernementale.

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La preuve par l'exemple : c'est ce qu'a voulu montrer Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, en se déplaçant la semaine dernière dans les capitales des deux premières régions volontaires à ne faire plus qu'une, dans le cadre de la réforme territoriale qui devrait être présentée en conseil des ministre le 18 juin.

La visite du laboratoire d'excellence (LabEx) LipSTIC à Dijon, formé par d'équipes de l'Inserm et des universités de Bourgogne et de Franche-Comté, réunit les ingrédients d'un rapprochement institutionnel.

Ils associent une fondation de coopération scientifique commune aux deux régions qui gère ce laboratoire dédié à la recherche sur de nouveaux médicaments pour les maladies inflammatoires et du cancer, une seule société d'accélération du transfert de technologies (Satt), des établissements de santé aux intérêts communs (CHU, établissement français du sang) et l'appui d'un pôle de compétitivité - Vitagora - qui réunit des entreprises des deux régions.

« Ces chercheurs de l’Inserm ne se posent pas la question de savoir s’ils travaillent à Dijon ou Besançon. Ils travaillent dans l’intérêt des deux régions. Il s’agit de coopération intelligente que nous commandent l’économie et nos territoires », souligne François Patriat, président du conseil régional de Bourgogne.

« Nous travaillons avec nos cousins et amis francs-comtois depuis 10 ans », renchérit Alain Bonin, président de l'Université de Bourgogne qui formera avec celle de Franche-Comté, un seul campus en 2016.

La méthode

Si les deux conseils économiques et sociaux (CESER) sont conviés à plancher sur le sujet, un comité des sages a été formé en Franche-Comté et des premières conclusions devraient permettre, à l’automne, d’organiser un grand débat populaire.

Avant cela, Marie-Guite Dufay, présidente du conseil régional de Franche-Comté, annonce vouloir réunir les élus « de terrain » à la rentrée de septembre.

Les Bourguignons privilégient une « consultation institutionnelle » avec un débat au sein du conseil régional et avec les élus, parlementaires, maires et présidents des conseils généraux.

Alain Bonin, président de l'Université de Bourgogne (tout à gauche), Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Franche-Comté : à l'arrière plan, Françis Patriat, président de la Région Bourgogne, François Berthelon, président du CESER Bourgogne et Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne. © Jean-Christophe Tardivon.
Alain Bonin, président de l'Université de Bourgogne (tout à gauche), Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Franche-Comté : à l'arrière plan, Françis Patriat, président de la Région Bourgogne, François Berthelon, président du CESER Bourgogne et Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne.
© Jean-Christophe Tardivon.

Les règles du jeu

Malgré leur volontarisme, les deux "patrons" de la Bourgogne et de la Franche-Comté prêts à jouer le rôle d'un « laboratoire » de la future loi, concèdent des interrogations.

« C’est pour cela que les préfets s’engagent à vos côtés. Le projet est difficile et il y aura des questions techniques ardues », leur a précisé Marylise Lebranchu, lors d'un débat le 28 mai à Besançon.

Un premier texte portera sur les compétences territoriales. Un second fixera la nouvelle carte des régions et les modes de scrutin.

« La question de l’autonomie fiscale des régions doit pouvoir être posée, comme celle des compétences sociales des départements », indique Marie-Guite Dufay.

« Nous devons supprimer la clause de compétence générale et abandonner nos redondances », affirme François Patriat.

Des économies ?

Aucun chiffre étayé n'a été avancé.

« Ce n’est pas le premier objectif. Ce sont les régions qui seront en première ligne pour tout ce qui est croissance et emploi. La question est de savoir comment on leur garantit de la solidarité. Si le projet n’existait que pour les économies, il n’aurait pas de sens », note Marylise Lebranchu.

Marie-Guite Dufay esquisse quelques pistes d'économies ; les transports (TER) et les formations par la suppression de doublons.

La capitale régionale ?

Cette question épineuse, même si elle n'est pas jugée essentielle par les protagonistes, trouve un début de réponse dans « une métropole entre Dijon et Besançon ».

Une notion encore vague mais qui s'inspire des deux implantations du Parlement européen, à Strasbourg et à la Bruxelles. « Ni Dijon ni Besançon n’ont le poids d’une ville comme Toulouse, aussi allons-nous devoir expérimenter quelque chose de nouveau, sans vision centralisée », explique Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne.

A priori, des services substitueront dans les deux capitales actuelles, avec une fusion des directions.

Pas opposées sur le fond à la réforme, les syndicats des personnels territoriaux ont dit leur inquiétude, s’inquiètent de l’impact social d’une restructuration des directions et des mobilités du personnel et déplorent une « précipitation ».

Des départements hésitants

Patrice Joly, président du conseil général de la Nièvre. © Stéphane Jean-Baptiste / CG 58.
Patrice Joly, président du conseil général de la Nièvre.
© Stéphane Jean-Baptiste / CG 58.

• Patrice Joly, président PS du conseil général de la Nièvre

Surpris, dubitatif et effaré ! Patrice Joly ne cache pas être très agacé que l’on se précipite ainsi, sans même daigner l’informer. « Je découvre tout dans la presse. Pas le moindre courrier ni même un coup de fil, c’est comme si nous n’existions pas », peste-il.

Quant à l’utilité d’un tel rapprochement, il explique que concentrer pour concentrer n’est sans doute pas la bonne méthode. « Sera-t-on assuré d’une meilleure efficacité du service et des économies d’échelle avancées, tout ceci relève de la paresse intellectuelle et de la pure communication ».

Le nivernais pointe également le risque de marginalisation de son département à l’appartenance bourguignonne purement formelle (*) et indique qu’un rapprochement avec l’Île-de-France ne lui paraît en rien absurde. « En termes de cohérence des flux, d’attractivité économique et d’utilité administrative, politique comme médiatique, nous aurions tout intérêt à nous nous tourner dans cette direction».

Claude Jeannerot, président du conseil général du Doubs. © Conseil général du Doubs.
Claude Jeannerot, président du conseil général du Doubs. © Conseil général du Doubs.

• Claude Jeannerot, président PS du conseil général du Doubs

« Sur la logique d’ensemble, le regroupement des régions, je le défends. Par contre, annoncer en même temps la disparition des départements, c’est un processus complètement contradictoire. On élargit d’un côté et on supprime une collectivité de proximité de l’autre.

Cette réforme repose sur trois postulats qui restent à démontrer : un niveau de trop dans le millefeuille territorial ; des économies à faire ; une redistribution plus efficace. Je demande à voir.

Si le président de la République fait la démonstration que l’on peut faire mieux et moins cher, alors je deviendrai un militant de la réforme. »

Christophe Perny, président du conseil général du Jura.
Christophe Perny, président du conseil général du Jura. © Conseil général du Jura.

• Dans un courrier, fin avril, à Marie-Guite Dufay, Christophe Perny, président PS du conseil général du Jura, s'était ému de la méthode pratiquée par les deux présidents de Région.

« Comment annoncer à deux, sans aucune concertation une décision aussi importante pour notre avenir ?

Quelle est cette conception de la démocratie pour des porteurs de la décentralisation ?», écrivait-il le 23 avril dernier.

L'élu jurassien attend "avec une certaine impatience, les économies chiffrées d'une telle proposition, bien sûr à services rendus constants".

 Président PS du conseil général du Territoire de Belfort, Yves Ackermann ne veut pas se prononcer sur cette fusion. «Dijon nous paraît très éloigné ; Le pôle métropolitain (NDLR : sur le territoire de l'aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt) est un préalable à l'étude d'une fusion avec la Bourgogne », estime t-il.

André Villiers, président du conseil général de l'Yonne. © Direction de la communication CG89.
André Villiers, président du conseil général de l'Yonne.
© Direction de la communication CG89.

• André Villiers, président UDI du conseil général de l’Yonne

Le chef de l’exécutif icaunais regrette la méthode. « Sur le fond, je ne suis pas contre ce projet, mais le faire en fin de mandature m’apparaît imprudent et n’être informé que par la bande pour le moins désobligeant ».

Le conseil général de l’Yonne pointe aussi quelques sources d’inquiétude quant à son territoire excentré. « Prendra-t-on réellement compte la réalité de notre département, en particulier sa ruralité et ses besoins spécifiques en matière de développement économique ? ».

Plus grave, il évoque le risque d’éclatement territorial du Sénonais, au nord, qui vit avec près de 5000 personnes allant travailler chaque jour en région parisienne, dans l’attractivité complète de l’Île-de-France et n’est bourguignon que de nom.

Le président du conseil général de l’Yonne s’interroge aussi sur le sort de dépenses importantes qu’il ne peut engager faute de moyens et, en autres, le stock de 250 millions de travaux routiers qui dorment dans les tiroirs du conseil général.

• Quant aux 17 parlementaires de la droite et du centre de Bourgogne et de Franche-Comté, ils réhabilitent dans un texte commun, la loi de 2010 qui faisait émerger des conseillers territoriaux au sein d'une seule collectivité, à la place des conseillers généraux et régionaux.

L'un d'eux, François Sauvadet, député UDI et président du conseil général de la Côte-d'Or, demande un référendum sur le rapprochement des deux régions.

(*) L’intégration de la Nièvre à la Bourgogne a été imposée par François Mitterrand.

Lire également sur le même sujet les articles de Traces Ecrites News : ici et ici.

Christiane Perruchot et Didier Hugue à Dijon et Monique Clémens à Besançon

3 commentaire(s) pour cet article
  1. NETTERdit :

    Je propose Recologne, dans le Doubs, comme capitale de la future région ; ou Beaune, qui offre l'avantage de pouvoir bien picoler entre élus.

  2. Jean-Dodit :

    Donc le but n'est pas de faire des économies ? Rassurant.... encore une réforme qui va coûter les yeux de la tête pour ne rien apporter sinon une usine à gaz, le maintien d'avantages faramineux pour certains élus et le report des élections. Pauvre France sacrifiée sur l'autel d'Ubu Roi et de sa promotion Voltaire.

  3. Paul-Even du Foudit :

    Une fois, de plus, nos élus brillants par toutes leurs faillites de gestion, nous concoctent de nouvelles usines à gaz pour garder leurs jobs, acceptant un report des élections, afin de bien tenir le citoyen éloigné de tout pouvoir de décision. Quand ils ont été élus, ils n'ont eu aucun mandat pour ce dossier. Ils n'ont pas été chargés de redécouper la France. Le résultat de ces régions socialistes confirme leur incapacité notoire de gestion. Les Conseils Economiques ne valent pas mieux, à part le coût exhorbitant de leurs prestations totalement inutiles : quels résultats ont donné leurs études puissantes? Seul, un référendum, expression rééllement démocratique des citoyens régionaux permettra de connaître l'avis de ceux qui payent toujours mais qui, en réalité, sont plumés sans vergogne.

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