La capitale régionale de la Bourgogne-Franche-Comté peut-elle renouer avec son riche passé de terre à vin ? François Rebsamen, son maire et président de la métropole, en est persuadé au point de multiplier les initiatives pour faire rayonner sa cité avec une signature de plus en plus bachique. Du classement des Climats du vignoble de Bourgogne de Dijon à Beaune, au patrimoine mondial de l’Unesco en 2015, à la replantation de dizaines d’hectares de vignes, en passant par la future Cité internationale de la gastronomie et du vin, et tout récemment, l’accueil espéré du siège de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV)... L’élu ne ménage pas sa peine en ce début des vendanges d'un millésime chahuté par les aléas climatiques.
« Un présent sans passé n’a pas d’avenir », écrivait l’historien Fernand Braudel. Dijon et plus généralement le Dijonnais - Dijonnois disait-on jadis – peut s’approprier la devise en matière viticole. Alors, rappelons ce fameux passé. Du XIVème au XVIIème siècle, les crus locaux reléguaient ceux de Beaune et de Nuits-Saint-Georges au rang de simples vins de table.
« Les parcelles prestigieuses - ou climats aujourd’hui - portent les noms de Mardors (devenus Marcs d’Or), Champs Perdrix, Montre Cul, Violette, Valendons », note Jacky Rigaud dans son ouvrage « Le réveil de la côte dijonnaise ». Les dives bouteilles se vendaient alors cher et occupaient même un quart des travailleurs de Dijon.
Leur déclin vient des professionnels dijonnais eux-mêmes qui refusent, au milieu du 19ème siècle, un classement qui hiérarchisait les crus bourguignons et ils se lancent dans la production de vins ordinaires en raison notamment d’une paupérisation de la classe moyenne. Et puis, ponctue Jacky Rigaud, « Couchey, Marsannay, Chenôve et Dijon, ayant opté pour la généralisation des vignes communes au XIXème siècle, ne furent pas candidates à l’appellation d’origine contrôlée (AOC) de leur vignoble en 1935. »
« Ce refus des acteurs économiques locaux a eu pour conséquence que, ce qui est aujourd’hui la Côte de Nuits, ne s’appelle pas Côte de Dijon », regrette Jean-Luc Theuret, président de l’Association de Promotion du Bourgogne Dijon qui fédère une vingtaine de vignerons de la métropole régionale. Si les trois premières communes citées (Couchey, Marsannay, Chenôve) sauvent par la suite un vignoble de qualité, Dijon, victime, en outre, d’une urbanisation galopante, l’abandonne définitivement à l’exception de quelques arpents.
Une renaissance boostée par le classement Unesco des Climats de Bourgogne

Le renouveau viticole dijonnais, François Rebsamen, maire depuis 2001 et président de la Métropole dijonnaise, assure l’avoir orchestré pour un faire outil d'attirance et de notoriété du territoire. Tout commence avec une lapalissade. Si jadis, Dijon a fait du bon vin, pourquoi n’en ferait-elle pas de nouveau. D’autant, précise encore Jacky Rigaux dans son ouvrage, « d’un point de vue géologique, pédologique et géographique, la cause est entendue. »
Parmi les déclencheurs de la renaissance du vignoble, l’idée initiale d’un classement de la côte des vins, de Dijon à Beaune, au patrimoine mondial de l’Unesco, le premier magistrat dijonnais la revendique haut et fort, « et ce, dès ma première élection en 2001. » Avec en exemple, la vallée allemande du Rhin Moyen. « Alain Suguenot, le maire de Beaune, m’assure ensuite qu’il me soutiendra. »
Le travail démarré en 2007 avec Aubert Gaudin de Vilaine, cogérant du domaine de la Romanée-Conti (Vosne-Romanée), aboutit avec succès à ce classement en juillet 2015. Dans l’intervalle, Dijon fait partie des cités retenues pour incarner le repas français, autre patrimoine immatériel de l’humanité, dans le cadre d’une Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin. Sur 1.750 m2 d’exposition, pas moins de 3.000 références vineuses du monde entier y seront représentées en 2022 seulement, tant le projet a été victime d’arguties juridiques d’une opposition municipale qui tenait là un os à ronger jusqu’à la moelle.
Demande d’une dénomination géographique complémentaire

Avant de donner la parole à ceux qui font le vin, le dernier grand projet tient à l’accueil du siège de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), actuellement mal logée à Paris et qui réunit 85% de pays producteurs de vin, soit 48 États membres. Rien ne sera acté avant le 25 octobre prochain, date de l’assemblée générale de l’OIV qui se tiendra d’ailleurs à Dijon et où un vote à l’unanimité décidera.
Pour François Rebsamen l’affaire semble toutefois bien engagée. En témoigne, la visite officielle ce 10 septembre de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État chargé du Tourisme, et de plusieurs représentants de l’OIV. L’homme a toujours du poids, des réseaux et nombre d’oreilles attentives à ses dires.
En cas d’acceptation, l’organisme prendra ses quartiers à l’Hôtel Bouchu d’Esterno, monument historique du XVIIème siècle, vaste de 2.000 m2 - sur 3.280 m2 d’emprise foncière en plein de cœur de ville. Et, ce qui est un atout non négligeable, il héberge des caves sèches et d’une hygrométrie parfaite. « Nous étions en concurrence avec Bordeaux, mais nous avons de loin la meilleure offre immobilière », assure François Rebsamen. La ville met près de 11 millions d’€ sur la table pour rénover l’hôtel et l’adapter à l’accueil d’une trentaine de personnes.
Du côté des viticulteurs exploitants des vignes sur Dijon et les communes limitrophes, tout ceci va dans le sens de leurs affaires. Depuis plusieurs années, dans le cadre du projet « Renaissance du Vignoble », des terrains métropolitains sont affermés. L’opération passe par la chambre d’agriculture qui bénéficie d’un bail à long préavis et redistribue le foncier sur appel d’offres. De la trentaine d’hectares qui subsistait, la superficie plantée frise aujourd’hui les cinquante. « Il en reste encore environ 130 vierges, en AOC Bourgogne, sur les cinq communes que sont Dijon, Corcelles-les-Monts, Plombières-lès-Dijon, Talant et Daix », détaille François Rebsamen.
Très désireux d’une montée en gamme, l’ancien sénateur et ministre du Travail caresse l’espoir d’obtenir pour le vignoble une dénomination géographique complémentaire qui permettrait alors d’apposer sur les étiquettes « Bourgogne Dijon ». « Nous déposerons un dossier en ce sens à la fin de l’année auprès de l'Institut National de l'Origine et de la qualité (INAO), mais cela peut prendre un peu de temps », explique Jean-Luc Theuret, du domaine du Tumulus créé avec Manuel Olivier et qui rêve à beaucoup plus long terme encore, d’une appellation village Dijon, à l’instar de Vézelay pour ses vins blancs.

« J’ai opté pour planter 2 hectares en blanc sur le climat La Rente de Giron car le terroir s’y prête bien et il me faut des entrées de gamme en AOC Bourgogne », se félicite Éric Guyard, du Domaine du Vieux Collège à Marsannay, qui considère le résultat plaisant, fruité et facile à boire. Philippe Bernard, du Clos-Saint-Louis à Fixin a fait tout le contraire en plantant 2 hectares de pinot noir, le cépage par excellence des grands rouges bourguignons. « Le terroir après analyse des sols s’y prête aussi et les vins du cru ont un bel avenir. »
Les deux vignerons espèrent à terme que l’association qui les fédère deviendra un organisme de défense et de gestion (ODG), gage aussi d’une reconnaissance et d'une indépendance des vins du Dijonnais.