Les travaux de la Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin de Dijon devant illustrer le « Repas gastronomique des Français » inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco sont au point mort. Conséquence d’un recours, la clause suspensive qui bloque toute construction, ne sera levée qu’avec le jugement de la Cour Administrative d’Appel de Lyon, attendu durant le premier trimestre 2019.

L’aménagement de la future Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin (CIGV) de Dijon devrait battre son plein, et le site de l’ancien Hôpital Général être le théâtre d’un fabuleux ballet d’engins de chantier. Au lieu de cela, c’est morne plaine, avec un site quasiment désert où deux uniques constructions émergent de terre. Le projet, qui devait initialement être finalisé en 2018, ne le sera pas avant, au mieux, 2020. En cause, un recours en instance de jugement conduit par Emmanuel Bichot (LR), opposant municipal au maire François Rebsamen (PS). La procédure judiciaire (Voir encadré) fait peser sur toutes les opérations de construction et d’aménagement une clause suspensive qui ne sera levée qu’avec le jugement de la Cour Administrative d’Appel de Lyon, attendu durant le premier trimestre de l’année.
« Il est vraisemblable que l’inauguration de la Cité enjambe les élections municipales, mais ça ne me dérange pas », assure, bravache, François Rebsamen. Le contraste d’avec la posture conquérante initiale demeure frappant. La Cité dijonnaise, assurait le maire lors de la sélection fin 2014 d’Eiffage comme lauréate de la procédure d’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI), était le « plus beau projet » (des quatre retenus par l’Unesco avec Tours et Rungis, ndlr), et elle serait inaugurée avant celle de Lyon, preuve de la réactivité des autorités municipales et métropolitaines. Las, Lyon devrait inaugurer la sienne cet été, tandis qu’à Dijon, le chantier s’enlise.

LCRDijon

 

Tout n’est cependant pas à l’arrêt : la métropole a inauguré, en janvier, le parking Monge de 460 places, 10e parking en ouvrage de la ville, et lieu de stationnement des futurs visiteurs de la CIGV. La construction a été financée par la Métropole, pour un montant de 7,5 millions d’€. Sur le site de l’ancien hôpital, les deux premiers immeubles de l’écoquartier de 700 logements, second volet de l’opération d’Eiffage (Lire ici) sortent de terre. 
Chacun comptera 85 logements conventionnés, construits par Eiffage Construction pour Grand Dijon Habitat et Habellis, deux bailleurs sociaux dijonnais. La conception a été confiée aux architectes Archigroup (Lyon et Dijon) et Chambaud (Mâcon).
Mais ce sont les arbres qui cachent la forêt : Seuls les deux bailleurs sociaux ont accepté le risque financier que constitue, en l’état, toute construction. « Le chantier avance correctement, mais avec un recours juridique qui reste pendant, qui empêche l’essentiel des constructions. Tant que la clause suspensive liée à ce recours n’est pas levée, nous ne pouvons ni construire ni vendre », se défend Christophe Garcia, le chef du projet chez Eiffage.

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Esquisse des immeubles de logements sociaux en travaux. A gauche : Chambaud Architectes pour Habellis, fusion de Villéo et Logivie ; à droite, Archigroup pour Grand Dijon Habitat.

Eiffage Immobilier Grand Est poursuit, de son côté, la commercialisation de son immeuble IntenCité, qui comprendra 42 logements répartis sur six étages ; un espace de vente accueille les acheteurs potentiels, que l’on nous assure nombreux : « Nous avons lancé la commercialisation des appartements en septembre 2018 et comptons déjà 16 réservations sur les 42 lots, c’est un très bon lancement », témoigne Christophe Garcia. Des réservations donc, mais de construction, point. 
En attente aussi, un îlot de 3 résidences qui cherche toujours des investisseurs : une résidence étudiante de 144 logements, une résidence à vocation touristique de 104 logements et une autre destinée aux personnes âgées, de 96 lots. Ces ensembles seront complétés par un autre immeuble en accession à la propriété regroupant 48 appartements.
Le versant équipements publics du projet, qui comprend les locaux de la Cité de la Gastronomie et sa « Chapelle des Climats », de même que la création d’un multiplexe cinématographique de 9 salles, associé à 4 salles Art & Essai, un hôtel 4 étoiles de 125 chambres, un espace commercial regroupant 15 boutiques et un supermarché, ainsi que les locaux du Village by CA, est lui à l’arrêt, suspendu au recours administratif.

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Chantiers en cours des deux immeubles de logements sociaux. © Arnaud Morel.

 

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Quelles menaces juridiques sur le projet ?

Ce recours dont tout le monde parle ici a été déposé par un opposant municipal, Emmanuel Bichot (LR), qui le considère comme un « instrument juridique » pour appuyer les griefs qu’il oppose au projet. Ils sont nombreux. D’abord, il s’interroge sur la compétence de la ville, qui a acheté, puis revendu le terrain de l’ancien hôpital à Eiffage. Pouvait-elle le faire, ou était-ce de la compétence communautaire ? Et si le contrat de vente du terrain est de nature privée comme le soutient la ville, est-ce que le contrat d’aménagement de celui-ci n’est pas un contrat public, obligeant au respect de procédures plus strictes que celles suivies ? L’argument, s’il était entendu, ferait peser un risque certain sur toute l’opération.
En la matière, la ville de Dijon a connu une chaude alerte, au moment où elle a attribué l’aménagement du site à Eiffage, fin 2014. Un concurrent local malheureux, Seger, avait attaqué la délibération municipale d’attribution à Eiffage. Le tribunal administratif de Dijon l’a débouté, estimant que seul le contrat d’aménagement à venir, entre Eiffage et la ville, pouvait être légitimement attaqué. Cependant, à cette occasion, le rapporteur public n’a pas hésité, dans son analyse juridique, à qualifier à l’avance ce futur contrat de public. Et qui dit contrat public, dit obligation d’appel d’offres et de mise en concurrence, loin de la procédure allégée de l’Appel à Manifestation d’Intérêt qu’a suivi la ville.
L’aspect financier de l’opération est également abordé dans ce recours. Eiffage a acheté le terrain 11 millions d’€, 9 millions de moins que les 20 millions proposés par Seger. Mais, expliquait-on alors, Eiffage devait procéder, sur ses deniers, à l’aménagement des voiries sur le site, qu’elle rétrocéderait à la ville pour l’euro symbolique. Quelques années plus tard, il est désormais question de payer ces aménagements « à prix coûtant »,  soit tout de même une note plus vraiment symbolique avoisinant les 7 millions d’€.

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