François Mitterrand dont on célèbre ces jours-ci les 40 ans de son élection à la présidentielle, le 10 mai 1981, puis de sa prise de fonction le 21 mai, a laissé de nombreuses traces de son parcours politique en Bourgogne, et en particulier dans la Nièvre, sa terre d’adoption.
Le natif de Jarnac en Charente (1916-1996) a été « parachuté » en 1946 dans la Nièvre - qu’il avait connu pendant la Seconde Guerre comme résistant sous le nom de Morland - et il y resta 35 ans, élu (et réélu) député jusqu’en 1981, avec une interruption de quatre ans en 1958. A l’époque où il n’était pas encore question de cumul des mandats, il resta simultanément 17 ans (1964-1981) président du conseil départemental de la Nièvre, et 22 ans (1959-1981) maire de Château-Chinon.
Elu Président de la République, il garda une attention particulière à son département. Revue des réalisations qui n’auraient certainement pas vu le jour sans l’arbitrage du chef de l’Etat dont on célèbre cette année les 40 ans de l'élection à la Présidence de la République.
• Magny-Cours et le sport automobile

La trace la plus indélébile de François Mitterrand dans la Nièvre est certainement la transformation du circuit de Magny-Cours, un tout petit circuit privé créée en 1961 par son ami Jean Bernigaud, en circuit de Formule 1 qui accueillit le Grand Prix de France pendant 17 ans, de 1991 à 2007, ainsi que le Bol d’Or (la version moto). Les énormes investissements (244 millions de francs) réalisés pour faire une piste aux standards de la F1 (4,411 km), financés en grande partie par le Conseil départemental de la Nièvre, eurent ses partisans et ses détracteurs. Toujours est-il qu’avec ses 35.000 places de parking, 44.000 en tribune et son héliport, cette petite ville située à une encablure de Nevers ne connut jamais autant d’effervescence.
Le circuit entraîna la création d’un parc technologique dédié à la mécanique du sport automobile qui connut des hauts et des bas, mais compte aujourd’hui une quarantaine d’entreprises, certaines de haut niveau comme Mygale et ses Formules 4, Danielson, Ligier Automotive. Le circuit poursuit son bonhomme de chemin avec différents championnats de deux et quatre roues, et comme lieu d’entraînement de diverses écuries.
Pour accéder plus rapidement au circuit de Magny-Cours, fut construite une autoroute gratuite, l’A 77, sur le tracé de la RN7, de Dordives (nord de Cosne-sur-Loire) à Nevers. Un long chantier (1999-2008) dont le terminus, à la frontière de l’Allier, est espéré ces prochaines années.


Le village de Sermages sans le croix de son clocher
On ne sait trop pourquoi le candidat Mitterrand choisit le clocher de Sermages pour sa campagne de 1981, si ce n’est que le village du sud du Morvan comptant moins de 500 habitants faisait partie de sa circonscription législative. L’affiche « La force tranquille » fut raillée par une partie des habitants, car la croix du clocher a été effacée, jugée trop cléricale pour un candidat de la gauche.
• Château-Chinon, le coeur de l'histoire

L’Hôtel du Vieux Morvan dont les anciens propriétaires, Jean et Ginette Chevrier étaient des amis de longue date, fut rendu célèbre en une poignée d'heures le 10 mai 1981. Et en particulier la chambre numéro 15 que François Mitterrand occupait lors de ses séjours privés et officiels. Ce soir-là, toutes les caméras et micros étaient pointés sur la ville dont il fut le maire de 1959 à 1981, pour son premier discours, fraîchement victorieux du scrutin présidentiel.
Tout au long de ses deux septennats (1981-1995), François Mitterrand n’oubliera pas Château-Chinon. En 1986, il fit don à la ville des cadeaux offerts par les chefs d’Etat lors de ses visites officielles, ainsi que ceux provenant de France, maires ou simples particuliers. Une collection hétéroclite, de céramiques, verreries, pièces d’argenterie et d’orfèvrerie, dessins, gravures, tableaux, meubles et tapisseries. Ainsi naquit le musée du Septennat dans l'ancien couvent Sainte-Claire, aujourd’hui fermé pour travaux (réouverture au printemps 2022).

François Mitterrand apporta aussi à son ancienne ville, un atelier d’impression de l'Armée de terre en 1988 dans le cadre de la décentralisation des services de l’Etat avec ses 70 militaires et autant d’employés civils. Il a fermé en 2009.
• Clamecy, la statue de César et les tableaux d'artistes peu connus

A son successeur à la présidence du Conseil départemental de la Nièvre (1986-2001), Bernard Bardin, maire de Clamecy (1977-2008), François Mitterand offre les tableaux qu’il avait reçus pendant ses mandats. Ils sont hébergés au musée d’art et d’histoire Romain Rolland. Ce sont essentiellement des oeuvres contemporaines d’artistes peu connus du monde entier.
La ville de Clamecy reçoit aussi en 1987 « L’Homme du futur », une statue en bronze de César : un homme debout doté d’une aile géante de six mètres d’envergure. La statue de six tonnes, une commande publique du ministère de la Culture, est placée dans les faubourgs, au carrefour du Pré Lecomte et du boulevard Misset.
• Bibracte et ses archéologues du monde entier

Bâtisseur dans le domaine de la culture (musée du Louvre, Grande Bibliothèque), François Mitterrand réserve son lot à sa région de coeur en faisant construire le musée de Bibracte, au pied du Mont-Beuvray en Saône-et-Loire, ainsi que le centre archéologique européen à Glux-en-Glenne, sur l’autre versant de la colline, et cette fois dans la Nièvre.
Réalisé en 1995 par l'architecte Pierre-Louis Faloci, dans une facture de pierre et béton qui eut ses détracteurs à l’époque, le musée de Bibracte résume toute l’histoire de la cité gallo-romaine. Edifiée comme capitale du peuple éduen à la fin du IIe siècle avant notre ère, Bibracte est devenue gallo-romaine à la conquête de la Gaule par Jules César qui y séjourna après sa victoire à Alésia (Côte-d’Or) pour dit-on, mettre la dernière main à ses « Commentaires sur la Guerre des Gaules ».
Des travaux archéologiques dont les objets sont exposés au musée, mobilisent toujours des chercheurs du monde entier. Cet automne, le musée va faire l’objet de travaux d’agrandissement (pour 3 millions d’€) pour une ouverture au public au printemps 202.
Selon l’ancien Président de la République, le Mont Beuvray était un endroit mystique qui lui fit même envisager d’en faire sa dernière demeure. Il avait pour cela acheté un lopin de terre au sommet.
• Nevers et sa collection de livres pour historiens et bibliophiles
C’est la médiathèque Jean-Jaurès de Nevers que François Mitterrand choisit pour conserver les livres qui lui avaient été offerts : près de 20.000 volumes. La moitié est en accès libre, l’autre archivée à des fins d’études historiques. La médiathèque héberge aussi une partie de la bibliothèque personnelle de l'ancien Président. Le fonds contient notamment une collection de reliures du monde entier : en cuir de poulain d’Amérique latine, en mosaïque du Maroc, de raphia et coton d’Inde, de métal de Suisse…
• La Roche de Solutré et l’ascension de la Pentecôte

(*) Le vendredi 21 mai, jour anniversaire de sa prise de fonction, s’enchaîneront à Château-Chinon, cérémonie, débats et spectacles de 14h à 20h. Au programme en présence de son fils Gilbert Mitterrand, un débat sur la politique européenne de la France depuis 1981 réunira Elisabeth Guigou, qui fut garde des sceaux en 1997, Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, Nicolas Leron, politologue, et Emmanuel Maurel, député européen. Ce sera également l’avant-première de la pièce de Jean-Pol Baras « Mitterrand au Paradis » écrite exclusivement à partir de déclarations de François Mitterrand.
L’événement est à l’initiative de l’institut François Mitterrand en coopération avec le Département de la Nièvre. Cet institut conserve à Paris, les archives de la présidence de la République des deux septennats, et des archives privées du Président de 1981 à 1995 : un ensemble de documents sonores – plus de 8.000 heures d’enregistrements -, audiovisuels – plus de 700 heures de films -, un important fonds iconographique – 17.000 photographies, affiches –. Il est accessible à des fins historiques et de recherche.

Pour en savoir plus, en images, une série de France 3 Bourgogne:
Son implantation en passant par Cluny (Saône-et-Loire) : https://www.youtube.com/watch?v=TEZank2QpaM
Dans la Nièvre : https://www.youtube.com/watch?v=27_xi6Wiz44
Le pélerinage de Solutré : https://www.youtube.com/watch?v=44U85JKFJJc