cassisSPIRITUEUX. L’association des producteurs de crème de cassis de Dijon vient d’assigner en justice le Syndicat Interprofessionnel de Défense du Cassis en Bourgogne pour « usurpation d’histoire et captation de notoriété ».

En cause, le dépôt d’une demande d’identification géographique (IG) des liquoristes bourguignons.

Un préalable à leur volonté d'obtenir aussi une appellation d’origine contrôlée (AOC) : Cassis de Bourgogne.

Pour bien comprendre cette affaire, d’une redoutable complexité et sur fond de haine recuite, osons quelques explications.

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Le dépôt de plainte de l’Association Cassis de Dijon contre le Syndicat Interprofessionnel de Défense du Cassis en Bourgogne, révélé par nos confrères de www.dijonbeaunemag.fr, fait référence à une histoire que les moins de vingt ans ne peuvent pas…

Il découle de la demande d’identification géographique (IG) déposée par les liquoristes bourguignons, principalement regroupés autour de Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or) et préalable pour eux au désir d’obtenir une appellation d’origine contrôlée (AOC) : Cassis de Bourgogne.

Au vu du dossier présenté par leurs confrères et néanmoins concurrents, les liquoristes dijonnais : Lejay-Lagoute, Briottet, Boudier, et L'Héritier-Guyot, seuls autorisés à apposer sur leurs étiquettes crème de Cassis de Dijon, dénoncent une « usurpation d’histoire et une captation de notoriété ».

Car l’obtention d’une IG (*) par l’Union Européenne impose, outre l’existence d’une aire de production délimitée, des méthodes de fabrication spécifiques et une filière d’approvisionnement en matière première clairement identifiée, ayant un lien originel au terroir.

En un mot, une légitimité ancestrale.

Or, pour appuyer leur dossier d’IG, les liquoristes bourguignons font référence à cette histoire dijonnaise qui provoque l’ire des quatre producteurs de la capitale régionale.

Dans un communiqué, Gérard Briottet, président du syndicat de défense du Cassis de Dijon, indique : « par les arrêts de la cour d’appel de Dijon du 21 décembre 1923 et de la cour de cassation du 30 janvier 1925, le  Cassis de Dijon, dès cette époque, avait obtenu par la procédure judiciaire l’appellation d’origine simple d’après la loi de 1919. L’appellation fut reprise comme dénomination géographique et ainsi reconnue et protégée au niveau communautaire, par son inscription à l’annexe II du Règlement (CEE) N°1576/89 ».

cartronLa crainte d’une banalisation

Et, précision utile, homologuée depuis en tant que « Indication Géographique » par arrêté ministériel publié au Journal Officiel, en date du 31 août 2013.

C’est dire s’ils peuvent  logiquement se prévaloir d’une antériorité juridique.

« Mais pas de production car il se fait de la liqueur ou crème de cassis depuis toujours en Bourgogne », rétorque Judith Cartron qui dirige la maison Joseph Cartron à Nuits-Saint-Georges (4,5 millions d’€ de chiffre d’affaires, 17 salariés).

« Pendant des décennies, la crème de cassis a été élaborée dans de nombreux villages de Bourgogne sans référence à une histoire particulièrement dijonnaise », écrit, de son côté, Gérard Chaussée, président du Syndicat Interprofessionnel de Défense du Cassis  en Bourgogne et par ailleurs directeur de la maison Védrenne, également implantée à Nuits-Saint-Georges.

Aussi, les deux dirigeants et porte-parole d’une huitaine de transformateurs regroupés, ne voient pas pourquoi il ne ferait pas référence à l’histoire du cassis de Dijon dans leur dossier d’identification géographique.

« Dijon est bien en Bourgogne à ce que je sache, et d’ailleurs nous invitons nos confrères dijonnais à nous rejoindre au lieu qu’ils perdent leur temps en procédures stériles », glisse malicieusement Judith Cartron.

vedrenneUn produit unique

« Notre organisme de défense et de gestion de l’IG Cassis de Dijon n’a pas à s’opposer à une telle démarche dont seule la commission nationale boissons spiritueuses de l’INAO est fondée à juger de la pertinence à partir du dossier technique. Nous demandons simplement que soient retirées du dossier présenté par le Syndicat de Défense du Cassis en Bourgogne toutes les références historiques et économiques empruntées indûment à la production de la crème de cassis de Dijon », réplique Gérard Briottet qui martèle que l’on pille de façon déloyale l’historique dijonnais.

Que craint-il avec ses trois autres collègues ?

Tout simplement qu’une IG cassis de Bourgogne ne banalise, voire dévalorise celle de Dijon, auprès des circuits de distribution. D’autant qu’une demande d’AOC (**) cassis de Bourgogne, différée pour une question de calendrier, sera faite dans un second temps.

« Je regarde attristé ces quelques entreprises s’entre-déchirer, alors qu’elles auraient tout intérêt à travailler ensemble pour dynamiser un produit unique en son genre et très qualitatif », se désespère un interlocuteur proche des deux parties et très soucieux par les temps qui courent de préserver son anonymat.

En attendant, Socofruits et Coteaux Bourguignons, les deux principales coopératives fruitières qui alimentent en baies de cassis tous les liquoristes locaux se sentent prises entre deux feux. Interrogées, elles n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

(*) Au niveau européen, les boissons spiritueuses ne peuvent prétendre à l’Identification Géographique Protégée (IGP) qui ne classifie que les vins et produits agroalimentaires.

(**) Dans ce cas présent, l'AOC ne serait qu’une homologation française.

dijonnaisLes liquoristes dijonnais pèsent le plus lourd

La production de crème de Cassis de Dijon s’est élevée à 12 millions de bouteilles en 2012, dont 4 millions commercialisées à l’export. Cette activité représente environ 85% des fabrications de crèmes de cassis de la région Bourgogne.

Elle s’inscrit depuis le début du XXème siècle dans une véritable politique de filière agricole régionale associant les producteurs bourguignons de fruits et les transformateurs dijonnais qui achètent chaque année environ 1200 tonnes de baies de cassis d’origine bourguignonne, sur un total d’environ 3000 tonnes transformées. Ce volume constitue le débouché le plus important des coopératives fruitières de Côte d’Or et de Saône et Loire.

2 commentaire(s) pour cet article
  1. Criard Nicoledit :

    Arrêtez cette assignation en justice, c'est une perte d'énergie et une perte d'argent !

  2. Criarddit :

    Je suis dijonnaise et je trouve déplorable ce combat d'arrière garde à l'heure de l'Europe. De plus Cartron et Védrenne ont des liqueurs plus goûteuses que les dijonnais. Avantage pour les dijonnais, on trouve leurs bouteilles dans toutes les grandes surfaces !

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