ACCOMPAGNEMENT/BOURGOGNE. Réseau Entreprendre Bourgogne (REB) célèbre aujourd’hui les 30 ans de la création du Réseau Entreprendre, fondé par André Muliez en 1986.
La manifestation se déroule chez le producteur négociant en vins Louis Jadot à Beaune. REB y invite, à partir de 18 heures, 100 chefs d’entreprise qui le soutiennent à une dégustation exceptionnelle de vin de cette grande maison et d’une autre, non moins grande, Faiveley. Le tout suivi par un dîner.
Pourquoi un tel réseau fonctionne-t-il si bien dans toutes les régions et tout spécialement en Bourgogne ?
Quels sont les critères de sélection et les exigences imposées par les administrateurs pour accompagner un porteur de projet ? Gérard Desbois, le président de REB, les précise.
Traces Écrites News donne aussi la parole à quatre accompagnateurs qui épaulent des créateurs ou repreneurs.

André Muliez, fondateur en 1986 de Nord Entreprendre, qui donnera naissance au Réseau Entreprendre, avait cette formule choc : « pour créer des emplois, créons des employeurs ».
Trente ans plus tard, ce sont 100.000 emplois directs qui ont été créés ou sauvegardés grâce à 116 implantations du réseau en France.
A son échelle, le Réseau Entreprendre Bourgogne (REB) n’est pas en reste. Il revendique 194 lauréats en presque quinze années d’existence.
Ces derniers ont bénéficié d’un total de 5,25 millions d’€ de prêts à taux zéro sur une durée de trois ans et demi, avec un différé de remboursement de 18 mois. Pas moins de 93% des lauréats bourguignons demeurent en activité au bout de trois ans et 90% au bout de cinq, soit l’un des records nationaux.
Pourquoi ? Les explications avec Gérard Desbois, président de REB.
• Vous présidez le Réseau Entreprendre Bourgogne depuis 2012 et êtes l’un de ses fondateurs, comment expliquez-vous cette réussite régionale ?
Restons modestes, les années se suivent et ne se ressemblent pas et, nous n’avons pas toujours, avec cette crise latente, un volant important de projets crédibles à soutenir, car nos critères de sélection sont très rigoureux. Je voudrais déjà préciser que, tant pour notre fonctionnement que pour les aides accordées aux créateurs et repreneurs d’entreprise, nous ne recevons aucune subvention.
Les porteurs de projet sont environ 250 chaque année à s’adresser à REB et, après un premier tri, nous étudions 80 dossiers. Sur ce nombre seulement 20 à 25 passent, les belles années, devant l’un de nos comités d’engagement. Si nous éliminons tout ce monde, ce n’est pas pour le plaisir, mais pour éviter une perte de temps, des désillusions et, enfin, des situations qui risquent de devenir dramatiques.
• N’est-ce pas une façon, sans grande prise de risque, d’aller à la facilité ?
Ce serait évidemment stupide de le penser. Bien au contraire, nous assumons nos choix et les justifions. Car nombre de projets ne sont pas mûrs ou carrément voués à l’échec. En outre, nombre de porteurs de projet ne peuvent pas être des chefs d’entreprise. On a cette qualité en soi ou pas. Et, cela nous le détectons très vite.
Voilà pourquoi, nous acceptons de préférence un bon profil d’entrepreneur avec un projet moyen, plutôt que l’inverse. Ensuite, nous apprécions s’il est « accompagnable » ou pas. Le succès du réseau tient à cette exigence, non négociable, qui oblige tous les lauréats à participer au suivi collectif et individuel.
• Avec une économie depuis longtemps atone en France, n’êtes-vous pas conduit à encore durcir vos critères ?
Dans les faits, je l’avoue, mais uniquement dans l’intérêt des futurs lauréats. Pour un créateur, nous exigerons, selon le marché ciblé, de une à deux années de trésorerie d’avance. Dans le cas d’une reprise, le prix de cession pose souvent problème et nous demandons régulièrement au repreneur de le rediscuter. De même que nous analysons au plus près sa capacité à diriger des collaborateurs et à s’entendre avec le cédant pour un passage de relais en douceur.
• Possédez-vous toutes les compétences requises pour apprécier un projet ?
Nos comités d’engagement sont composés d’entrepreneurs très différents qui maîtrisent presque toutes les compétences requises. Je dis presque car nous devons élever notre niveau pour tout ce qui touche au numérique.
• REB réfléchit-il à de nouveaux développements ?
Nous allons accentuer notre collaboration avec l’incubateur de la Burgundy School of Business, l’ancienne ESC. Nous étudions pas ailleurs la possibilité d’épauler le développement d’entreprises existantes, à l’occasion, par exemple, d’une croissance externe. Nous voulons aussi accentuer nos efforts dans le cadre de notre Club Ressources qui aide nos lauréats en grande difficulté.
Témoignages d'accompagnateurs
Ils s’engagent bénévolement à épauler un créateur ou repreneur d’entreprise. La mission dure souvent plusieurs années (deux à trois ans en moyenne) et se solde la plupart du temps par un enrichissement mutuel. Quatre accompagnateurs, un pour chaque département bourguignon, racontent.
• Jean-Philippe Guyot (Saône-et-Loire)
A la tête depuis 12 ans d’une entreprise familiale de 43 salariés qui a un siècle, la Société Européenne d’Abrasifs (SEA), cet ancien cadre de l’industrie s’implique dans le REB depuis la fin 2013. Il accompagne dans sa reprise de la Manufacture de Digoin Grès et Poteries Corinne Jourdain.
« Je me suis engagé par envie de partager des expériences et des connaissances, en aucun cas pour être mentor ou conseiller. Mon rôle d’accompagnateur consiste à faire prendre conscience, à guider dans les meilleurs choix possibles. Tout doit reposer sur un socle de confiance sinon, cela ne fonctionne pas. »
• Philippe Bultel (Nièvre)
Ch'ti d’origine, le patron de JMP Diffusion, à Clamecy, a été lauréat de REB en 2009. Ce fabricant de serrures industrielles emploie 9 personnes et atteint 1,2 million d’€ de chiffre d’affaires. Ancien directeur d’une entreprise nivernaise, Philippe Bultel rêvait depuis ses 20 ans d’avoir sa propre entreprise. Depuis l’an dernier, il accompagne la reprise d’NRJ Habitat, spécialisée à Auxerre dans les portes, fenêtres et solutions d’isolation.
« Je suis un soutien moral, car un chef d’entreprise est souvent trop seul. Ce qui me plaît dans cet accompagnement tient à notre capacité à discuter de tout et à nous poser les bonnes questions. Je n’avance aucune solution, mais à l’issue de nos échanges, nous explorons un éventail de pistes à emprunter. »
• Jean-François Lemoine (Yonne)
Lauréat en 2002, Jean-François Lemoine sait ce qu’il doit à REB et son prêt personnel de 30.000 € sans garantie. Sans ce coup de pouce inappréciable, les banques n’auraient sans doute pas répondu à son besoin en fonds propres de 450.000 €. Le fondateur d’Anthalys (4 millions d’€ de chiffre d’affaires, 40 salariés), une tôlerie de précision près d’Auxerre, est donc tout naturellement devenu accompagnateur puis administrateur du réseau. Il épaule depuis 2013 les repreneurs de Geficca, transformateur de pièces en caoutchouc et silicone à Cosne-sur-Loire (Nièvre).
« Nous échangeons beaucoup, intellectuellement, moralement et professionnellement, comme, par exemple, nos carnets d’adresses. L’émulation est entre nous réciproque et tout se fait sans arrière-pensées. Je suis heureux et très fier de cet accompagnement qui va bientôt s’achever ; quel enrichissement ! »
• Eric Magaud (Côte-d’Or)
Le dirigeant d’Emig Industries, chaudronnerie et tuyauterie à Longvic, près de Dijon, et d’Emig Équipements, maintenance industrielle à Dole (Jura), est lui aussi un lauréat de REB. Éric Magaud conserve un lien très fort avec les autres lauréats de sa promotion 2011. Tous ou presque se rencontrent quatre fois par an et continuent de se soutenir. Cet ancien responsable opérationnel dans des groupes internationaux accompagne depuis novembre 2014 les deux créateurs de Bourgogne Précision Mécanique (BPM), un essaimage dijonnais du groupe Parker Hannifin.
« Je rends ce que j’ai reçu et qui m’a été fort utile par la suite. Cela prend la forme d’échanges de fonds, faits avec transparence. REB insuffle un vrai esprit de réseau et cela est assez rare pour être souligné dans ce monde très individualiste. »
Bravo à la Dream Team au grand coeur !