AGROALIMENTAIRE/BOURGOGNE. La société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération dijonnaise (Semaad) et la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté proposent de racheter les locaux de la Chocolaterie de Bourgogne, dont le tribunal de commerce décidera du sort d'ici le 17 février, voire avant.

Nouveau dans la capitale bourguignonne, ce montage pour apporter des liquidités à une entreprise en difficulté, est pratiqué dans l'Est depuis des années.

 

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La société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération dijonnaise (Semaad) et la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté sont en train de finaliser le montage juridique d'une SCI (société civile immobilière) qui rachètera les 56 000 m2 de locaux de la Chocolaterie de Bourgogne, placée en redressement judiciaire depuis le 28 octobre dernier.

 

Le nouveau propriétaire louera ensuite les locaux au futur exploitant qui devrait être choisi par le tribunal de commerce de Dijon, d'ici au 17 février. Selon nos informations, la transaction s'élève à 6 millions d'€. Le loyer versé par l'industriel est quant à lui fixé à 500 000 € par an.

 

Par cette proposition, qui doit être validée par le tribunal de commerce de Dijon pour être mise en oeuvre, la ville de Dijon veut sauver une emblême locale (à l'origine Les chocolats Lanvin), et surtout les 300 emplois de la chocolaterie. Actionnaire majoritaire (69,90%), la capitale bourguignonne a les moyens d'imposer ce choix au conseil d'administration de la société d'économie mixte, qui accueille aussi dans son capital Le Grand Dijon (6,01%), la Caisse d'épargne Bourgogne-Franche-Comté (3,76%), ainsi que des communes de l'agglomération et d'autres banques.

 

Les 6 millions d'€ de la vente de l'immobilier apporteraient à l'entreprise le cash dont elle semble avoir bien besoin, pour rendre crédible l'offre de reprise, à l'étude au tribunal.

 

chocolat6 millions de cash

 

Les fonds d’investissement hollandais Varova et Nimbus, le Ghanéen Plot (exploitant de cacao) et dans une moindre proportion, Les Salaisons Dijonnaises (2% du capital de la nouvelle société), proposent de racheter ensemble l'entreprise pour 4 millions d'€, en laissant au passage 110 salariés sur le carreau.

 

Une somme qui ne semble pas suffisante pour compenser les difficultés financières immédiates et redémarrer d'un bon pied. A eux seuls, les salaires représentent aujourd'hui une facture mensuelle d'un million d'€. Selon nos sources, l'outil de production n'est pas adapté aux produits que fabrique l'industriel.

 

En reprenant les actifs à Barry Callebault en 2012, Philippe de Jarcy, qui devrait rester directeur commercial, a hérité de 14 lignes de fabrication à grande cadence. Celles que Nestlé avait installées - puis cédées à Barry Callebault - pour fabriquer ses barres Lion.

 

« Avec les petites moyennes séries que nous faisons depuis deux ans, qu'il s'agisse des tablettes de chocolat, des escargots de Bourgogne ou plus récemment des papillottes, nous devons changer de format 4 à 5 fois par semaine, ce n'est pas rentable », apprend-on de source confidentielle.

 

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La stratégie commerciale dirigée vers la grande distribution a aussi fragilisé l'entreprise qui affichait fin 2014, une dette située entre 10 et 13 millions d'€ pour un chiffre d'affaires d'environ 60 millions d'€. Car elle nécessite une solide trésorerie en raison des délais de paiement et de l'immobilisation d'un important stock de marchandises avant la première vente en magasin.

 

Lignes à grandes cadences

 

L'état des lieux qui nous est dressé n'est guère resplendissant : « plus de matière première et des machines mal entretenues », dernier point que refute le P-DG actuel. Les commandes en cours ne seraient pas suffisantes pour faire tourner la machine, d'où la mise en chômage partiel du personnel. Ajoutons à cela une perte de confiance des salariés qui se sentent exclus de la partie qui est en train de se jouer. 

 

Les repreneurs auront t-ils l'assise financière et commerciale pour faire redémarrer cette énorme machine dimensionnée dans les années 1990, par Nestlé pour fonctionner 24h sur 24 et transformer 45 à 50 000 tonnes de chocolat par an ? En 2011 déjà, après sa cession à Barry Callebaut, les syndicats parlaient de sous-production.

 

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Fonds publics dans affaires privées

 

L'intervention de fonds publics dans une affaire privée interroge syndicats et salariés. Et si la chocolaterie fermait définitivement ses portes dans quelques années, qu'adviendrait-il ? La Semaad n'encaisserait plus les loyers nécessaires au remboursement de son emprunt.

 

Risque calculé, selon l'aménageur car le prêt est garanti par la Caisse d'Epargne, associée à parts égales au sein de la SCI qui rachètera l'immobilier et le foncier de la chocolaterie. En outre, l'offre inclut la possibilité pour la société d'aménagement de valoriser le foncier, en installant d'autres entreprises sur les lieux, très étendus. Sans compter, précise l'aménageur que la collectivité conserve les recettes fiscales du tènement foncier qui s'élèvent à 540 000 € par an.

 

D'autres collectivités locales pratiquent ce montage depuis longtemps, et certains avec succès. Dans le nord Franche-Comté, la Sempat qui a pour premier actionnaire le conseil général du Territoire de Belfort possède plus de 300 000 m2 de bâtiments industriels et tertiaires. Son plus gros patrimoine est l'ancien site Bull à Belfort, rebaptisé Techn'Hom (7500 salariés) où elle héberge notamment General Electric.

 

Dans cette région industrielle qui subit périodiquement  les hauts et les bas de l'industrie de l'automobile et de l'énergie, la Sem patrimoniale vole volontiers au secours d'entreprises en difficulté. Il y a quelques années, elle a racheté les locaux du sous-traitant de l'automobile Eurocast (une centaine de salariés) à Delle (Territoire de Belfort) pour lui apporter les liquidités dont il avait besoin.

 

Dernièrement, dans la Nièvre, le conseil général et la communauté de communes du Pays Charitois ont rejoint la Sem patrimoniale départementale pour racheter pour un million d'€, l'un des bâtiments de l'entreprise de construction bois Sorec, à La Charité-sur-Loire, moyennant un loyer annuel de 115 000 €. L'intervention des collectivités publiques a permis de regonfler la trésorerie de l'entreprise, qui s'était endettée à hauteur de 2 millions d'€.

5 commentaire(s) pour cet article
  1. unteldit :

    Une entreprise qui a fait des dettes, normal, il faut produire 80000 tonnes par an au lieu de 20000 pour qu'elle soit rentable étant donné le cout énergétique du bâtiment. Des compétences et expériences qui s'en vont dans les 130 emplois licenciés, des clients désabusés qui ne veulent plus attendre, 16 millions de dettes auprès de nos fournisseurs, dont certains ont perdu la confiance et ne voudront plus travailler avec l'entreprise. Donc toutes les conditions sont requises pour un avenir incertain. Je connais cette entreprise pour y avoir travaillé pendant de très longues années et tous les efforts que ses employés ont fait pour qu'elle vive, tout ça pour en arriver à cette situation.... Quel gâchis !

  2. Valentinedit :

    Et maintenant, on passe sous silence le délibéré du tribunal qui a eu lieu le 13/02 et qui jette dès le lendemain 110 personnes à la rue, dans un courrier très laconique :" en attendant votre éventuel licenciement, vous êtes dispensé d'activité. Bien sûr, vous serez payé " Oh merci, monsieur l'administrateur est trop bon !!!! Payé par qui, les deniers publics bien sûr !!!!! Et on apprend ainsi que la chocolaterie a été placée en liquidation. Mais que font les syndicats, si prompts ces dernières années à appeler à la grève pour un oui, oui pour un non ? Et là, grand silence ... ils sont trop occupés à sauver leur place !!!!! Une belle farce que cette histoire de reprise ... on prend les mêmes et on recommence... Bon courage à ceux qui restent !

  3. Chrisdit :

    Je pense qu'il s'agit là en effet d'une récupération à moindre coût d'un ensemble foncier que les politiques pourront bientot louer vide... Un coup médiatique pour faire croire que les politiques s'intéressent à l'avenir des gens qui vivent dans leur circonscription. C'est clair qu'après le fiasco réalisé par l'équipe Chocolaterie de Bourgogne qui a repris l'entreprise à Barry Callebaut pour 1€ et qui en 2 ans a réussi à dévorer plus de 10 m€ de trésorerie, on ne peut pas croire sérieusement que 6 m€ puissent jouer le rôle d'une bouée dans une entreprise aujourd'hui surendettée, et cela ne sauvera certainement pas d'emplois. Cela permettra plus certainement à ces quelques politiques qui n'investissent rien de personnel d'en récupérer sans doute pas mal, et de laisser aux prochaines élections une ardoise de plus aux successeurs et aux contribuables...

  4. Luludit :

    Moi je dit Bravo à la Caisse d'Epargne, pour cette future opération financière, le rachat de cet emplacement temps convoité depuis des années. 6 millions d'euros pour 55 000 mètres carrés ...pas mal. Il faut ouvrir les yeux, rien dans cette opération n'est fait pour sauvegarder les emplois des 300 personnes, nous sommes loin des 30 a 40 millions pour relancer un site comme celui-là, mais que faire que dire ? Tout est déjà joué depuis bien longtemps , nous ne vivons pas dans un monde où l argent sert à sauver des emplois !!!!!! Notre cher ministre du travail prépare t-il déjà son retour à la mairie de Dijon ? Tout cela me laisse perplexe ...j Je pense surtout à tous ces gens qui travaillent depuis des années, qui ont donné beaucoup pour leur entreprise et qui vont se faire déposséder par des financiers sans scrupule qui se moque bien des 300 emplois (300 chômeurs de plus ou de moins, quelle importance!). Et je ne parle pas des syndicats... Bref la fin de la chocolaterie de Bourgogne sonne bien tristement ....

  5. maxdit :

    Comment mettre 6 millions d'euros dans un canard boiteux dont ni le projet, ni l'outil, ni l'organisation ne sont adaptés au marché et pour lequel tout le monde va payer ! Hallucinant cette collusion et ce mélange des genres avec de l'argent public et donc de futurs impôts. Soit le projet tient la route et le politique n'a pas à se mêler d'une activité privée, soit il ne tient pas la route et la sanction économique tombe. Mais le rafistolage à 6 M€ pour faire illusion deux ans de plus et que cela termine par un nouveau naufrage. Quel intérêt ? De toute manière ceux qui engageront cet argent, n'en rendront compte jamais à personne, ne rembourseront jamais un seul centime à titre personnel et n'engageront jamais leur responsabilité, qu'elle soit personnelle, pénale... Alors à partir de là, l'irresponsabilité des politiques ouvre toutes les portes à toutes les dérives et autres chimères. Qui voudrait d'un bâtiment et de machines inadaptés, trop coûteux et déjà laissés pour 1 € symbolique lors de la dernière reprise ? Qui veut payer 540 K€ de taxes pour cet ensemble une fois vide ? la Semaad ? N'a-t'on pas déjà à payer pour les emprunts toxiques et tout le reste ?

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