ALIMENTAIRE/BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ. Les régions françaises sont passées tour à tour sur le pavillon de la France à l’exposition universelle de Milan qui s’achève le 31 octobre.
Dans l’Est représenté avant tout par le pavillon lui-même construit par le charpentier du Haut-Doubs Simonin, après la filière bois franc-comtoise en mai, et l’Alsace au menu du restaurant où officie le chef mosellan Michel Roth, le pôle de compétitivité Vitagora jouait à son tour, vendredi dernier, l’ambassadeur de la Bourgogne et de la Franche-Comté.
La ville de Dijon en a profité pour faire une opération de communication liée à son projet de cité de la gastronomie.

« De tous les pôles de compétitivité travaillant sur l'alimentation, Vitagora est le seul présent à Milan », se félicite Pierre Guez, le président du pôle Goût Nutrition Santé créé il y a dix ans en Bourgogne et qui s'est élargi depuis à la Franche-Comté et plus récemment à l'Ile-de-France.
Depuis le début du mois et jusqu'au 14 octobre, Vitagora s'expose dans le pavillon de la France à l'exposition universelle de Milan où 140 pays tentent jusqu'au 31 octobre de répondre à la complexe question "Nourrir la planète, une énergie pour la vie".
Vendredi dernier, une cinquantaine d'adhérents de Vitagora et leurs financeurs institutionnels ont rejoint sur place les cinq entreprises qui ont estimé que l'événement était incontournable.
Certes, leur présence est discrète : 120 m2 de classiques vitrines et totems au sein d'un pavillon qui s'étend sur vingt fois cette surface. Mais un visiteur attentif peut aisément capter le message.
Le potentiel est énorme : selon Alain Berger, le commissaire de l'exposition, « un visiteur de l'exposition universelle sur dix est passé par le pavillon de la France », malgré son emplacement peu avantageux coincé entre le Saint-Siège et l'Italie, en retrait de l'allée principale que deux millions de personnes devraient avoir emprunté d’ici la fin du mois...
Recyclage des bouillons de viande

Dans ce contexte, l’Expo2015 comme on la baptise est « une vitrine phénoménale pour nous », affirme Arnaud Sabatier, le patron des Salaisons Sabatier qui s'affiche « décomplexé » à côté de grands groupes comme Seb et Lesieur, également adhérents du pôle de compétitivité Vitagora.
Son projet anti-gaspillage s'inspire du bon sens des cuisinières d'antan. La PME qui partage avec les charcuteries Chazal de Dole (Jura), un atelier de jambon persillé à Nuits-Saint-Georges (Côte-d'Or), veut valoriser les jus de cuisson de ses viandes.
« Chaque jour, nous produisons 2000 à 3000 litres de bouillon dont on ne fait rien, or 300 grammes de jus de cuisson de jambon persillé contient 20 grammes de protéines, soit l'équivalent d'une tranche de jambon », explique le dirigeant.
Plusieurs débouchés sont actuellement à l'étude tant aux niveaux technique que commercial. « Incorporé à une mousse de foie, le bouillon la rend plus ferme et plus lisse tout en l'enrichissant de protéines », explique t-il. « Et nous avons déjà deux contacts sérieux d'industriels qui fabriquent des médaillons ».
La coopérative céréalière et meunière Dijon Céréales présente pour sa part ses dernières productions dans les thématiques de la santé : un pain riche en Oméga 3 et fibres, et le pain seniors G-Nutrition plus moelleux et riche en minéraux que fabrique sa filiale 365 Matins à côté de Besançon.
« Avec le rétrécissement des terres agricoles à cause de l'urbanisation, les céréaliers sont amenés à trouver des solutions pour intensifier les cultures tout en diminuant l'impact sur l'environnement, c'est le sens de nos plates-formes de recherche sur l’agroécologie Artemis et de notre présence ici à Milan », explique t-on chez Dijon Céréales.
Une boisson bleu lagon à base de micro-algues

Mais la star du stand Vitagora est sans conteste la spiruline mise en bouteille par Algama. Cette start-up francilienne commercialise depuis septembre au sein du groupe Accor, une boisson aux microalgues. La communauté scientifique reconnaît les bénéfices nutritionnels en magnésium, fer et acides aminés de ces formes de vie unicellulaires présentes dans les milieux aquatiques.
Le résultat est une boisson bleue lagon au goût légèrement citronné. La jeune entreprise a également mis au point une mayonnaise sans œufs, la spiruline faisant le liant nécessaire à sa fermeté.
Une présence qu'elle juge indispensable au moment où elle vient de boucler une campagne de financement participatif avec la plateforme Anaxago en dépassant son objectif de 700 000 €.
Conçu pour être réutilisé et remonté tel quel ailleurs

Où le pavillon de la France retrouvera t-il une seconde vie ?
Plusieurs acheteurs se sont déjà manifestés auprès d'Agrimer, le propriétaire. Il se pourrait qu'il retrouve la région qui lui a fourni la matière première du massif du Jura.
Le parc des expositions de Lons-le-Saunier, récemment détruit par un incendie est sur les rangs, mais il est loin d’être le seul ! Dijon aimerait également le poser à la cité de la gastronomie.

Le projet de la cité de la gastronomie n'est pas mûr. Mais il pourrait franchir une nouvelle étape ce lundi 12 octobre.
François Rebsamen, également président du conseil de surveillance du CHU, propriétaire du site, fera une proposition de rachat à 14,2 millions d'€.
La ville de Dijon sert d'intermédiaire de l'établissement public local (EPFL) qui portera le foncier avant de le revendre à Eiffage, probablement par tranches.
Le coût du désamiantage des bâtiments du 20ème siècle qui seront démolis, évalué à 4 millions d'€, devraient être partagés entre la ville de Dijon pour 2 millions, le CHU pour un million et l'agence régionale de santé (ARS) également pour un million. Les trois intervenants se répartiraient à égalité le prix des études (600 000 € au total).
Mais avant la cession, le recours déposé auprès du tribunal administratif par Seger doit être purgé. Le promoteur dijonnais conteste le choix d'Eiffage (Lire ici) car il avait fait une offre à 20 millions d'€ plus avantageuse pour le vendeur.
Si bien que Michel Costoli, président d'Eiffage prévoit une ouverture « pas avant la fin de l'année 2018 », nous a t-il confirmé à Milan. Il souhaite faire une première tranche de logements en même temps, « afin d'éviter une mise en service en plein chantier », mais aussi pour assurer l'équilibre de l'opération qui, à priori, lui coûtera plus cher que prévu.
L'investisseur dit également travailler sur l'exploitation des équipements culturels et commerciaux, comme le contrat de partenariat le prévoit. Des contacts ont d’ailleurs été pris avec Vega, l'exploitant du Zénith, sur le pavillon de la France.

Une exposition entre slow food et société de consommation
L'exposition universelle de Milan ressemble plus à une grosse foire au tourisme qu'à un plaidoyer pour le partage des richesses alimentaires de la planète. Car c'est bien de cela qu'il s'agit à la lecture de l'énoncé de l'exposition " Nourrir la planète, une énergie pour la vie ".
Les pays rivalisent de superlatifs pour vanter leurs superbes paysages et abusent des nouvelles technologies pour propulser le visiteur dans un voyage qui lui donnera l'envie de passer du rêve à la réalité.
A l'instar du pavillon de la Colombie où une pièce d'immersion visuelle le transporte en quelques minutes vertigineuses des 3000 mètres d'altitude de Bogota au niveau de la mer et ses longues plages de sable blanc. Un petit message environnemental tout de même à mi-parcours, au passage dans la jungle, précieux concentré de vie.

Le Vietman est lui aussi hors sujet. Son bâtiment en cônes de bambous plutôt esthétique, en fait une autre destination très attirante si l'on en juge la longueur de la file d'attente, mais ce n'est qu'un supermarché de babioles multicolores.
Dans l'allée centrale, une urne dédiée au Népal, rappelle à la réalité. Parmi les plus pauvres du monde, il sollicite la générosité du visiteur qui vient de s'empiffrer de glace à l'italienne, de tartines de Nutella (impossible de ne pas voir les pots géants factices) et de sodas (Coca cola est forcément présent).
Dans les parages, le village Save The Children rappelle que les enfants sont les premières victimes des famines et des catastrophes naturelles.
Il faut aller du côté des pavillons des interprofessions pour voir l’élaboration d’une réponse à l’énoncé de l’exposition. Reléguée tout au fond du site, l'ONG Slow Food en donne aussi, à grands renforts de photos et de maquettes caricaturales qui interpelle la conscience de chaque « consommateur gaspilleur ».

Quelques pays cependant, notamment la France et l'Italie, se sont attachés à respecter consciencieusement le cahier des charges. Le pavillon français, œuvre de sept ministères pilotés par FranceAgrimer, s'ouvre sur deux chiffres qui interpellent : sur 7 milliards de terriens, 800 millions sont sous alimentés.
A la fois halle de marché et grange, l’édifice que l’on visite tête en l’air passe en revue les richesses de la production agricole française et de l’économie qui découle de notre lien charnel avec la nourriture. Véritable inventaire à la Prévert, des objets et des produits, délivrent un message de qualité gustative et sanitaire, et de confiance dans la recherche scientifique pour réduire le gaspillage, le surplus d’emballages et respecter la saisonnalité des fruits et légumes.
L’Italie met en scène un scénario catastrophe dans un superbe bâtiment écologique. Et si la botte sombrait au fond de la Méditerranée, que perdrait le monde ?

Supermarché du futur
Plus prosaïquement, le pays d'accueil de l'exposition universelle met aussi en scène le supermarché de demain vu par Coop, son enseigne incontournable de grande distribution.
Rien de futuriste dans les rayons, que des marchandises que l'on consomme déjà, mais un marketing qui en jette plein la vue : des écrans s'animent quand l'acheteur s'empare d'un produit et lui indiquent le prix à l'unité, au kilo, la composition du produit, son origine et ainsi que les calories et ses incidences sur la santé.
Les caisses n'ont plus de caissière ; les Italiens le découvrent tandis que chez nous, sur ce plan-là, aujourd'hui est déjà demain.
D'accord avec vous pour dire que seules l'Italie et la France ont bien respecté le thème de l'expo. Par votre intermédiaire, ne peut-on suggérer que le bâtiment français soit installé, même partiellement, à Paris pour le rendez-vous international du climat ?