L’usine chimique de Chalampé s’apprête à accueillir l’unité de combustibles solides de récupération (CSR) qui réduira de près de moitié sa consommation de gaz naturel, dont elle est très friande : l’économie réalisée représente l’équivalent de l’usage de gaz de 40.000 logements. Les quelque 150.000 tonnes annuelles de déchets nécessaires seront préparées à proximité à Pfastatt (Haut-Rhin) par l’alsacien Schroll et l’allemand B+T qui exploite l’unité de CSR.


Sur le site chimique de Chalampé (Haut-Rhin) qui est tout simplement le plus gros utilisateur français de gaz naturel (il consomme à lui seul 2 % du total national), l’entreprise Alsachimie engage sa conversion partielle à une autre énergie. Compte tenu des volumes en jeu, le résultat est spectaculaire : à partir de l’an prochain, Alsachimie consommera 600 gigawattsheures annuels de gaz naturel en moins. C’est l’équivalent de l’usage de gaz de 40.000 logements en France.

« Notre mix énergétique actuel est constitué de 80 % de gaz et 20 % de fioul. La part du premier va se réduire entre 40 et 50 % », annonce Frédéric Fournet, directeur d’Alsachimie.

La coïncidence avec les tensions sur les prix et les approvisionnements en gaz exacerbées par l’invasion russe en Ukraine peut frapper, mais elle n’est que coïncidence. « Notre projet de substitution a été pensé entre 2016 et 2018, à un moment où le gaz était abondant et peu onéreux. Mais nous avions le souci de réduire notre dépendance à cette énergie d’origine étrangère. Alors oui, on peut dire que nous avons été anticipateurs, d'une certaine manière », expose le dirigeant du fabricant de produits intermédiaires du Nylon.

 

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La solution de remplacement est non-fossile et sort des poubelles, ou à tout le moins des déchèteries : il s’agit des déchets classés non dangereux dits « combustibles solides de récupération », qui présentent un pouvoir calorifique intéressant et sont issus des refus de tri des ménages, des objets encombrants ou encore des entreprises. Ils seront brûlés à Chalampé, dans une unité que le prestataire retenu, l’allemand B+T, achève en ce moment de construire, de sorte à lancer les premiers essais dans un mois puis de passer en mode complètement opérationnel en février 2023.

C’est B+T qui porte l’investissement, chiffré à 120 millions d'€, pour un retour calculé sur 15 ans, soit la durée du contrat avec Alsachimie. « Une quantité de 150.000 à 170.000 tonnes par an de CSR permettra la production des 600 gigawattsheures annuels de substitution au gaz », a exposé Jean-Luc Weber, directeur général de B+T France, lors d’une visite sur place ce mardi.

Ces déchets auront besoin d’être collectés, regroupés et préparés : c’est le rôle attribué à l’entreprise alsacienne Schroll qui s’est associée à B+T pour aménager une unité dédiée au CSR sur son site de Pfastatt (Haut-Rhin), seulement distante de 20 kilomètres de Chalampé, au sein d’une société conjointe B+S. Les besoins d’Alsachimie font réviser à la hausse les capacités de ce centre de préparation, fixées initialement à 100.000 tonnes annuelles.


Cinq à six jours d'autonomie

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Les déchets seront réceptionnés dans une fosse de 40 mètres de hauteur. © Mathieu Noyer


Une fois transportés par camions sur le site Alsachimie, ils descendront dans une immense fosse de 40 mètres de haut et 12.000 mètres cubes de contenance. « Il sera possible d’accumuler là entre 5.000 et 6.000 tonnes, garantissant cinq à six jours d’autonomie d’alimentation », précise Francis Muller, directeur adjoint de B+T Energie France, la société créée pour l’unité de CSR. Le process d’échanges thermiques mis au point démarrera à une température de 1 000°C pour tomber à 160 °C d’eau puis remonter au niveau final de 420 °C de vapeur.

« La combustion du déchet s’effectuera sans apport extérieur d’énergie, par l’effet du pouvoir calorifique des CSR », poursuit Francis Muller. Qui souligne une autre vertu environnementale du projet : « Les tonnages qui sont transformés en chaleur partent aujourd’hui en enfouissement. » Enfin, tout un dispositif de traitement des fumées (mélange de chaux et charbon actif, filtres à manche, injection d’urée…) permettra d’éviter l’émission des dioxines, oxydes d’azote, poussières et autres oxydes de soufre.

 

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Ce projet sera suivi dans deux ans, de la deuxième grande unité de CSR française qui prendra place en Lorraine, celle de Véolia pour le compte du chimiste Solvay à Dombasle-sur-Meurthe.

La plate-forme de Chalampé se trouve ainsi un peu plus confortée, et ses quelque 1.500 emplois avec. Ce mégaprojet n’en est en effet qu’un parmi d’autres.
D’une part, une unité d’hydrogène doit y être installée en 2024 pour 50 millions d'€ par le groupe Linde. D’autre part l’allemand BASF, coactionnaire d’Alsachimie avec le belge Domo Chemicals, a choisi le site pour une unité, également dans deux ans, d’un intermédiaire du Nylon, l’HMD (héxaméthylène diamine) moyennant un investissement de 300 millions d'€ annoncé sur place en janvier lors de la visite d’Emmanuel Macron (Relire l'article de Traces Ecrites News).

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