Hier à Chalampé (Haut-Rhin), les dirigeants de BASF avaient réservé à Emmanuel Macron, la Président de la République, l’annonce d’un nouvel investissement de taille pour augmenter la capacité de production d’HDM (héxaméthylène diamine), entrant dans la fabrication du nylon 6.6, un polyamide léger utilisé par les industries automobile et textile.
Un ambassadeur de choix est venu saluer hier lundi l’un des plus importants investissements récents dans l’industrie en Alsace. Avant de rejoindre Strasbourg pour y lancer la présidence française de l’Union européenne, Emmanuel Macron s’est arrêté à Chalampé (Haut-Rhin) pour y annoncer avec les dirigeants de BASF le nouveau projet de 300 millions d’€ du groupe allemand pour la plateforme chimique au bord du Rhin.
Ce dossier consiste à augmenter la production d’HDM (héxaméthylène diamine), produit intermédiaire entrant dans la fabrication du nylon 6.6, un polyamide léger et thermorésistant qui s’impose notamment dans l’automobile au titre de l’allègement des véhicules, et dans les fibres textiles. La capacité locale de production de cet HDM sera ainsi portée à 260.000 tonnes par an grâce à une nouvelle unité de fabrication à partir de 2024. Et celle-ci créera de plus 60 emplois.
L’investissement marque une double intégration « régionale ». Pour BASF, il se combine avec l’augmentation de ses capacités de production du débouché, le polyamide 6.6, qu’il prévoit à partir de cette année sur son site allemand de Fribourg-en-Brisgau, juste de l’autre côté du Rhin. « Avec cette nouvelle usine d’HMD à Chalampé et l’expansion de la polymérisation à Fribourg, nous assurerons en approvisionnement fiable tout en répondant à la demande croissante du marché », a déclaré Ramkumar Dhruva, président de la division monomères de BASF.
A l’échelle de Chalampé, le signal de confortement est fort pour un site qui évolue à plein dans une compétition mondiale sans merci. L’investissement de BASF succède à celui de 250 millions d’€ auquel il a largement contribué à la fin des années 2010 : l’unité modernisée d’adiponitrile (ADN), l’autre composant essentiel avec l’HMD de la fabrication du nylon 6.6., mise en service dans le cadre de Butachimie, sa société commune localement avec l’américain Invista.
Avant leur destinée finale en polyamide, ces produits passent par une étape de transformation à Chalampé dans l’usine Alsachimie propriété conjointe de BASF et du belge Domo Chemicals qui l’ont repris début 2020 au groupe Solvay. Au total, ce sont quelque 1.100 emplois qui sont pérennisés et donc même légèrement augmentés, sur la plateforme.
Les capacités de Butachimie en font le plus grand fabricant d’ADN et HMD dans le monde où ces produits totalisent 1,5 million de tonnes annuelles, pour sortir 2,5 millions de tonnes de polyamide 6.6. Seule dans sa spécialité en Europe, l’entreprise compte 410 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 700 millions d'€.
L’enjeu de décarboner une industrie gourmande en énergie

Une telle machinerie est particulièrement gourmande en énergie, et c’est là que se situe le prochain enjeu de Butachimie : réussir sa décarbonation. Dans un premier temps, l’entreprise vise la réduction de son empreinte carbone de 17 % d’ici à 2026 par rapport à 2018. Puis, il s’agira pour elle de remplacer son unité d’hydrogène – l’une de ses matières premières avec l’ammoniac et le butadiène – qui s’alimente aujourd’hui au gaz naturel, autre ressource de son process, auprès du groupe Linde.
Dès lors, Butachimie travaille à une solution d’hydrogène « vert », par électrolyse. « Datant de 1995, l’unité arrive en fin de vie en 2030. Nous nous fixons l’horizon 2027 pour démarrer la construction de sa remplaçante, et nous donnons jusqu’en 2024 pour choisir la technologie et le partenaire. Pas avant, afin de ne pas se fermer à des sauts technologiques qui pourraient encore émerger d’ici là », avait évoqué son directeur industriel Freddy Mencarelli, début novembre lors de la rencontre sur les projets locaux et transfrontaliers d’hydrogène à Biesheim (Haut-Rhin).
« Il s’agit également de définir le dimensionnement », avait-il ajouté. Pour les besoins directs de Butachimie, la puissance nécessaire se situe à 100 mégawatts, mais elle pourrait être multipliée d’un facteur trois à cinq avec l’entrée en lice d’un autre acteur chimique encore : l’autrichien Borealis pour son unité d’engrais voisine à Ottmarsheim (ex-Pec Rhin). Il y projette avec EDF la conversion d’une partie de son ammoniac au « bas carbone », par sa production au moyen d’hydrogène vert. Ou comment prolonger encore le cercle vertueux de Chalampé.