Le groupe familial de traitement de déchets Schroll se lance dans le métier encore jeune des combustibles solides de récupération (CSR) qui permet d’envoyer en chaufferies des rebuts jusqu’alors voués à la décharge. Il a trouvé le débouché : la plateforme chimique de Chalampé (Haut-Rhin). Allié à l’allemand B+T, il créé une unité de préparation des CSR à proximité dans l’agglomération de Mulhouse, à Pfastatt.
C’est l’une des terres encore peu explorées de l’univers de plus en plus riche du recyclage de déchets. Les combustibles solides de récupération (CSR) offrent un débouché aux déchets qui ne peuvent être valorisés par ailleurs, des quantités dites de « refus » n’ayant jusqu’alors que l’envoi en enfouissement, autrement dit en décharge, comme solution.
Le regain d’intérêt à leur égard a été multiplié ces derniers mois et semaines puisque, comme le rappelle l’Ademe, l’Agence nationale de transition écologique, « ils se substituent aux combustibles fossiles primaires comme le charbon, le coke de pétrole »… et « le gaz naturel ».
Encore faut-il en maîtriser la technologie et leur trouver un débouché. Quand leur pouvoir calorifique est élevé, les cimenteries les engloutissent volontiers, mais les refus de papiers, cartons ou autres plastiques conventionnels ne dégagent pas assez de pouvoir calorifique « inférieur » (PCI) pour être acceptés par ces installations énergivores.
Le groupe alsacien Schroll a trouvé les clés. Expert depuis des décennies de la récupération de déchets non-dangereux, il se positionnait depuis plusieurs années sur ce nouveau marché, s’estimant en mesure de préparer les gisements prêts à être brûlés. Le déclic pour lui est venu de Chalampé (Haut-Rhin).
Sur le vaste complexe chimique au bord du Rhin constitué autour du producteur d’intermédiaires du nylon, Alsachimie, le groupe allemand B+T de traitement de déchets est en train d’achever la construction d’une chaudière géante, avec mission de diminuer le recours aux ressources fossiles des entreprises de la plateforme. L’objectif consiste à trouver pour 30 % de la vapeur de process, une alternative au gaz dont le complexe constitue le plus gros utilisateur en France – il en consomme lui-même 2 % du total national !

La rencontre entre les deux acteurs prenait alors tout son sens. Elle s’opère à Pfastatt près de Mulhouse (Haut-Rhin), où elle prend la forme d’un chantier d’unité de CSR et adopte le nom de B+S Recyclage, société à 50/50 dont les lettres renvoient aux initiales respectifs des deux associés. « Pfastatt étant notre centre de regroupement et traitement le plus proche de Chalampé, son choix s’est imposé naturellement, d’autant que nous y disposions de la surface pour installer cette unité et lui aménager un circuit dédié d’entrée/sortie », expose Hugues Bapst, directeur commercial du groupe Schroll siégeant à Strasbourg (Bas-Rhin) et co-directeur général de B+S.
L’investissement dans la nouvelle unité s’élève à 4 millions d'€. Le montage de la ligne se terminera en juillet. « La montée en puissance est prévue à partir de novembre pour les essais, en vue d’un démarrage en pleine capacité en février et mars prochains », poursuit Hugues Bapst.
Objectif de 100.000 tonnes par an

L’installation de 10.000 m2 dont 3.000 m2 couverts, créera une dizaine d’emplois. Elle aura pour mission de préparer le combustible. Pour cela, elle se « nourrira » de déchets venus des entreprises, des commerces et, côté ménages, des objets encombrants de déchèteries. Leur fraction valorisable sous forme de matière sera séparée mécaniquement, puis ce qui restera sera criblé, broyé, trié par densimétrie pour extraire les derniers éléments non désirés (métalliques notamment).
Après analyse en laboratoire, ils seront envoyés vers l’incinérateur de B + T. Le projet est conçu pour transformer de la sorte 100.000 tonnes annuelles, au départ. « L’unité sera en capacité de dépasser ce seuil, pour Chalampé mais aussi pour d’autres débouchés », indique Hugues Bapst.
Quant au périmètre de récupération des déchets, il sera formé de l’Alsace, de la Lorraine et du Nord-Franche-Comté. « Cela correspond à nos territoires d’activité déjà », observe Hugues Bapst, qui admet qu’il n’y a là pas de hasard, outre la logique de ne pas démultiplier les kilomètres sur la route : « Cette unité nous apporte l’opportunité de proposer à nos clients actuels, la voie complémentaire de la valorisation énergétique… et nous comptons aussi sur elle pour gagner de nouveaux clients, en étant une porte d’entrée auprès des prospects. »
Dans un monde de plus en plus concentré, Schroll fait partie d’une cohorte d’entreprises restées indépendantes. Ce qui ne rime pas avec petit : l’évolution du métier l’amène à grandir en taille, mais uniquement par croissance interne, sauf exception.
C’est ainsi que le modeste récupérateur né à la fin du XIXème siècle à Strasbourg s’est mû en un groupe, toujours familial, d’un effectif de 550 salariés et qui frôle le million pour la valeur de mesure la plus pertinente dans son domaine : les tonnes récupérées et traitées, ont été au nombre de 900.000 en 2021. Le chiffre d’affaires, qui fluctue selon les cours des matières, s’est établi à 144 millions d’€ l’an dernier. Il est réalisé à partir de 20 sites en Alsace, Lorraine et Allemagne limitrophe.