MANIFESTATIONS/DIJON. A la veille de la 87ème Foire internationale et gastronomique de Dijon, inaugurée ce 1er novembre, Dijon Congrexpo démontre tout son savoir-faire d’organisateur d’événements nationaux et internationaux.
Un moyen de répondre à une concurrence de plus en plus exacerbée, à l’aune du renouvellement de la délégation de service public fin 2018. Interview d’Yves Bruneau, directeur général de Dijon Congrexpo.

• N’est-ce pas d’un autre âge d’être le plus important organisateur de salons, foires, expositions et congrès de Bourgogne - Franche-Comté et de relever toujours d’une forme associative ?
Je vous répondrais presque le contraire grâce à la souplesse que cela procure, notamment pour renouveler sans heurts les membres du comité, notre instance délibérante de 11 membres, composée majoritairement de chefs d’entreprise volontaires et très engagés, ce qui est un précieux atout. En outre, nous fonctionnons comme une véritable entreprise, mais sans verser aucun dividende, pour gérer un équipement, propriété foncière et immobilière de la ville de Dijon.
Elle nous le confie à nos risques et périls financiers sous la forme d’une délégation de service public (DSP), charge à nous de le faire fonctionner, de l’entretenir et j’irai même plus loin : de le mettre régulièrement à niveau et tout spécifiquement pour une parfaite sécurité. En échange, la collectivité dispose de 12 jours d’occupation gracieuse et nous lui versons une redevance annuelle de 265.000 €. J’insiste vraiment sur ce point car nous ne touchons aucune subvention, ce qui est assez rare dans ce milieu.

L’Association du parc des expositions et congrès de Dijon, née en 1949 pour relancer la Foire de Dijon après-guerre, est aujourd’hui plus connue sous le nom commercial de Dijon Congrexpo. Elle emploie 28 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 7,5 millions d’€. Sa foire, 6ième de France (165.000 visiteurs), génère 40% de l’activité, soit près de 3 millions d'€. Les années du salon Florissimo (2,8 millions, 185.000 visiteurs), le chiffre d'affaires flirte avec les 10 millions.

• A t-on tort de vous assimiler au succès récurrent de la foire internationale et gastronomique ?
C’est plutôt une belle image pour la ville et sa région, à la veille de l’inauguration de la 87ème édition. C’est aussi un savoir-faire propre que beaucoup nous envie. La Foire de Dijon fait partie de ces manifestations très typées avec une couleur particulière et un supplément d’âme, comme, dans sa spécialité, la Foire de Châlons (Châlons-sur-Marne), l’une des plus grandes foires agricoles de France.
Elle n’est toutefois pas le seul événement réussi à notre actif, même s’il est le plus rentable de France pour les 580 exposants, avec un ratio moyen de 15 personnes par m2 commercial, soit une concentration digne d’un métro parisien aux heures de pointe ! Nous organisons également le Salon de l’Habitat, le salon Auto-Moto Retro, le salon des séniors, en partenariat avec le Conseil départemental de la Côte-d’Or, et tous les cinq ans Florissimo, une exposition mondiale de plantes et fleurs exotiques.
Nous espérons par ailleurs monter un salon autour de l’industrie et réfléchissons, en ce sens, à un concept innovant, en espérant un large soutien de nombreux acteurs économiques de Bourgogne - Franche-Comté. Pour le reste, le taux d'occupation de notre structure s'élève de 220 à 230 jours par an, car nous accueillons de très nombreuses autres manifestations en louant nos espaces : conventions, congrès, colloques, conférences, séminaires, symposium...


Quelques bribes d’histoire : La première foire de Dijon a eu lieu le 7 novembre 1921 et a été conçue sur le modèle de la foire des soieries de Lyon, par Gaston Gérard, maire de 1919 à 1935, avec l'appui de l'industriel du cru Xavier Aubert. Parmi les premiers exposants, on compte déjà les pains d’épices Mulot et Petitjean, les maisons de cassis Lejay-Lagoute, Gabriel Boudier et L’Héritier-Guyot. Elle se déroule à la mairie, place d’Armes (aujourd’hui celle de la Libération), ainsi que dans les rues adjacentes. En 1923, la foire aurait accueilli pas moins de 392.000 visiteurs. La manifestation déménage en 1926, cours du Parc et Place Wilson avec entrée monumentale et stands en bois. Au sortir de la guerre, elle renaît grâce à la chambre de commerce et son président de l’époque, Georges Claudon, par ailleurs directeur de pain d’épices Auger, et prend progressivement ses quartiers là où elle déroule depuis. L’année 1956 voit la construction du grand hall de 12.240 m2. La configuration actuelle date de 2010 pour 4,7 millions d’€ de travaux, dont 2,5 millions acquittés par Dijon Congrexpo, en partie sur ses fonds propres et un emprunt. En 1996, un palais des congrès attenant est réalisé. Lire pour en savoir beaucoup plus l'histoire de la Foire de Dijon de 1921 à 2010, éditions Le Bien Public, par Charles Marques.

• En matière de congrès souffrez-vous d'une forte concurrence avec certaines villes de l'Est ?
De nombreuses cités de l’Est, comme Troyes, tout récemment Nancy et prochainement Metz, bénéficient d’un palais des congrès. Cette concurrence est saine et stimulante car on se bat à armes égales.
Ce qui m’interpelle beaucoup plus, c’est une concurrence locale de salles de spectacle, subventionnées ou organisées sous la forme d’une régie, qui se mettent à faire des séminaires et des congrès. Elles n’ont pas les mêmes charges que nous et peuvent casser les prix, ce qui à terme m’apparaît suicidaire.

• Craignez-vous fin 2018 pour le renouvellement de votre délégation de service public ?
La peur n’évite pas le danger. Notre bilan est bon pour Dijon, en terme de retombées, d’accroissement de notoriété, d’entretien et d’aménagement de l’équipement, comme le fait de nous être dotés du très haut débit par la fibre optique. Nous nous appuyons sur des collaborateurs compétents et dévoués, ainsi que sur un comité de chefs d’entreprise très impliqués à animer leur ville.
Il existe toutefois un risque pour nous : l’arrivée d’un grand groupe du secteur qui pose entre 30 et 50 millions sur la table pour reconstruire une structure ailleurs. Notre gros problème en effet tient à notre positionnement géographique.
S’il est idéal pour les visiteurs qui viennent en train et nous rejoignent en à peine 10 minutes avec le tramway, il en va tout autrement pour les automobilistes et les autocaristes. Nous manquons de places de stationnement. A cela s’ajoute la gestion des camions d’exposants qui devient un véritable casse-tête.

Année record pour les congrès en 2016. Le centre des congrès a connu l’an dernier une activité exceptionnelle qui s’est traduite par 222 jours d’occupation (195 en 2015) et 210 manifestations (192 en 2015). Le volume de journées congressistes est ainsi passé de 38.300 en 2015 à 72.210 pour 2016. Sachant qu’un congressiste dépense en moyenne 158 € par jour, l’impact sur le tissu local atteint les 11,4 millions d’€. Ce succès est lié à la proximité avec le parc des expositions et ses cinq halls. Ensemble, si besoin, ils proposent 31.000 m2, un amphithéâtre de 610 places entièrement équipé et pas moins de 20 salles modulables de 20 à 600 places.

Qui est Yves Bruneau ?
Né à Dijon en juillet 1947, Yves Bruneau est docteur en droit et administrateur territorial hors classe. Sa carrière professionnelle se répartit entre fonction privées et postes publics.
Parmi ces derniers, il a notamment été directeur de cabinet du président du conseil général (départemental aujourd’hui) de Côte-d’Or et du maire de Dijon, Robert Poujade.
Nommé en juillet 2000, directeur général de Dijon Congrexpo, il succède à Marc Gonnet. Il forme avec Jean Battault, le président de Dijon Congrexpo, un duo très soudé.
Longtemps président du groupement des gestionnaires de parcs d’exposition, il est vice-président de la Fédération foires, salons, congrès et événements de France.