rougeotSPIRITUEUX/BOURGOGNE. Le fabricant de liqueurs et crèmes de fruits de Dijon, qui atteint l’âge respectable de 170 ans, raconte une passionnante histoire à travers quatre sites successifs de production, dont certains se devinent toujours.

Celle d’un capitalisme industriel de province né sous le Second Empire et d’un produit emblématique d’une ville : la crème de cassis de Dijon.

Ses propriétaires successifs en ont fait une entreprise performante qui aujourd’hui a même pignon sur rue au coeur historique de la capitale bourguignonne, avec une boutique au look un rien high tech.

Suivez la grenouille…

 

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©Traces Ecrites.

 

… En 1845, Louis-Baptiste L’Héritier améliore la recette de la première crème de cassis de Dijon mise au point quatre années plus tôt par le pharmacien Auguste-Denis Lagoute. Il invente dans un atelier artisanal de la rue d’Auxonne le sucrage à froid, aujourd’hui partie intégrante du cahier des charges.

 

Dix années s’écoulent et cet homme convole en justes noces avec une demoiselle Claudine Guyot. Le nom d’un des liquoristes les plus inventifs en termes de marketing est né. Pensez à la grenouille verte en forme de cendrier qui trônait naguère dans le moindre bistro ou autre estaminet.

 

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Son affaire tourne si bien qu’il fait construire en 1883 une distillerie aux Allées dites du Parc à côté de sa demeure bourgeoise du 11 Cours du Parc. On entrevoit toujours sur la gauche l’ancien mur d’usine, surmonté d’une horloge.

 

A son décès, l’un de ses deux fils fera édifier sur la même emprise, au 13 Cours du Parc, un pavillon identique à celui de feu son paternel ou s’est installé son frère et qui servit naguère de lieu de réception au conseil régional de Bourgogne.

 

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La première grande distillerie de l'Héritier-Guyot, Cours du Parc à Dijon. ©P-M Barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

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Ce qui en subsiste encore aujourd'hui. ©Traces Ecrites.

 

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Juste devant, l'ancienne demeure bourgeoise de la famille fondatrice au 11 Cours du Parc. ©Traces Ecrites.

 

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La pavillon presque jumeau que se fit conctruire l'un des fils de famille au 13 Cours du Parc. ©Traces Ecrites.

 

L’expansion aidant, les murs deviennent vite trop petits et le fabricant déménage, courant 1842, dans la rue juste derrière - au 35 rue de Longvic - dans une usine conçue par l’architecte allemand Hostettler avec la collaboration de Joly-Delvalat, professeur aux Beaux-Arts de Dijon.

 

Son architecture s’inspire du style Bauhaus, une construction lisse en béton sans ornementation, si ce n’est une demi-rotonde qui abrita le bureau du directeur. A partir de 1991, le centre d’art Le Consortium s’y installe en rez-de-chaussée et investit l’ensemble du lieu six ans plus tard.

 

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La seconde distillerie d'importance du liquoriste au 35 rue de Longvic, avec en fond le bureau du directeur. ©P-M Barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

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La rotonde qui abritait le bureau du directeur de l'époque. ©P-M Barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

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La rotonde aujourd'hui partie intégrante du centre d'art Le Consortium qui a investi les lieux à partir de 1991. ©Traces Ecrites.

 

Ce troisième site industriel ne sera pas le dernier, car l’entreprise grossit par croissance externe et avale nombre de ses concurrents durant la première moitié du XXième siècle.

 

Elle est rachetée en 1952 par Jean Laroche qui, après avoir repris les liquoristes Royer-Hutin et Frédéric Mugnier, regroupe en 1954 toute la production chez cette dernière, rue des Trois Ponts, le futur boulevard Kennedy.

 

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Vue aérienne de l'usine rue des Trois Ponts, aujourd'hui le boulevard Kennedy. ©P-M Barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

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L'usine en pleine activité. ©P-M Barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

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L'accès au bureau de la direction avec au pied de l'escalier la première grenouille réalisée en forme de porte-parapluies. ©P-M Barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

Avec son frère Roger, Jean Laroche donne l’impulsion pour devenir le premier liquoriste de la place en ciblant la grande distribution et en inventant la publicité par l’objet : la fameuse grenouille. Pour la petite histoire, tout découle d’une publicité pour un vittel-cassis qui irrite plus que tout Louis Guidot, directeur de L’Héritier-Guyot avant l’ère Laroche.

 

En résulte une affiche du début des années 50 au slogan devenu un classique de la publicité : " laissez l’eau pure aux grenouilles…" Elle est signée du célèbre affichiste Hardy.

 

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©P-M Barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

Bondit alors au début des années 60 sur tous les comptoirs et parfois même les tables des cafés une grenouille verte en faïence, sous forme de cendriers, de différentes tailles. Leur fabrication a longtemps été faite dans les faïenceries de Salins-les-Bains (Jura) et de Longchamp (Côte-d’Or).

 

Précurseur autant que visionnaire, le dirigeant introduit même son entreprise en bourse au second marché à Lyon et fait construire une quatrième unité industrielle, celle en activité aujourd’hui, sur la zone Cap Nord.

 

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L'Héritier-Guyot est aujourd'hui une marque dont les spiritueux sont fabriqués à Dijon par l'entreprise Suprex. ©Traces Ecrites.

 

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Suprex possède une importante cuverie de macération des baies. ©Traces Ecrites.

 

Opérationnelle depuis 1978, cette usine bénéficie de 17 000 m2 couverts sur un terrain de 33 000 m2. Vingt ans plus tard, Marie-Josée Mermod, fille de Jean Laroche, cède l’entreprise au groupe bourguignon Boisset qui possède alors avec Casanis/Duval et Saint-Raphaël un pôle spiritueux.

 

Le négociant de Nuits-Saint-Georges réinvestit fortement dans l’outil productif de L’Héritier-Guyot afin de gagner en rentabilité, puis revend le liquoriste en 2009.

 

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©P-M barbe-Richaud, service patrimoine et inventaire, région Bourgogne, 2014.

 

La marque échoit au groupe de spiritueux Bardinet, installé à Bordeaux et propriété depuis 1993 de Jean-Pierre Cayard (73 ans) qui dirige par ailleurs un autre géant des alcools La Martiniquaise. Le site de production tombe dans l’escarcelle de la société Suprex, propriété d’actionnaires luxembourgeois.

 

Dirigée par Jean-Dominique Caseau, Suprex (49 salariés) fabrique les liqueurs et les crèmes L’Héritier-Guyot que distribue Bardinet. Son activité globale avec la production d’alcools anisés et autres spritueux sous marques distributeurs pour la GMS, génère 21 millions d’€ de chiffre d’affaires direct, dont 30% à l’exportation. Pour maintenir la productivité, l’investissement dans l’outil industriel a été de 4 millions d’€ ces cinq dernières années.

 

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Jean-Dominique Caseau, le P-DG de Suprex, fabricant des liqueurs et crèmes l'Héritier-Guyot. ©Traces Ecrites.

 

Le liquoriste est le numéro un de sa profession pour la crème de cassis. Il en produit 6,5 millions de bouteilles de 70 cl, dont 4,2 millions estampillées de Dijon. Il annonce 28% de parts de marché en France et près de 94% en Allemagne. Plus globalement, L’Héritier-Guyot revendique la première place des marques nationales de crème de fruits, autre que le cassis.

 

Le chiffre :

Il se consomme dans les bars et restaurants 60 millions de blanc-cassis ou, pour les initiés, de kirs, chaque année en France.

 

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La recette de l’identification géographique crème de cassis de Dijon

 

La crème de cassis de Dijon est produite à partir de baies de cassis macérées dans de l’alcool surfin auquel on ajoute du sucre. La recette dijonnaise impose au moins 400 g de sucre cristallisé par litre et 200 g de fruits, dont obligatoirement 25% de la variété Noir de Bourgogne.

 

Ancienne dénomination de provenance, la crème de cassis de Dijon est reconnue, depuis février 2012, par l’INAO comme une identification géographique (IG) dans le cadre de la réglementation européenne.

 

Une boutique à Dijon, 2 place Notre-Dame

 

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©Traces Ecrites.

 

Védrenne, liquoriste de Nuits-Saint-Georges (Côte-d'Or) ne sera pas le seul à tenir boutique dans la capitale bourguignonne. L’Héritier-Guyot a ouvert la sienne pour ses 170 ans, en septembre dernier, après un investissement de 150 000 €.

 

Sur 40 m2, on trouve bien sûr tous les produits maison, mais également les fameux pains d’épices de Mulot et Petitjean, épicés au cassis ; les moutardes Fallot aromatisées au cassis, et des anis de Flavigny, évidemment parfumés au cassis.

Cassis, moutarde et pain d’épices, la trilogie culinaire dijonnaise réunis sous un même toit.

 

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