Le lancement, hier 14 janvier, d’une unité de production et de distribution d’hydrogène à Dijon, destinée à approvisionner des camions de collecte des ordures ménagères, illustre la voie ouverte pour ce carburant décarboné en Bourgogne-Franche-Comté. D’autres projets sont en route à Auxerre et à Belfort pour une flotte de transports en commun.
D’ici cinq ans, la Bourgogne-Franche-Comté sera maillée de stations à hydrogène décarboné, des stations-services qui distribueront ce carburant qui n’émet pas de gaz à effet de serre et est produit à partir de l’électricité par électrolyse de l’eau, rapporte Yves Chevillon, délégué régional EDF Bourgogne. Et Hynamics, la toute jeune filiale de l’énergéticien, créée en 2019, en est l’un des acteurs dans la région avec Rougeot Énergie.
Les premiers utilisateurs en seront les collectivités locales, pour leurs transports en commun (Belfort, Auxerre) ou – c’est le cas de Dijon Métropole qui présentait hier 14 janvier son projet d’unité de production et de distribution –, les camions de collecte des ordures ménagères, mais encore, à l’initiative du Conseil régional, les trains (les premiers TER circuleront dans l’Yonne en 2023).
« C’est le rôle des collectivités locales d’investir dans cette nouvelle énergie afin de créer un phénomène de massification qui fera baisser les prix de revient pour la rendre ensuite accessible aux particuliers », expose Marie-Guite Dufay, présidente du Conseil régional Bourgogne-Franche-Comté qui assure son « soutien intégral » aux initiatives des collectivités locales dans le domaine.
Car si le coût de l’hydrogène (H2) est élevé (9,50 €/kg prévus à Dijon sachant qu’un véhicule léger parcourt 100 km avec 1 kg de H2), le prix des véhicules eux-mêmes équipés d’un réservoir dédié et d’une pile à combustible, est pour l’instant hors de portée des particuliers.
Turbo alternateur de l'usine d'incinération de Dijon

Le projet de Dijon est singulier à plus d’un titre. L’unité de production et de stockage d’hydrogène qui devrait être opérationnelle d’ici l’été 2021, puise son énergie dans le turbo alternateur de l’usine d’incinération qui fabrique déjà de l’électricité. Aujourd’hui injectée dans le réseau EDF, elle sera dirigée vers l’électrolyseur de l’usine qui sera construite à proximité, rue Alexandre Fleming. Puis après 2021, date de clôture de l’actuel marché avec EDF, un parc photovoltaïque d’environ 16 hectares d’une capacité de production de 18.000 mégawatts (l’équivalent de la consommation de 8.000 habitants) construit sur l’ancienne décharge des ordures ménagères dans le même périmètre, complètera les besoins en électricité.
« C’est un exemple parfait de circuit court, commente François Rebsamen, président de Dijon Métropole, la combustion des déchets fournit l’électricité nécessaire à la fabrication d’hydrogène qui approvisionnera les bennes à ordures ménagères. »
La capacité de production de l’usine est de 500 kg d’hydrogène par jour, stocké à deux niveaux de compression (350 et 700 bars) pour répondre auxformats des réservoirs des différents véhicules. Elle est dimensionnée pour satisfaire une flotte de huit bennes à ordures ménagères et six véhicules utilitaires légers que Dijon Métropole va acquérir ainsi qu’à un potentiel d’autres acheteurs.
Le groupe de travaux publics Rougeot (chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’€, 580 salariés) à Meursault (Côte-d’Or), impulseur de ce projet, prévoit de commander huit véhicules légers et deux poids-lourds, a confié son président Christophe Rougeot. Et d'autres collectivités locales proches de Dijon étudient le sujet.
La deuxième particularité du projet dijonnais tient à un partenariat public-privé au sein d’une SAS baptisée Dijon Métropole Smart Energhy qui sera productrice et distributrice. Rougeot Énergie, filiale du groupe Rougeot, en est l’actionnaire majoritaire (75% du capital) avec à ses côtés Dijon Métropole. L’investissement de 6,5 millions d’€ est soutenu à hauteur de 1,8 million d’€ par l’Ademe dans le cadre de l’appel à projet « Ecosystèmes de mobilité hydrogène ».

Souhaitant devenir « un acteur majeur de la filière nationale hydrogène », Rougeot Energie et sa filiale Justy, société d’ingénierie et de formation en énergies renouvelables (17 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de près de 1,3 million d’€ en 2019) compte déployer des stations de ce type dans toute la France. Dans l’immédiat, l'entreprise se positionne pour être aussi un spécialiste de la certification et du contrôle des installations d’hydrogène (réservoirs et équipements à pile à combustible).
C’est à Belfort, sur l’aéroparc de Fontaine qu’il implante l’institut national du stockage hydrogène (ISTHY) avec le soutien du Programme d’Investissement d’Avenir (PIA) débloqué dans le cadre de l’appel à projets TIGA (Territoire Industriel de Grande Ambition) délivré à Belfort sur le thème de l’hydrogène. Le permis de construire sera déposé la semaine prochaine.
Une SAS du type de celle de Dijon doit être constituée avec Rougeot Énergie comme actionnaire majoritaire et à ses côtés, la Caisse des dépôts et le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Le centre sera opérationnel fin 2021 et emploiera une vingtaine de personnes, essentiellement des techniciens. « Compte tenu qu’il n’existe pas encore de formations sur le marché, nous formerons les candidats nous-mêmes », explique Christophe Rougeot, PDG.
D’autres collectivités locales s’emploient à démocratiser l’hydrogène comme carburant. Le Syndicat Mixte des Transports en Commun de Belfort va créer une liaison entre Belfort et Montbéliard avec une flotte de sept bus à hydrogène à l’horizon 2021. Et à terme, il annonce l’acquisition de 27 bus. L’électricité générée par l’incinérateur de traitement des déchets ménagers de Bourogne pourra créer de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, explique le syndicat dans son plan de développement.
Dans l’immédiat, une station de production et de distribution sera implantée par Hynamics, la filiale d’EDF, à Danjoutin, près de Belfort, courant 2021. Elle sera construite à proximité immédiate du dépôt des bus du Syndicat mixte des transports en commun du Territoire de Belfort (SMTC) et de la voie ferrée.
Premiers bus à pile à combustible à Auxerre

À plus brève échéance, c’est à Auxerre que des bus à pile à combustible circuleront. La Communauté de l’Auxerrois a attribué en décembre 2019 à Safra (Société Albigeoise de Fabrication et Réparation Automobile) le marché de cinq bus à pile à combustible. Le constructeur français les a développé à partir de l’architecture de son modèle électrique avec une pile à combustible de 30 kW, fournie par Michelin, qui promet une autonomie de 300 km.
Le marché inclut la fourniture et la maintenance pendant 15 ans des véhicules qui circuleront sur la ligne la plus fréquentée de l’agglomération (du centre-ville à la zone commerciale des Clairions) à partir du 1er janvier 2021.
Ils seront ravitaillés grâce à une station de compression construite près de la gare et du dépôt de bus de Transdev, sous un format original puisqu’elle est aussi destinée à alimenter les TER à hydrogène que le Conseil régional compte mettre en service en 2023 sur la ligne Auxerre-Migennes. EDF, Hynamics, Justy, la société d’ingénierie du groupe Rougeot et Rougeot Energie seront de la partie.
L’électricité se voudra « verte » : la quantité nécessaire proviendra d’un complément de production issu des barrages hydroélectriques du Morvan et de projets à venir de fermes photovoltaïques et éoliennes, explique Michel Neugnot, vice-président du Conseil régional. L’investissement s’élève à 6 millions d’€.
À Bavans, dans le Pays de Montbéliard (Doubs), l’équipementier automobile met en place ces prochains mois une ligne pilote de production de réservoirs à hydrogène à moyenne cadence (jusqu’à 30.000 unités par an).
L’investissement s’élève à 50 millions d’€ soutenu par la Région à hauteur de 4,9 millions d’€. Il emploiera 50 ingénieurs et techniciens. L’objectif de Faurecia est de diminuer par deux le coût des réservoirs à l'horizon 2025. Le marché visé sont les véhicules utilitaires.
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