Le démonstrateur construit à Talange (Moselle) en vue de l’élimination des déchets d’amiante par attaque acide donne satisfaction au chef de file du projet, De Dietrich Process Systems et son partenaire Neutraval. Le groupe alsacien attend maintenant l’engagement d’opérateurs prêts à rejoindre une usine d’une capacité de traitement de 10.000 à 15.000 tonnes par an.


En France, les déchets d’amiante terminent généralement leurs vies enfouis dans un centre de stockage, ou, plus rarement, ils sont vitrifiés via la technologie de torche à plasma sur le site Inertam (groupe Europlasma) dans le département des Landes. A Talange (Moselle) au nord de Metz, l’unité Neutraval a mobilisé 7,6 millions d’euros d’investissement afin de porter à l’échelle du démonstrateur industriel une technologie alternative, moins coûteuse et moins gourmande en énergie que la torche à plasma, mais annoncée tout aussi efficace dans la neutralisation des déchets.

DDPS opérateurs dans le pilote de Talange ©De Dietrich Process Systems (4)
Cinq lots d’essai de 50 à 70 kg chacun ont été réalisés en un an avec des plaques de fibrociment. © De Dietrich Process Systems


L’enjeu est de taille en lien avec ce projet soutenu à hauteur de 2,3 millions d’euros par l’Ademe sous forme de subventions et d’avances remboursables. Les volumes de déchets d’amiante émis en France sont en effet estimés entre 300.000 et 600.000 tonnes par an, en provenance majoritairement du secteur du bâtiment et des travaux publics. Selon une étude du cabinet Xerfi, seulement 17% du gisement total aurait été retiré des constructions depuis son interdiction en 1997.

L’unité-pilote lorraine est sortie de terre dans le cadre de la reconversion d’une ancienne friche sidérurgique. Elle est le fruit, depuis 2021, d’une collaboration étroite entre deux acteurs alsaciens : De Dietrich Process Systems et Neutraval, une société qui associe le groupe Beck et APPI (Alsace Process et Projets Industriels).

« Nous sommes parvenus au terme des trois années de notre consortium et nous avons fait la démonstration que notre procédé de traitement chimique neutralisait bien les déchets d’amiante », commente Frédéric Guichard, directeur du développement de De Dietrich Process Systems.
 

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Le procédé consiste à plonger les déchets dans un bain d’acide sulfurique, après une étape préalable de tri et de broyage. Les résidus liquides et solides obtenus en quatre à six heures de traitement sont ensuite séparés avec l’objectif de valoriser les co-produits.
Au total, cinq lots d’essai de 50 à 70 kg chacun ont été réalisés en une année à partir de plaques de fibrociment, l'un des produits amiantés les plus répandus.

Pour Frédéric Guichard, il s’agit « de concurrencer la technologie torche à plasma, avec un traitement beaucoup moins énergivore et un prix fluctuant entre 1.000 à 1.500 euros la tonne, selon les cours de l’acide », soit un montant inférieur d’un tiers environ. En revanche, poursuit-il, « on ne pourra pas se comparer à l’enfouissement » qui demeure dans une fourchette de tarif de 150 à 500 euros la tonne selon la dangerosité du résidu. Si le passage à l’échelle industrielle, soit une tonne d’amiante par batch (lot), est décrite comme « maîtrisable » demeure la question du devenir des résidus ultimes. Ils doivent contribuer à rentabiliser l’investissement initial.

De Dietrich Process Systems envisage le recyclage des co-produits issus de la phase solide (gypse et anhydrite) dans le bâtiment, tandis que le magnésium contenu dans la phase liquide pourrait intéresser l'aéronautique ou l'automobile. « Nous sommes actuellement au stade du dimensionnement d’une usine type et nous étudions la possibilité d’adapter les procédés en fonction des déchets entrants », précise le directeur du développement. Il ajoute qu’en tant que fabricant d’équipements industriels, son entreprise n’a pas vocation à exploiter une usine, mais davantage à la construire.

 

Un chèque de 15 à 20 millions d’euros

DDPS Frédéric Guichard directeur du développement ©De Dietrich Process Systems (1)
Frédéric Guichard, directeur du développement de De Dietrich process systems. © De Dietrich Process Systems
DDPS vue  du pilote sous confinement ©De Dietrich Process Systems (2)
Le traitement de produits amiantés nécessite des procédures de confinement strictes. © De Dietrich Process Systems


Cette première usine sera-t-elle portée sur les fonts baptismaux par Paul Poggi, l’homme à l’origine du procédé utilisé dans le cadre du démonstrateur de Talange ? L’inventeur français avait accordé un contrat de licence d’exploitation de brevet au projet via sa société maltaise BlackAsbestos. Il a lancé en mai dernier en France une société-sœur, baptisée Neva Process, destinée à lever les fonds nécessaires à la phase d’industrialisation. Selon De Dietrich Process Systems, la construction d’une usine devrait requérir entre 15 et 20 millions d’euros d’investissement pour une capacité annuelle de traitement de 10 à 15.000 tonnes de déchets entrants.


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Deux autres projets de neutralisation de l’amiante en sont quasiment au même stade en France (Valame et Colas-Orano-Ajelis) portés par les enjeux de réduction des déchets. Mais avec une même inconnue, celle du financement…

 

Qui est De Dietrich Process Systems ?

Basé à Schiltigheim (Bas-Rhin), le fabricant alsacien d’équipements pour les industries de la chimie et de la pharmaceutique compte 1.400 salariés pour un chiffre d’affaires consolidé de 300 millions d’euros.

Le centre d’ingénierie pour la France a été installé à Dijon en 2022 où il emploie 20 personnes. Ses équipes ont mis leur savoir-faire dans le domaine des produits corrosifs au service de la neutralisation des fibres d’amiante. Le groupe réunit toutes les compétences nécessaires dans un grand quart Nord-Est, avec la fabrication des équipements de filtrage et de séchage à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) et celle des réacteurs à Zinswiller (Bas-Rhin).

En mai dernier, l’entreprise s’est illustrée par le rachat de l’Allemand Heinkel, son confrère dans les équipements de séparation de solutions, qui emploie 200 salariés pour un chiffre d’affaires annuel de 70 millions d’euros. 

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