Novacarb et son partenaire Suez ont posé, ce 11 avril sur le site de la soudière à Laneuveville-devant-Nancy (Meurthe-et-Moselle), la première pierre du chantier d’une centrale thermique fonctionnant à partir de déchets non recyclables à haut pouvoir calorifique. L’investissement devrait permettre à l’industriel de se passer définitivement de charbon à l’horizon 2026.
Méconnus du grand public, les déchets non recyclables à haut pouvoir calorifique - également appelés CSR (combustibles solides de récupération) - vont permettre à l’usine de carbonate et bicarbonate de soude Novacarb de 300 salariés à Laneuveville-devant-Nancy (Meurthe-et-Moselle), au sud de Nancy, de parachever sa sortie du charbon.
Raymond Sinnah, président du groupe Humens, la maison-mère de Novacarb et Yves Rannou, vice-président de Suez, le spécialiste du traitement des déchets et de l’eau, ont posé, ce 11 avril, la première pierre d’une unité de valorisation énergétique de ces CSR. L’investissement de 130 millions d’euros intégralement porté par Suez comprend la construction d’une chaufferie de 55 mégawatts, ainsi que d’une plateforme de préparation de cette matière, via des opérations de tri, de broyage, etc.
Yves Rannou compare le projet baptisé Novasteam à « un marathon. » Le patron de Humens rappelle que les premières études de faisabilité remontent à 2018. Le dossier est désormais entré dans une phase plus concrète. Après le terrassement d’un foncier de 5 hectares attenant à l’usine, le chantier entame actuellement son gros œuvre, pour une installation des procédés prévue en juillet et une mise en service attendue fin 2025.
A cette échéance, le projet soutenu à hauteur de 27,6 millions d’euros par l’Ademe et de 1,5 million d’euros par la Région Grand Est, fera travailler 40 personnes. Il aboutira à aliementer en vapeur les procédés de fabrication de carbonate et bicarbonate de soude.
Novasteam est un projet à la fois gagnant pour Suez qui réduira ainsi les volumes de déchets enfouis dans ses centres de stockage et pour Novacarb qui allège son bilan carbone. « La valorisation énergétique est une manière de faire évoluer notre filière de traitement des résidus ultimes en lien avec la règlementation française et les objectifs des plans régionaux », explique Morgan Moriceau, responsable du développement de projets CSR chez Suez.
Dans le Grand Est, le plan régional de prévention et de gestion des déchets vise une baisse de 50 % du stockage de déchets à l’horizon 2031, soit une diminution de 716.000 tonnes. A Laneuveville-devant-Nancy, environ 140.000 tonnes de CSR en provenance de la région devraient être consommées par la future centrale : des résidus non-dangereux fournis majoritairement par les entreprises ou récupérés dans les déchetteries des collectivités.
A la place du minerai sud-africain
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L’usine installée dans le bassin salifère lorrain s’apprête, pour sa part, à tourner une page de son histoire vieille de presque 170 ans. Novasteam permettra l’arrêt définitif des chaudières au charbon, des installations fonctionnant à partir de minerai importé d’Afrique du Sud. A l’horizon 2026, la vapeur nécessaire aux procédés industriels sera fournie pour un tiers par les CSR, pour un autre tiers par la biomasse et pour le dernier, par le gaz.
Le bilan carbone de l’usine sera ainsi réduit de 50% par rapport à 2016, soit une baisse de 326.000 tonnes équivalent CO2 par an. « Cette performance n’est pas uniquement à porter au crédit de notre centrale Novasteam. Elle est également le fruit de la mise en service, courant 2023, d’une unité de cogénération biomasse, un investissement de 87 millions d’euros réalisé en partenariat avec Engie Solutions et la Caisse des dépôts. Enfin, nous avons réalisé d’importants efforts en termes d’efficacité énergétique et d’électrification des procédés », détaille Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie et RSE d’Humens.
Le groupe industriel français détenu par le fonds Eurazeo n’a toutefois pas achevé sa mue. Né en 2021 de la volonté de Seqens, ancien actionnaire de Novacarb, de se séparer de ses activités dans la chimie minérale, l’entreprise regarde désormais vers 2035, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone.
Il lui faudra, pour cela, effacer les presque 300.000 tonnes équivalent CO2 restantes. « Dans cette optique, nous travaillons d’ores et déjà à prioriser les technologies, les ressources humaines et financières afin d’établir la bonne feuille de route », annonce Raymond Sinnah. L’usine lorraine qui a impulsé sa transition énergétique il y a une dizaine d’années, en aura bientôt parcouru la moitié du chemin.
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Figure médiatique, experte des questions de réindustrialisation, cette trentenaire a été recrutée à l’automne 2023 par le groupe Humens au poste de directrice stratégie et RSE. La chercheuse associée à l’école universitaire de management de Poitiers (ex-IAE) a embarqué dans l’aventure industrielle, désireuse de mettre ses écrits scientifiques à l’épreuve du réel.
Coautrice de Vers la renaissance industrielle (Editions Marie B, 2020), Anaïs Voy-Gillis explique que la sortie des énergies fossiles est également synonyme pour Novacarb « de réduction de la dépendance aux cours mondiaux du charbon et du gaz » et constitue par conséquent « une manière de pérenniser l’emploi du site lorrain. »
Outre ses 300 emplois directs à l'origine d'un chiffre d’affaires de 186 millions d’euros en 2022, Laneuveville-devant-Nancy comptabilise 150 emplois indirects et 900 postes de travail induits par ses activités et celles de ses sous-traitants.