Méconnu à côté de son voisin chablisien, le tout jeune vignoble du Tonnerrois joue sa reconnaissance en alliant découverte des vins et touristique, favorisée par un riche patrimoine historique. Visite du Domaine de l'Abbaye du Petit Quincy à Epineuil.
Au détour d’un virage en grimpant au-dessus d’Epineuil, au sud-est du département de l’Yonne, c’est ici que se loge, inattendu, le domaine viticole de l'Abbaye du Petit Quincy où Dominique Gruhier produit une appellation peu connue, l’AOC Bourgogne Tonnerre. Le cellier à vin que surplombent ses 25 hectares de vignes est ce qu’il reste de l’abbaye cistercienne de Quincy, fondée en 1212, sixième fille de Pontigny, située à une trentaine de kilomètres de là.
Les moines exploitèrent les vignes jusqu’au 16e siècle, avant de passer la main à des vignerons qui les firent prospérer jusqu’à en faire un vignoble aussi étendu que le Chablis aujourd’hui, raconte Dominique Gruhier. Laminé à la fin du 19ème siècle par le phylloxéra, comme la majeure partie du vignoble de Bourgogne, le vignoble du Tonnerrois connut une nouvelle catastrophe moins d’un siècle plus tard. En 1956, des gelées d’une violence inédite le font disparaître.
A nouveau ressuscité à la fin des années 1980, sous la houlette du maire de l’époque, André Durand, qui convainc la Safer d’acquérir des terres pour les revendre à des vignerons, il couvre aujourd’hui 120 hectares de coteaux sur six communes – Dannemoine, Épineuil, Junay, Molosmes, Tonnerre et Vézinnes.
Le vignoble du Tonnerrois produit deux appellations régionales. La toute récente AOC Bourgogne Tonnerre (2006) ne porte qu’une seule couleur : du blanc, avec le cépage chardonnay. Les rouges, issus du pinot noir, portent quant à eux l’appellation régionale Bourgogne. Sauf s’ils sont produits sur la commune d’Epineuil : ils sont alors étiquetés Bourgogne Epineuil. Le vignoble donne aussi quelques rosés et crémants.
Donner une meilleure visibilité à ce petit vignoble

Dominique Gruhier a installé cuverie, à 7 mètres de profondeur, et boutique dans l’ancien cellier à vin de l’abbaye du Petit Quincy à Epineuil. © Traces Ecrites
Ingénieur en mécanique devenu militaire, Dominique Gruhier n’avait pas vocation à devenir vigneron. C’est l’opportunité qu'eut son père, industriel du meuble bien connu dans l’Yonne, de racheter l’abbaye de Quincy, qui le met sur cette voie. Il acquiert d’abord 4,5 hectares en 1990, puis 15 autres lorsque son père revend son entreprise. Le domaine travaillé en bio depuis 2003 est complété en 2009 par 5 hectares de Chablis (dont des premiers crus et un grand cru), appellation dont la notoriété constitue un argument commercial. « On attire plus facilement les clients avec le Chablis et on leur fait découvrir les vins du Tonnerrois », confie le viticulteur.
L’année qui vient de s’écouler ne fut guère favorable à l’exercice préféré de Dominique Gruhier, accueillir les visiteurs dans le cellier de l’abbaye où il a installé avec goût une boutique. La fermeture des restaurants l’a également privé d’une grosse part de sa clientèle. Les cavistes, en revanche, ont bien fonctionné. Tout malheur a du bon. Heureusement la petite entreprise (150.000 bouteilles les meilleures années, 10 salariés) disposait d’un stock limité en raison de deux millésimes peu productifs, 2019 et 2020, à cause de la sécheresse. Le desserrement du confinement attendu dans le courant du mois lui laisse espérer rééquilibrer ses différentes clientèles.
Président Syndicat des exploitants viticoles d'Epineuil, Dominique Gruhier a à cœur de donner une meilleure visibilité à ce petit vignoble qui, est-il persuadé, a de l’avenir. A preuve, des Chablisiens et des Champenois l’investissent. Même s’il préfèrerait que de jeunes vignerons ait plus de facilités pour s’installer...
Il croit aussi en les retombées du label Vignobles et découvertes, obtenu en 2018, dont l’élan a été suspendu par la crise sanitaire. La constitution d’un réseau de restaurateurs, hébergeurs, producteurs locaux, offres de randonnées et de visites culturelles offre un judicieux « package » aux touristes pour qu’ils soient tentés de prolonger leur séjour.


Plus connue des Parisiens que des Bourguignons, la petite ville de Tonnerre bénéficie d’un patrimoine assez extraordinaire, concentré sur les quelques kilomètres carrés du centre bourg. Son patrimoine le plus étonnant est la Fosse Dionne (dont le nom viendrait de Dioné, une nymphe de la mythologie grecque), une source karstique dite source vauclusienne, aux eaux qui virent du turquoise à l’émeraude selon la luminosité.
Elle est alimentée par les infiltrations des précipitations dans le plateau calcaire avoisinant, ainsi que par les pertes de la petite rivière Laigne. Son réseau hydrogéologique formant un dédale de boyaux étroits hante les spéléologues qui continuent de l’explorer – il s’étendrait sur une quarantaine de kilomètres.
La dernière expédition date de 2019 par le plongeur professionnel Pierre-Éric Deseigne qui a battu le record de 70 mètres de profondeur.
A voir aussi, l’Hôtel-Dieu, le plus ancien de Bourgogne (1293) qui abrite le tombeau de sa fondatrice, Marguerite de Bourgogne, reine de Navarre et de France par son mariage avec le roi Louis X Le Hutin. La salle des malades est impressionnante par ses dimensions : 90 m de long, 18 m de large et 18 m sous voûte.
Perchée sur une butte, l’église Saint-Pierre offre un panorama imprenable sur la ville. Parmi les emblématiques personnages célèbres qui accompagnent toute découverte touristique, on ne résiste pas à citer le fameux Chevalier d'Eon, diplomate et espion de Louis XV habillé le plus souvent en femme.

Pour poursuivre la visite du Tonnerrois, relire l'article de Traces Ecrites News : Maulnes et Tanlay réinventent la vie de château.
Plus d’informations auprès de l’office de tourisme de Tonnerre qui réouvre le jeudi 13 mai : 03 86 55 14 48