Le numéro un français des concepteurs et fabricant d’ingrédients de meunerie et de panification tourne une page. Son fondateur Jean-Philippe Girard cède son entreprise valorisée 207 millions d’€, soit presque le double de son dernier chiffre d’affaires annuel. Eurogerm, cotée en bourse depuis 2007, accueille à son capital un peu plus de 60 salariés, approchant 5% du capital. La société d’investissement Naxicap Partners du groupe BPCE, en devient majoritaire.
Eurogerm inaugure cette série qui va vous accompagner jusqu'à fin juillet et se substitue au magazine papier annuel, suspendu pour l'instant en raison de la baisse de l'investissement publicitaire. Le Best of 2021 présente une vingtaine de PME de Bourgogne-Franche-Comté et du Grand Est, qui se sont fait remarquer depuis le début de l'année.
ARTICLE PUBLIÉ LE 19 JANVIER 2021. L’annonce de la mise en vente de la société dijonnaise Eurogerm par Jean-Philippe Girard, son fondateur en 1989 et son PDG depuis, en a surpris plus d’un en ce début d'année. Actionnaire majoritaire au sein de sa holding de contrôle baptisée Mobago, le dirigeant cède la majorité du capital à Naxicap Partners, société de capital investissement spécialisée dans le financement des PME et ETI et affiliée au groupe BPCE, pour Banque Populaire et Caisse d’Epargne et fait une place à ses salariés, un peu plus d'une soixantaine sur un effectif de 180 au siège social et unité de fabrication de Saint-Apollinaire, dans l'agglomération de Dijon.
Naxicap Partners rachète le numéro un français des correcteurs de meunerie et améliorants de panification dans le cadre d’un LMBO, soit une acquisition avec effet de levier, pour le compte de quatre quatre cadres porteurs du projet de reprise qui entrent au directoire : Yannick Le Moteux, directeur général adjoint, et trois responsables commerciaux à l’export, Sébastien Jollet, Serge Momus et Edouard Navarre.
Ils sont rejoints par une cinquantaine d'autres salariés qui montent au capital à hauteur de 5% des parts sociales, « ce qui est extraordinaire » commente Jean-Philippe Girard, compte tenu de la valorisation de l’entreprise cotée au second marché Euronext : pas moins de 207 millions d’€ ! Le fondateur n'abandonne pas le navire : il demeure associé, minoritaire, aux côtés de ses associés historiques Unigrains et le groupe japonais Nisshin.

On peut aisément comprendre le montage financier fait au profit des cadres qui n’ont pas les moyens de payer cash un tel montant. Naxicap Partners, par le biais d’une société holding spécialement constituée (une NewCo qui porte la dette), les accompagnera un certain nombre d’années dans leur prise de contrôle progressif et se remboursera, selon des modalités à définir, sur les bénéficies futurs de l’entreprise.
Il faut rappeler qu’Eurogerm, qui emploie 500 personnes dans le monde, via un réseau d’une quinzaine de filiales de production et de commercialisation, est une société très rentable. Pour son exercice 2019, elle affichait pas moins de 7 millions de résultat net, en hausse de près de 3%. En 2020, l’entreprise a bien maintenu son activité malgré la crise sanitaire. Le chiffre d'affaires s’établit à 113,4 millions d’€, en repli de 2,2%, dont 72,6 % hors France avec un résultat d’exploitation de 9,4 millions, en hausse de 4,4%. L’international, cheval de bataille de Jean-Philippe Girard avec l’innovation, porte la croissance (+4% et 65% de l’activité globale).
« Réinjecter de l’audace »

Le pourquoi d’une telle décision de cession obéit chez Jean-Philippe Girard à l’envie exprimée par ses cadres de monter un projet « fort » au sein d’Eurogerm. « Quel meilleur moyen de leur transmettre pour qu’il réinjectent de l’audace, car celle de mes 61 ans n’est plus la même que lorsque j’ai créé l’entreprise à 31 ans », explique le dirigeant, levé tous les jours à cinq heures du matin.
En outre, il n'était pas question pour lui céder à un étranger ni à un grand groupe industriel, dont certains étaient plus qu’intéressés, dit-il. « Il y a toujours un risque de restructuration à moyen terme », sans avouer que ces grands groupes l’avaient beaucoup contrarié dans ses projets lorsqu’il était le président de l’Association Nationale des Industries Agroalimentaire (ANIA) de 2013 à 2018.
Connaissez-vous le secteur agroalimentaire de la Côte-d'Or ? Réponse en cliquant sur le logo

Ce jurassien, né à Morbier (Jura) et papa de deux enfants, qui ne mettront pas leurs pas dans les siens, est un entrepreneur dans l’âme. Lorsqu’il commence son parcours professionnel, ses 20 ans très légèrement dépassés, il devient laborantin aux Grandes Minoteries Dijonnaises, aujourd'hui filiale du groupe coopératif Dijon Céréales. Il rejoint ensuite un moulin de Brienne-le-Château, dans l'Aube, puis intègre la société troyenne Inter-Farine pour s’occuper notamment d’export.
Formé au monde de la meunerie et de son débouché naturel, la panification, il crée Eurogerm en mars 1989 et en fait le numéro 1 français, très présent à l’international avec des ingrédients qui améliorent la qualité des farines et des pains, en matière de croustillance, de goût, de moelleux comme de fraîcheur.
Investisseur aussi, cet homme très tourné vers les autres et notamment les jeunes, goûte à l’immobilier et prend des participations dans des entreprises avec la société Rubis Capital. La Banque avait voulu le débaucher au moment de sa présidence de la Fédération Nationale des Banques Populaires entre 2008 et 2010.
Impliqué pour le monde agroalimentaire, il préside le comité stratégique national filière alimentaire (2016-2018), le SIAL Network ( 2013-2018) et l’ANIA (Association Nationale des Industries Agroalimentaire) de 2013 à 2018, où certains grands groupes n’ont cessé de lui pourrir la vie, lui représentant des PME. Ex-membre du comité exécutif du Medef, dont il reste proche, Jean-Philippe Girard veut aussi participer au développement de sa région avec le Cercle Entrepreneurs et Territoires né à son initiative en 2014, un club de réflexion qui entend réconcilier l’urbain et la ruralité. Plusieurs présidents de la République lui ont prêté une oreille attentive, tout spécialement Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron comme le montre la photo ci-dessus.