
FILIÈRE BOIS. La méga scierie de Sardy-les-Epiry, dans le Morvan, c'est fini : du moins en l'état actuel du projet.
Le conseil d'Etat n'a pas reconnu l'intérêt public majeur qu'avaient fait valoir Industrie du Bois Vielsam & Cie (IBV), la société d'économie mixte Nièvre Aménagement et le ministère de l'écologie dans trois pourvois.
Ils avaient fait appel de la décision du tribunal administratif de Dijon qui avait suspendu l'arrêté préfectoral autorisant les travaux.
En cause, la présence d'une zone humide et d'espèces protégées dans la forêt de 92 ha où la filiale du luxembourgeois Wood & Energy souhaite implanter une scierie d’une capacité annuelle de 300 000 m3, une unité de cogénération par combustion de bois d’une puissance thermique de 54 mégawatts et une usine de pellets.
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Pour défendre leur dossier, les porteurs du projet Erscia, à Sardy-les-Epiry (Nièvre) avaient fait valoir son intérêt public compte tenu des 125 emplois directs à créer.
Pour le conseil d'Etat, l'argument économique n'est pas suffisant pour déroger à la directive européenne de 1992 sur l'habitat et la faune, et ce malgré les dispositions prises par le maître d'ouvrage.
Une première fois rejeté par le tribunal administratif sur plainte d'associations écologistes notamment France Nature Environnement, l'arrêté préfectoral inclut dans sa dernière version, des mesures compensatoires à la destruction d'une zone humide de 2200 m2 où a été répertoriée une vingtaine d'espèces remarquables d'oiseaux, de chiroptères et d'amphibiens : la création d’une nouvelle zone humide dans le périmètre du lotissement industriel, la conservation d’une franche boisée, la création de gîtes artificiels…
Le conseil d'Etat précise son appréciation de la notion d'intérêt public majeur : le projet ne répond pas aux « raisons impératives d'intérêt public majeur exigées par le droit communautaire et le droit national, et ne constitue pas un cas exceptionnel dont la réalisation se révèlerait indispensable ».
Autrement dit, l'intérêt public d'un projet ne saurait justifier à lui seul l'obtention d'une dérogation, ici de déplacer des habitats protégés, comme l'avait autorisé le préfet de la Nièvre.

Crédit photo : AAG
Démission du directeur général d’Erscia France
Le projet est-il pour autant enterré ? Selon notre confrère Le Journal du Centre, Josef Haas, le président d'IBV qu'il la réussi à joindre ne veut pas jeter l'éponge. Il n'a cependant plus de capitaine à bord. Pascal Jacob, le directeur général d’Erscia France a remis sa démission il y a quelques jours.
La décision risque de faire jurisprudence comme ce dernier s'en inquiétait. D'autant que le ministère de l'Ecologie était partie prenante.
Au journal Le Monde, Benoist Busson, l'avocat de France Nature Environnement souligne l'avancée du conseil d'Etat sur la question. « Il y a certes d'autres décisions qui ont abouti à l'abandon de futurs chantier au nom de la directive habitat et de la faune, mais ils étaient défendus par des promoteurs privés. Cette fois, le conseil d'Etat contrecarre un projet de politique publique. Mettre en avant la création d'emplois ne suffit plus (…) ».

Crédit photo : MAB
S'il rebondit, le projet Erscia évalué à 154 millions d'€ rencontrera d'autres contestataires, en particulier les interprofessions de la filière bois des régions Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Rhône-Alpes, Limousin et Auvergne qui craignent un épuisement de la ressource de résineux sur leur territoire.