PATRIMOINE/DOUBS. C’est l’été. Le musée de plein air des Maisons comtoises de Nancray fête ses 30 ans cette année, mais il fête aussi la musique, ce samedi 23 juin, à sa façon, comme chaque année.
Une fois n’est pas coutume, Traces Ecrites News fait un pas de côté et se penche sur l’histoire de ce drôle de musée de plein air qui raconte l’économie rurale d’hier tout en propulsant ses visiteurs dans les questions de demain.
Géré par un syndicat mixte réunissant le Département du Doubs et le Grand Besançon, l’établissement bénéficie du soutien de la Région et d’entreprises mécènes.

Et si le monde paysan d’hier permettait de réfléchir aux enjeux sociétaux futurs ? A notre rapport aux animaux, à la diminution inquiétante des abeilles, à la crise du monde agricole, à notre goût retrouvé pour cultiver son potager, faire soi-même ses cosmétiques, son pain ou ses produits ménagers ?
Ces questions très contemporaines animent le musée des Maisons comtoises de Nancray, à l’est de Besançon, créé par l’abbé Garneret dans les années 80. L’établissement qui rassemble sur 16 hectares quelque 35 édifices typiques des micro-régions franc-comtoises, fête ses 30 ans cette année, et pourrait bien être considéré comme un petit laboratoire de nos choix de société en matière d’écologie.
« Le musée est bien dans ses trente ans », confirme Virginie Duede-Fernandez, sa directrice, dont le bureau, au premier étage, donne sur une caborde bisontine (cabane en pierre sèche) et deux pâturages où broutent quelques montbéliardes et deux ânes. « Là où nous pouvions passer comme un peu ringards il y a une quinzaine d’années, nous sommes vus aujourd’hui comme assez précurseurs et inspirants pour les problématiques écologiques. »
Les lieux possèdent sept potagers avec certains végétaux en voie de disparition, des ruches qui suscitent des journées apiculture - la 29e aura lieu en août. Et le nouveau projet d’établissement en cours d’écriture donnera plus de place à la partie agriculture, « un peu délaissée au profit des questions d’architecture et de société », promet la directrice.
Pour ce nouveau projet qui devrait fixer les orientations des « six à dix ans à venir », la directrice va travailler en binôme avec un conservateur, en cours de recrutement. Le musée de Nancray, c’était le grand projet de l’abbé Garneret, un prêtre folkloriste et conservateur qui avait découvert le concept des musées de plein air en sillonnant l’Europe à vélo, entre les années 30 et 60, et rêvait de créer le sien, qui montrerait le patrimoine rural franc-comtois. « C’était un précurseur, il avait observé un monde en changement et avait eu cette idée de musée-parc à l’échelle régionale. Pour lui, l’échelle départementale n’avait pas de sens », ajoute la directrice du musée.
Régionaliste convaincu, l’homme va porter son projet à bout de bras : une première version démarre à la cure de Lantenne-Vertière où il a réuni faux, charrues et autres objets artisanaux. Son travail est vite reconnu au niveau national par le Musée des arts et traditions populaires mais, rapidement, la cure est trop petite.
Une deuxième version du musée s’installe au Palais Granvelle, à Besançon. Puis une troisième, le musée comtois, à la Citadelle, rachetée par la ville. La dernière étape est la bonne : l’installation puis l’ouverture à Nancray, en 1989, répondra enfin au rêve de musée auquel ce prêtre et conservateur aspirait.
35 édifices, des fermes, des carbordes

La maison rurale change après la guerre. Conçue jusqu’alors pour faire vivre une famille en quasi-autarcie, avec bêtes et fourrage sous le même toit, elle est désormais confrontée à la nécessité de nourrir la France et de produire davantage. L’abbé Garneret veut témoigner de ces changements. Le village de Nancray est choisi pour son vallonnement permettant de recréer des micro-régions.
La première maison reconstruite est une ferme du Sundgau belfortain, désossée et stockée dans son garage depuis plusieurs années. Comme toutes les maisons qui suivront, elle a été minutieusement choisie, puis démontée et remontée selon les règles de l’art, en pastillant les pièces les plus grosses. « Elle doit être représentative d’une micro-région, une sorte d’étendard », explique la directrice.
« Ensuite, nous menons un travail d’enquête puis de repérage, avec un architecte, pour le démontage et le remontage. Si elles sont trop abîmées, il nous faut parfois deux maisons pour en remonter une. » Suivront deux fermes à tuyé, une en bois, une en pierre, une du haut-Jura, une autre des Vosges Saônoises, une encore du premier plateau, en pierre, et une caborde.
Trente-cinq édifices au total, que le visiteur sillonne à son gré, passant d’un atelier de fabrication du savon à l’ancienne ou d’enduit fin à la chaux à la visite aux animaux de la ferme ou à une exposition - des lithographies de Pierre Bichet à partir du 14 juillet, cette année.
L’établissement est géré depuis 1997 par un syndicat mixte réunissant le Département du Doubs et le Grand Besançon, et bénéficie du soutien de la Région, ainsi que celui d’entreprises mécènes. « Entre 10 et 15 entreprises qui se retrouvent dans nos valeurs », assure Virginie Duede-Fernandez.
Ces mécènes contribuent à hauteur de 40.000 € à un budget de fonctionnement de 1,2 million, dont 20% de recettes propres. Le Musée a un budget d’investissement de 145.000 € pour l’année 2018 et emploie 24 permanents qui assurent l’accueil des 45.000 visiteurs chaque année, familles et groupes (dont 8.000 scolaires), ainsi que l’animation lors des temps forts. Comme la fête de la musique, un moment phare du lieu, ce samedi 23 juin, justement…
Le programme de la fête de la musique à Nancray et toutes les infos sur le site www.maisons-comtoises.org

Qui était l’abbé Garneret, fondateur du musée?
Né à Clerval, dans le Doubs, en 1907, Jean Garneret s’était intéressé très tôt à la vie rurale, à son artisanat, ses paysans, à l’agriculture en général mais aussi à l’archéologie. Formé aux Beaux-Arts, au droit puis au séminaire de Paris, où il rencontra des abbés folkloristes, l’abbé Garneret revient au pays en 1936 comme curé de la paroisse de Lantenne-Vertière, près de Saint-Vit (Doubs).
Là, il pourra de nouveau toucher du doigt la vie rurale qu’il va dessiner, croquer, interroger et étudier sous toutes ses formes. Et, à ses heures perdues, enfourcher son vélo pour visiter l’Europe, jusque dans les années 60, où il découvrira les musées de plein air qui lui donneront l’idée d’en créer un, en Franche-Comté. Ecrivain et éditeur de l’almanach comtois « Le Barbizier », il disparut en 2002, treize ans après l’ouverture du musée des Maisons comtoises de Nancray, l’aboutissement du travail de toute une vie.

Photos fournies par le musée.