VIN/BOURGOGNE. Bonne récolte 2017, chiffre d’affaires en nette hausse et prix du foncier viticole qui flambe, ne sont pas sans inquiéter les professionnels sur un futur incertain.
Ils redoutent les ventes du millésime 2016, peu abondant en raison du gel et de la grêle, la cherté actuelle des vins, surtout en restauration, et un prix d’acquisition de certaines vignes qui impacte tout le vignoble.
Parenthèse qui sert cependant de baromètre sur les prix, la vente de charité des vins des Hospices de Beaune, le 19 novembre, montre une tendance haussière raisonnable, malgré un record d'enchères.

Une vente des vins des Hospices de Beaune record
Avec 13,529 millions d'€ (11,164 millions d'€ hors frais de vente), le produit des enchères de la vente des vins du domaine des Hospices de Beaune qui s'est déroulée dimanche 19 novembre bat tous les records. La récolte abondante avait déjà permis d'en établir un en terme de volume : 630 pièces (un tonneau de 228 litres) de rouge mises en vente, 157 de blanc et 15 d'alcool. A quelques unités près, le nombre de pièces était identique à 2005, mais la valeur des transactions a presque triplé : 4,351 millions d'€ recueillis en 2005 et 11,144 millons en 2017 pour les seuls vins.
L'analyse des chiffres à la pièce montre toutefois une tendance haussière raisonnable. Le prix moyen en euros constants a augmenté de 8%, avec un prix moyen de la pièce à 14.161 €. Les rouges sont restés stables (+ 4%) tandis que les blancs se sont à nouveau envolés (+ 28%). L'année dernière, les prix avaient chuté, rétablissant les valeurs de l'année précédente (2015) marquée par une forte hausse (+ 27% rouges et blancs confondus). Sur 10 ans, on observe une hausse de 10,8%.
Les acheteurs - des négociants pour leur propre compte ou pour des clients et des particuliers collectionneurs - font moduler les enchères en fonction de la réputation des appellations. Cette année, le Bâtard-Montrachet Grand Cru de la cuvée Dames des Flandres a décroché un record avec un résultat de 138.365 € la pièce.
La pièce des présidents est quant à elle inclassable. Vendue pour une ou plusieurs causes humanitaires par des célébrités (cette année, la Fondation Tara Expéditions représentée par Agnès b, la Fédération pour la recherche sur le cerveau parrainée par Marc-Olivier Fogiel et la Fondation pour la recherche sur Alzheimer soutenue par Charles Aznavour), elle atteint généralement des valeurs disproportionnées : cette année, 2 pièces d'un Corton Grand Cru Clos du Roi adjugées 410.000 € par la maison beaunoise Albert Bichot.
Comme il en désormais pris l'habitude, Albéric Bichot, son gérant, a encore une fois été le premier acheteur de cette 157ème édition avec 115 pièces acquises pour 1,746 millon d'€. Il est suivi de son homologue Lucien Lemoine (913.100 €, 39 pièces), puis de la famille Picard à Chassagne-Montrachet (616.000 €, 53 pièces).

Au Top Ten, figurent aussi Joseph Drouhin, négociant à Beaune avec 597.500 € (37 pièces), Anima Vinum à Meursault (495.100€, 51 pièces), les groupes Patriarche à Beaune (474.000 €, 42 pièces) et Boisset à Nuits-saint-Georges (333.900 €, 19 pièces), Louis Jadot à Beaune (292.900 €, 19 pièces), André Goichot, également à Beaune (212.700 €, 14 pièces) et Prosper Maufoux à Santenay (165.900 €, 21 pièces).
Les négociants locaux ont réalisé plus de 65% des achats. Pour les grandes maisons viticoles, cette vente de charité est aussi une gigantesque opération de relations publiques et commerciales : elles en profitent pour convier leurs clients - pour certains de l'autre bout du monde - et leurs importateurs à une découverte de leur millésime, ainsi qu’aux festivités bachiques que constituent les Trois glorieuses, véritable marathon épicurien sur trois jours, entre un dîner au Clos de Vougeot, un second au Bastion de Beaune et le dernier, hier lundi, exceptionnel par ses dégustations de grands vins : la Paulée de Meursault.
Le produit de la vente bénéficie quant à lui à l'hôpital civil de Beaune, d'une part pour gérer son domaine viticole (62 ha dans la Côte de Beaune constitué par des dons) et co-financer les investissements d'équipements de soins.
La récolte 2017
La Bourgogne viticole mange t-elle son dernier pain blanc ? La question se pose à l’aune d’étonnants bons résultats. Côté récolte, issues des dernières vendanges, on devrait enfin retrouver une année quasi normale avec une estimation de production à 1,45 million d’hectolitres. Mis à part le vignoble de Chablis, dans l’Yonne, durement touché par le gel et la grêle, qui ont entraîné entre 20 et 30% de pertes, le reste du vignoble propose de la quantité et une qualité très correcte.
La 157ième vente des vins des Hospices de Beaune, ce dimanche, l’a d’ailleurs confirmé, avec 787 pièces de 228 litres proposées aux enchères, contre seulement 596 l’an dernier (+32%). « Les stocks se reconstituent, mais pas de façon homogène, car nombre d’appellations et beaucoup de vignerons manquent toujours de disponible », reconnaît-t-on au Bureau Interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB.
Cette situation s’explique par la mise en vente prochaine du millésime 2016, une toute petite récolte de 1,223 million d’hectolitres, liée, elle aussi aux accidents météorologiques. On constate de fortes disparités selon les appellations et un niveau de transactions jamais référencé aussi bas depuis 1997.

Le prix du foncier viticole
Le terroir bourguignon, qui flambe plus que de raison du fait d’une succession d’acquisitions hors normes, dont la dernière en date : le Clos de Tart, 7,5 hectares d'un monopole en grand cru Côte de Nuits à Morey-Saint-Denis, négocié par Artemis, la holding de la famille Pinault, 250, voire 270 millions d’€.

« Si cela évidemment conforte l’image mondiale de vins d’exception, nous courrons au devant d’une catastrophe à l’échelle humaine », assure Jean-Michel Aubinel, président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB).
Ce viticulteur du Mâconnais, guère adepte de la langue de bois, s’inquiète de l’effet induit : un enchérissement de l’ensemble du foncier qui risque d’empêcher la Safer de préempter des terrains pour installer des jeunes vignerons ou compléter des domaines en manque de vignes.
« J’ajoute par ailleurs de potentiels problèmes de succession lorsque certains enfants veulent céder à leur frère ou sœur qui continue d’exploiter, et un barème revu à la forte hausse par les services fiscaux », ajoute le président de la CAVB.
Un marché dynamique
Avec le millésime 2015 (1,518 million d’hectolitres), la commercialisation des vins de bourgogne frise des sommets à l’export. Le chiffre d’affaires augmente de 7,9%, pour atteindre sur les neuf premiers mois à : 636,1 millions d’€.
Mis à part les Pays-Bas (-11%) et l’Allemagne (-2,7%), les principaux pays acheteurs affichent des hausses notables, comme les Etats-Unis (+8,2%) et le Royaume-Uni (+6,2%) qui, à cette occasion, a oublié le Brexit.
Les plus fortes hausses viennent toutefois de certains pays producteurs de vin, comme l’Australie (+22%), l’Espagne (+43,4%) et dans une moindre mesure l'Italie (+11,5%), mais aussi de plaques tournantes réexportatrices sur l’Asie, telles Singapour (+15,6%) et, dans une moindre mesure Hong-Kong (+11%).
Quant au marché français, il est principalement animé par la grande distribution alimentaire, avec un chiffre d’affaires record sur huit mois de 112 millions d’€. « A l’exception de septembre, qui enregistre une chute de 11% en valeur, nous réalisons une très belle année. Attention toutefois au retour de bâton avec un millésime 2016 en mal de réputation et à la cherté de nos vins qui deviennent pour beaucoup inabordables en restauration », note Pierre Gernelle, directeur général de l’Union des maisons de vin de Bourgogne.

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