VIN/CÔTE-D'OR. Ils sont 700 privilégiés à participer comme chaque année, en ce lundi qui suit le troisième dimanche de novembre et lendemain de la vente des vins aux Hospices de Beaune, à la plus conviviale des fêtes bachiques au monde.

En atteste une liste d’attente, longue comme un jour sans vin, car la Paulée de Meursault (Côte-d'Or) est un événement qui attire les amoureux du vin de Bourgogne des cinq continents.

Coincés, snobinards, pisse-vinaigre, pingres et autres constipés, s’abstenir.

 

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© Christiane Morey.

 

Chute des cours des vins de Bourgogne à la vente des Hospices de Beaune. Si elle atteint son deuxième record historique avec 8,4 millions d’€, la 156ème vente aux enchères des vins des Hospices de Beaune fait toutefois plonger les cours des bourgognes. Le prix moyen de la pièce de vin (228 litres) atteint 13.833 €, contre 18.880 l’an dernier, soit une baisse de près de 27%. Les vins rouges - 470 pièces en vente - chutent de plus de 23% et les blancs (126 pièces) frisent les -36%. La pièce des présidents a été co-achetée 200.000 € par Jean-Claude Bernard, patron de l’Hôtel du Cep et à Beaune et la femme d’affaires chinoise Yan Hong Cao. Elle ira au bénéfice de deux associations : la Fondation ARC pour la recherche contre le cancer, et Coeur et Recherche.

 

Qui n’a pas participé, comme aujourd'hui, une fois dans sa vie à la Paulée de Meursault (Côte-d’Or), chaque lundi qui suit le troisième dimanche de novembre et lendemain de la vente de charité des Hospices de Beaune, ne saura jamais de quoi est vraiment fait un vigneron bourguignon.

 

« D’un état d’esprit, d’une mentalité, d’une soif d’innover et… de partager », répond Hubert Rougeot, ancien maire de cette commune de 1500 habitants. Et une nouvelle fois, le partage guidera la 84ème édition de la plus grande fête bachique au monde, ce 21 novembre, où pas moins de 700 convives sont attendus pour des agapes à effrayer tout diététicien et s’offusquer les ligues anti-alcooliques.

 

Car dans une paulée, repas traditionnel de fin de vendanges qui réunit le vigneron, ses ouvriers et des amis, on a toujours bon appétit et large soif. Celle de Meursault est devenue l’une des trois grandes fêtes, dites « Les Trois Glorieuses » : elle prolonge le chapitre du Clos de Vougeot qui a lieu la vieille au soir de la vente des Hospices, puis le dîner aux chandelles du Bastion de Beaune qui la clôture.

 

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« Participer aux trois est un vrai parcours du combattant », glisse en connaisseur Jean-Pierre Rebourgeon, le maire de Merceuil, commune limitrophe.

 

Un don de cent bouteilles de Meursault

 

Le comte Lafon, de noblesse papale et gros viticulteur local, fait revivre la paulée murisaltienne en 1923 grâce à ses nombreuses amitiés. Neuf ans plus tard, la manifestation se dote d’un prix littéraire (*) qui a distingué les plus grands écrivains : Colette, Maurice Druon, Hervé Bazin…

 

Plus récemment, Jean d’Ormesson, Bernard Clavel, Erik Orsena ou encore Michel Serres. Mais aussi des comédiens comme Jean Piat, des journalistes : Bernard Pivot et, cette année, François Busnel, producteur et animateur de l’émission La Grande Librairie.

 

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© Christiane Morey.

 

Le lauréat gagne cent bouteilles de Meursault d’un viticulteur différent chaque année et honore les festivités. L’organisation, confiée jusqu’en 2001 à l’office du tourisme, relève depuis de l’Association Pour la Promotion de Meursault (APPM), que préside Philippe Ballot, par ailleurs premier adjoint.

 

Ecole des vins

 

On vient du monde entier et on se damne pour en être, tant la liste d’attente est longue comme un jour sans pain. Le château de Meursault, dont les murs appartiennent à la famille Boisseaux, fondatrice de Patriache, accueille tout ce petit monde dans son ancienne cuverie, depuis le début des années 80.

 

Les lieux sont aussi une exploitation viticole de 60 hectares aux crus réputés, confiée aux bons soins d’Olivier Halley, membre de la famille fondatrice du groupe Promodès.

 

Chaque convive apporte une ou des bouteilles

 

Commence alors un festival pour les papilles. Si un traiteur, parfois associé à un grand chef - comme l’an dernier Éric Pras du restaurant triplement étoilé Lameloise -, signe le déjeuner de six assiettes, dont un poisson, une volaille et une viande, les boissons sont apportées.

 

Dans une paulée, chaque convive est tenu de venir avec son ou ses flacons. Et, si possible, les meilleurs. Gare au contrevenant qui débarque les mains vides, il ne serait plus accepté. S’en suit dès le troisième plat, un va-et-vient entre les tables, chacun voulant faire goûter sa dive bouteille.

 

Le service, admirable d’efficacité, slalome entre les tables et parvient à remplir son office. Plus les heures s’écoulent et plus l’ambiance monte. Entre deux chansons, évidemment à boire, du groupe Les Joyeux Bourguignons, le ton monte, les yeux pétillent, les mains se lèvent régulièrement pour un énième ban bourguignon. Au final, de nombreux participants montent sur les tables et font tourner leur serviette.

 

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Elle est là toute résumée cette Bourgogne authentique, car chaleureuse et généreuse avec son maître mot : réjouissance. « On veille aussi à n’apporter que du bourgogne, car on devenait, avec nos 40% de convives étrangers, une gigantesque dégustation des vins du monde entier », explique Philippe Ballot.

 

Côté business, la Paulée de Meursault est selon Pierre Gernelle, le directeur de l'Union des maisons de vins de Bourgogne « un remarquable outil de marketing ». Les négociants bénéficient de six places, acquittées 205 € l’unité, et ne se privent pas d’y convier leurs bons clients.

 

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© Christiane Morey.

 

C’est le cas de la maison Albert Bichot de Beaune. Albéric, son dirigeant, se souvient d’un Américain venu avec une bouteille de Chambolle-Musigny Les Amoureuses 1947 de la maison que son grand-père lui avait offerte. « Il attendait le moment idéal pour l’ouvrir et profita de l’occasion pour venir à notre table la faire déguster », raconte ému le négociant.

 

C’est beaucoup de ces instants qui, au fil du temps, deviennent les souvenirs d’un moment unique, et tout à fait magique.

 

A retenir :

Date : tous les 3èmes lundis de novembre.

Lieu : Château de Meursault (Côte-d'or).

Prix : 205 € la place.

Nombre de convives : 700 au grand maximum.

Consommation moyenne : 1.200 bouteilles, soit plus d’une et demi par personne.

A noter : un service de bus est à la disposition des convives.

 

(*) Un autre prix, dédié à la recherche et baptisé du nom d'André Boisseaux, le fondateur de Patriarche et propriétaire des murs du Château de Meursault, est aussi remis lors de la paulée. Doté de 10.000 €, il ira cette année à Sandrine Rousseau pour ses travaux universitaires à l'Institut Jules Guyot, de la Vigne et du Vin.

 

L'autre paulée : la Paulée du salon Vinidivio à Dijon

 

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La Paulée de Dijon se déroule pendant la foire gastronomique sous les voûtes du Cellier de Clairvaux, vestige de l'ancienne abbaye du même nom. © Traces Ecrites.

 

Plus modeste - ce qui lui confère une plus grande intimité - à cause de l'espace où elle se tient - le Cellier de Clairvaux à Dijon -, la Paulée de Dijon tient toute son originalité au fait qu'elle ne se consacre pas uniquement aux vins de Bourgogne.

Son organisation par Dijon Congrexpo, dans le cadre du salon des vins Vinidivio au sein de la foire internationale et gastronomique de Dijon, permet aux convives d'apprécier des vins d'un pays étranger. En l'occurence cette année, le 6 novembre dernier, ceux du Land allemand de Rhénanie-Palatinat.

On y déguste - plutôt qu'on ne boit - des vins sélectionnés par les viticulteurs du salon : le Riesling était à l'honneur cette année. Mais aussi des vins de Bourgogne grâce à la participation de viticulteurs et négociants des côtes de Nuits-saint-Georges et de Beaune qui arrivent chargés de cartons.

Les convives - des amateurs de vin ou de bonne chère ou de simples curieux - apportent une bouteille de leur choix, comme le veut la tradition des paulées. On ne résiste pas à quelques bans bourguignons, mais point de chansons à boire ; ici, on a plus de retenue...

Et l'on y mange souvent mieux qu'à Meursault, car tous les ans, un chef est derrière les fourneaux. Dernier en date, Louis-Philippe Vigilant du restaurant Loiseau des Ducs à Dijon qui a proposé une véritable découverte de ses talents pour un prix somme tout accessible de 100 € (entrée, poisson, viande, fromage et dessert). 

La soirée est aussi l'occasion de remettre les prix d'un concours de vins auquel participent les exposants de Vinidivio. Histoire de laisser les viticulteurs du pays invités regagner leurs terres avec un fier souvenir. C.P.

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