A l'occasion de cette semaine de congés, nous revenons sur quelques temps forts de l'actualité économique que nous avons relatés en Bourgogne-Franche-Comté et dans le Grand Est depuis la fin de l'été. Aujourd'hui : SEW Usocome. Le fabricant de systèmes d’entraînement pour l’industrie est engagé dans un programme d’investissement de 250 millions d’euros à facettes multiples, dont les plus ambitieuses se concentrent sur son site d’assemblage de Brumath. En cours d’extension, celui-ci vit une réorganisation visant à répartir les tâches au mieux entre le digital en amont et le manuel au stade final, là où chacun des deux joue son rôle le plus efficace.

ARTICKE PUBLIE LE 8 OCTOBRE 2025. Fief et pionnière de l’industrie 4.0 (ou 5.0 aujourd’hui), l’usine de Brumath (Bas-Rhin) de SEW Usocome pousse un cran supplémentaire dans cette direction. Le fabricant de systèmes d’entraînement (moto-réducteurs, moteurs, variateurs de vitesse, systèmes d'automatisation) pour tous types de secteurs industriels est engagé en effet dans la première extension d’envergure de ce site qu’il a créé en 2015 dans le but de désengorger ses capacités et le faire entrer résolument dans l’ère de l’« usine du futur. »

Les 49.000 m2 supplémentaires qui en résulteront courant 2027 et représentent un investissement de 164 millions d’euros (voir ci-dessous) traduiront une réflexion très approfondie sur les places respectives de la « machine » et de l’humain dans le process, de façon à ce que l’une et l’autre soient sollicités au stade de leur meilleure pertinence respective.

 

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L’inauguration, ce 1er octobre, de la première partie de cette extension en donne déjà le ton. Un ballet intensif de petits robots AGV (véhicules auto-guidés) parcourt les lignes d’assemblage afin d’amener les pièces au plus près des postes de travail, selon un système de commandes bien huilé ne créant ni embouteillage, ni déplacements inutiles. Au poste de travail, l’écran délivre les informations précises de tâches à effectuer à l’instant t par l’opérateur ou l’opératrice.

Ces salarié(e)s prennent alors le relais pour composer le puzzle de pièces et préparer ainsi les composants qui partiront vers une étape suivante jusqu’à la confection du produit final. S’applique ici le principe « goods to men » (les biens vers les hommes) qui fonde l’usine du futur – en fait bien du présent – de SEW Usocome, entreprise labellisée « Vitrine industrie du futur » au niveau national.  « Nous répondons de cette façon à l’individualisation croissante des commandes qui caractérise notre activité », expose Patrick Kolb, le directeur du site de Brumath de la filiale française de l’Allemand SEW Eurodrive.

SEW AGV
Les petits robots AGV (véhicules auto-guidés) parcourent l'usine de Brumath à raison de 700 km par jour pour le convoyage de pièces à assembler. Le site comptera bientôt 43 de ces véhicules. © SEW Usocome


« Cette spécialisation atteint un tel degré qu’elle n’est pas robotisable. Dès lors, l’assemblage lui-même reste manuel », poursuit-il. En revanche, les phases amont maximisent le recours au digital, « de sorte à donner aux opérateurs la bonne information en temps réel qui augmentera leur autonomie de décision, et apporter, par là même, la flexibilité dont nous avons besoin. A l’intersection, il y a l’interface homme-machine, dont ne pourrions plus nous passer aujourd’hui », ajoute Patrick Kolb.

Le stockage des pièces destinées aux composants et produits finaux, leur convoyage et les priorités d’approvisionnement des lignes sont ainsi automatisés, au regard des volumes de données à traiter. Chaque jour, le site de Brumath reçoit 5.200 ordres de fabrication en vue d’assemblages 100 % sur commandes, « ce qui représente des millions de combinaisons possibles », relève Patrick Kolb. Les AGV de convoyage, fabriqués par le groupe SEW Eurodrive lui-même, avalent 700 kilomètres chaque  jour. Quant au système informatique articulé autour d’un ERP (progiciel) de SAP, il gère 17.000 opérations, correspondant à 46 étapes de fabrication, toutes mesurables dans leur performance du moment, de sorte à détecter un retard par exemple.

Douze mini-usines à la hiérarchie réduite 

SEW poste travail
L'organisation de production est pensée pour concentrer sur les opérateurs l'assemblage final, qui ne peut être robotisable selon l'entreprise. © SEW Usocome


Ce vaste moulinage trouve sa traduction sur l’écran de travail, mais de façon simple et surtout séquencée : chaque activité humaine reçoit les informations qui lui sont spécifiquement dédiées, son mode d’emploi en quelque sorte. En outre, certaines parties du process ont pris de la hauteur, au sens littéral de l’expression, dans le but de gagner en efficacité. Le stockage des matières de base grimpe à 24 mètres du sol, s’élevant en deux immenses racks qui font penser aux piliers d’une nef de cathédrale, pour y ranger 120.000 bacs et 3.500 palettes.

Et dans une zone  d’assemblage, pour six lignes aujourd’hui et 16 demain, une distribution (« picking ») verticale a été instaurée. Les bacs de pièces rejoignent une sorte d’ascenseur pour s’installer dans les étages libres. De là, ils redescendent aux opérateurs, selon un mouvement aléatoire en apparence (un coup depuis le 5ème niveau, puis du 3ème, puis du 8ème…) mais qui ne l’est nullement. « Il est commandé par l’ordre des priorités d’alimentation, le système va alors chercher tel bac à tel étage », complète Alexis Kocher, responsable magasin.

Afin de gagner en flexibilité, le site de Brumath s’est organisé en 12 « mini-usines », constituant « des centres de responsabilité complets, chargés également du conditionnement et de la livraison. Leur effectif de 40 à 60 salariés répond à une ligne hiérarchique légère : un manager spécifique, le manager des fonctions support, et le directeur du site », décrit Patrick Kolb.

Cette organisation fait ses preuves. Dans une conjoncture difficile, SEW Usocome maintient une croissance « de 2 à 3 % par an », relève son directeur général Jérôme Amann.

Et sans surprise, les jumeaux numériques et l’intelligence artificielle s’installent. L’industriel est associé à un programme européen de 5,5 millions d’euros « Modapto », en vue de parfaire leur mise en application, sur les nouvelles lignes attendues dans deux ans.

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Le stockage, automatisé, grimpe à 24 mètres en deux racks qui font penser à des piliers de cathédrale. © SEW Usocome

 

Une vague exceptionnelle d’investissement

La feuille de route à six ans de SEW Usocome est jalonnée d’étapes d’investissements d’une intensité rare dans l’histoire de la filiale française née en 1959, voire même de son groupe familial d’appartenance (*) qui fêtera son centenaire en 2031. Elles cumulent un engagement de 250 millions d’euros. A Brumath, l’unité d’assemblage de 550 salariés (dont 80 intérimaires) a  achevé en mars dernier une première phase d’extension de 74 millions d’euros et 25.000 m2, pour enchaîner dans la foulée un second agrandissement de 24.000 m2 (90 millions d’euros) destiné à implanter fin 2027 une partie de la  fabrication des stators de moteurs industriels ainsi que leur bobinage.

Cette  activité, inédite pour le site spécialiste du rotor, permet de délester les deux autres usines de Forbach (Moselle), 500 personnes, centrée avant tout sur la fonderie de pièces, et celle historique de Haguenau (Bas-Rhin) la plus importante avec 1.200 collaborateurs mais qui est bridée par sa localisation dans une zone pavillonnaire - le déménagement à terme ailleurs à Haguenau est à l’étude. Forbach bénéficie en parallèle d’une enveloppe de 16,5 millions d’euros pour l’extension de son atelier de découpe-paquetage et l’installation d’une centrale solaire de 4 mégawattscrête procurant 14 % d’autonomie électrique (Brumath aussi va cumuler 3MWc d’ici 2027). Afin de se rapprocher des clients finaux français, l’entreprise a constitué également un réseau de cinq centres de services, à Bordeaux, Nantes, Lyon, Haguenau et en région parisienne. Le site francilien va déménager et se moderniser ,à Croissy-Beaubourg pour 17 millions d’euros jusqu’en 2027. 
 
(*) SEW Usocome emploie au total 2.380 salariés pour un chiffre d’affaires de 531 millions d’euros l’an dernier. Le groupe allemand SEW Eurodrive qui siège à Bruchsal près de la frontière française compte 22.600 collaborateurs dans le monde. Son chiffre d’affaires s'est élevé à 4,3 milliards d’euros durant l’exercice 2023-24.

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