Pour atteindre les objectifs de décarbonation de la mobilité, le parc automobile professionnel doit faire sa mutation. Les particuliers se sont de loin davantage emparés de cette nouvelle offre qui va révolutionner les métiers de l'automobile.
Les ventes de véhicules électriques ont fait un bond en avant. Elles représentent entre 15% et 20% des nouvelles immatriculations (315.978 ventes en 2021), selon l’Avere-France, association pour le développement du véhicule électrique. Les concessionnaires automobiles présents le 5 avril au circuit Dijon-Prenois pour la journée de la mobilité électrique en Bourgogne-Franche-Comté, le « e-day » (*), le confirment. L’augmentation de l’offre des constructeurs est à leur avantage.
Pourtant, leur arrivée, lente, sur le marché, fait que les véhicules électriques ne représentent que 3% du parc automobile. Un long chemin reste à parcourir pour remplir les objectifs de décarbonation de la mobilité définis par les politiques nationales et européennes : 30 à 40% des parts de marché en 2025 et la moitié en 2035 lorsque sonnera la fin des véhicules thermiques.
Pour franchir ce pas de géant, les acteurs de la mobilité électriques s’entendent sur le fait que le parc automobile professionnel doit faire sa mutation. Aujourd’hui, 60% des véhicules électriques sont achetés par des particuliers. Les entreprises préfèrent les véhicules hybrides rechargeables ; elles représentent 75% des achats de ce type de véhicule, précise Vincent Durand-Escribe, directeur du pôle Commerce et Distribution chez Mobilians, organisation professionnelle des métiers de la distribution et des services de l’automobile. « Il faut accompagner les professionnels, en premier lieu en terme d’information », estime t-il.
Les freins à l’achat des véhicules électriques chez les professionnels subsistent invariablement. Comme pour les particuliers, ils concernent le prix et l’autonomie de la batterie. Les voitures électriques, berlines et utilitaires, restent plus chères que leurs équivalents à essence, en dépit d'aides publiques (**). Selon une étude de BloombergNEF, elles s’afficheront au même niveau de prix que les thermiques pas avant 2026-2027.
L’autonomie de la batterie questionne toujours malgré un déploiement massif des bornes de recharge sur le territoire. 46% des sondés pour le baromètre 2021 « Les Français et la mobilité électrique » réalisé par Ipsos pour l’Avere-France et Mobivia (leader européen de l’entretien automobile), estiment que l’autonomie doit être supérieure à 500 km, ce que peu de modèles atteignent malgré une amélioration constante des perfomances des batteries.
Bouleversement attendu dans toute la filière automobile

Pour convaincre les chefs d’entreprise, l’Avere-France relayée en Bourgogne-Franche-Comté par l’association BFC Mobilité Electrique, est en train de préparer un guide pratique sur le modèle de celui édité à l’attention des professionnels de l’immobilier détaillant les étapes associées à l’installation de bornes de recharge en copropriété. Celui-ci aiderait les entreprises à dimensionner leur parc de bornes de recharge sur site, évaluer leurs besoins et revoir l'organisation de leurs salariés itinérants (commerciaux, techniciens).
En Bourgogne-Franche-Comté, le conseil régional est en train d’élaborer un schéma de cohérence des bornes de recharge afin d’aider les communes et les stations services à les déployer sur les itinéraires routiers, seuls les réseaux autoroutiers pouvant prétendre pour l'instant être bien équipés. De son côté, EDF propose du conseil aux entreprises pour que l’électrification de leur parc « ne grève pas leur compétitivité », précise Jérémie Motin, directeur Mobilité Electrique du groupe EDF.
Parce que leur coeur de métier est l'électricité, EDF et Enedis veulent montrer l’exemple. « Nos 20% de flotte électrique dont des véhicules d’intervention et d’astreinte peuvent avoir un effet convaincant », note Robert Poggi, directeur régional d’Enedis et président de BFC Mobilités électrique. EDF affiche de son côté un parc de 7.000 véhicules ; la Poste aussi a fortement électrifié sa flotte.
Au-delà de leur rôle de promotion de la mobilité électrique, les acteurs présents le 5 avril au circuit de Dijon-Prenois ne se voilent pas la face quant au bouleversement attendu dans toute la filière automobile. On estime à 50.000 le nombre de pertes nettes d’emploi chez les constructeurs et leurs équipementiers ainsi que chez les professionnels de l’après-vente.
Les sous-traitants spécialisés dans le décolletage-usinage, le traitement des métaux, la fonderie, le caoutchouc, ou encore l’emboutissage seront les plus touchés par l’électrification. Une baisse « structurelle » de 15 à 30 % des effectifs français de production semble inévitable, indique une étude récente d’AlixPartners réalisée pour le compte de la Plateforme automobile (PFA).

Les métiers du service après-vente vont aussi être touchés. Non seulement les tâches quotidiennes des garagistes vont changer, davantage tournées vers l’électronique que la mécanique, mais l’impact économique sur leur entreprise est réel. Les dépenses en entretien d’une voiture électrique sont évaluées à la moitié de la valeur d’un véhicule essence, même si les réparations sont un peu plus chères.
Seul en Bourgogne-Franche-Comté à former aux métiers de la réparation en apprentissage, le CFA Automobile de Mâcon (Saône-et-Loire) que gère la CCI Métropole de Bourgogne, voit aussi ses missions évoluer. Ses formations, du CAP au BTS ainsi que des CQP et titres de branche validées par l'Anfa (Association Nationale pour la Formation Automobile), sont en attente des référentiels des habilitations électriques de l’Education nationale. Ces bouleversements ne freinent pas les vocations. L’établissement compte 650 élèves cette année – et il y a eu des refus, faute de place –. Il est vrai qu’à la faveur des départs à la retraite, le secteur embauche.

(*) Le Medef Yonne et l’UIMM 89 organisent une manifestation du même type "spéciale entreprises" avec les groupes Nomblot et Stellantis, le jeudi 14 avril à 18h30 au Village Automobile by Nomblot à Champlay (près d'Auxerre) pour les sensibiliser à l’électrification de leur parc automobile.
260 chefs d’entreprises sont invités. Avec la participation de Mathilda Collard, chargée de mission au Pôle transition écologique du Medef qui parlera de la démarche du syndicat patronal sur les nouvelles énergies et le respect de l’environnement via les entreprises. Ainsi que deux experts du groupe Stellantis qui dévoileront la stratégie du groupe en termes de réglementations fiscales et environnementales et le Syndicat Départemental d’Energies de l’Yonne (SDEY) à propos de la recharge des véhicules sur le territoire icaunais.
(**) Détails des aides et du bonus écologique sur le site de l'Avere France.