Allez chez lui pour trouver des ciseaux de broderie, ou alors des pièces de collection, mais pas des ciseaux de travail, tant il façonne de petits chefs-d’oeuvre. Fabrice Liiri reste le dernier artisan de la cisellerie d’art de France et le dernier des meilleurs ouvriers de France (MOF) du genre. A 67 ans, son plus cher désir serait de transmettre son savoir-faire. Portrait d’un artiste, lauréat de la seconde édition des Idées Inspirées de Haute-Marne dans la catégorie savoir-faire.
Trente-deux ans que l’on n’avait pas vu cela. Nous sommes en 2007 et Fabrice Liiri décroche le titre de Meilleur Ouvrier de France (MOF) en cisellerie. Depuis, plus aucun ne l’a obtenu. « Je m’y suis quand même repris à trois fois, mais vous savez, je suis un autodidacte, ayant quitté l’école à 15 ans », évoque sans fausse modestie cet homme à la retraite de 67 ans qui vit et officie à Foulain, ville de Haute-Marne située entre Langres et Nogent.
Fabrice Liiri est le digne héritier de Nicolas-Pierre Pelletier (1828-1921), coutelier, mais surtout grand ciselier d’art qui s’inspirait de la nature pour réaliser de véritables chefs-d’œuvre « aux formes gracieuses » et qui a repoussé l’impossible avec des moyens matériels jugés dérisoires à notre époque.

Fabrice Liiri a mis ses pas dans les siens au nom du bel œuvre et de la belle ouvrage. Le destin le prédestinait car déjà adolescent, il exécutait de petites tâches dans une cisellerie de Nogent. Et puis, il fit carrière dans une usine de fabrication de prothèses de hanches à Chaumont, les établissements Landanger qui ont revendu depuis cette activité pour ne plus faire aujourd’hui que de l’instrumentation chirurgicale.
Des pièces uniques
Parallèlement à sa vie active, l’artisan assouvit sa passion qui l’a pris à l’âge de 35 ans lorsqu’un voisin lui montre une vitrine de ciseaux. Le déclic s’opère et la mécanique se met en route. « J’ai toutefois dû faire preuve de patience, persévérer pour perfectionner ma technique », souligne Fabrice Liiri.

Il devient vite maître en son domaine, fabricant ses propres outillages, créant un atelier à sa main où seul il s’y retrouve. Pelletier l’inspire et il réinterprète ses créations. Jusqu’à 130 heures sont nécessaires pour réaliser une très belle pièce de collection. Parmi les productions originales récentes, on trouve une paire de ciseaux à l’effigie du Général de Gaulle, Croix de Lorraine incluse.
Une composition offerte à Brigitte Macron, lors de la venue le 9 novembre dernier du Président de la République à Colombey-les-deux-Eglises pour le 50ième anniversaire de la mort du fondateur de la Vième République. Sa patte (un poinçon), Liiri la signe MOF-FI sur tous ces ciseaux, dont les prix varient de 120 à 900 €.

Ce territoire haut-marnais d’une quarantaine de communes totalise pas moins de 31 Meilleurs Ouvriers de France (MOF) en coutellerie et 17 en instruments de chirurgie.
Le concours a été mis en place en 1924. Tel celui des compagnons opératifs, il récompense le travail manuel d’excellence, fait de créativité, de respect des traditions, mais également d’utilisation de techniques modernes.
Il fédère 50 métiers dans 12 catégories. Fabrice Liiri aura dû faire par trois fois 8 pièces, 4 achevées et 4 autres non finies ; 4 sur des modèles imposés, 4 à sa libre discrétion.
Aujourd’hui, Fabrice Liiri aimerait transmettre ce savoir faire unique, ayant déjà à son actif l’appui à un coutelier de chasse et de pêche, qui justement pêchait par les ciseaux indispensables à l’objet. Et cet art se résume en plusieurs étapes. Tout part d’un gabarit en papier, puis de deux tôles d’inox sur lesquels on le dessine à la pointe à tracer.
Vient le perçage progressif sans aller trop loin sous peine de recommencer. Arrivent après les limes-aiguilles laissant apparaître les branches. De 140 grammes, il n’en reste que 15. Le brillant n’apparaît qu’après de longues heures de polissage avec différents grains abrasifs. La finition « à la poli », s’obtient sur une galette de feutre, puis sur une brosse, enfin sur différents tampons jusqu’à la touche finale.
Au fait, mais Liiri n’est pas un nom très haut-marnais. Non, il est d’origine finlandaise, le grand-père ayant déjà émigré aux Etats-Unis pour ensuite revenir exercer le métier de garagiste en Haute-Marne.


