Si vous aimez la truffe, un arrêt sur sa route de Bourgogne à Is-sur-Tille s'impose. Dans cette petite ville, s’est déroulé mi-octobre l’un des marchés de producteurs parmi la douzaine de la région où une truffière pédagogique explique au consommateur les atouts du champignon rare et cher. Le prochain rendez-vous est programmé ce 28 octobre, pour une demi-journée de découverte de la Tuber Uncinatum.


Article rédigé par Christiane Perruchot et Didier Hugue.
Is-sur-Tille n’est plus un nom incontournable pour les seuls cruciverbistes. La petite ville de la grande périphérie dijonnaise arrosée par la Tille et l’Ignon est désormais une étape sur "La route de la truffe de Bourgogne" (*). Cet itinéraire de 118 kilomètres tracé depuis un an par l’agence Côte-d’Or Attractivité, du Châtillonnais au nord du département, en passant par la côte viticole, jusqu’aux portes de Dijon, assoie clairement ce territoire comme terreau favorable à la Tuber Uncinatum. La truffe d’automne se plaît bien dans les sols calcaires des plaines, coteaux et forêts locales.

Une fête avec marché de producteurs (**) vient le rappeler chaque année. La 18ème édition s’est déroulée le 14 octobre dernier, en même temps qu’à Nevers, à l’ouest de la Bourgogne où se développe aussi la culture du champignon rare et coûteux. Les deux manifestations annonçaient le début de la récolte, qui s’étend de mi-septembre à mi-janvier.

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La truffière pédagogique d’Is-sur-Tille fait l’objet de démonstrations de cavage pendant la saison de la récolte. ©Traces Ecrites


Is-sur-Tille a aussi le privilège d’abriter la confrérie de la truffe de Bourgogne. Cette institution a nommé depuis une trentaine d’années quelque 500 ambassadeurs, gastronomes et connaisseurs, qui ont réussi au début des années 2000 à placer la truffe de Bourgogne sur les tables des restaurants de la région. « La confrérie existe aussi pour préserver la qualité du produit qui passe par l’entretien des truffières et la méthode de ramassage avec des chiens », explique Armelle Rion, Grand Chambellan de la Confrérie (c’est la personne qui organise les festivités), viticultrice à Vosne-Romanée (Côte-d’Or) et propriétaire d’une truffière de 6 hectares.

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Sur le chemin de la truffière pédagogique, sept panneaux livrent toutes les informations indispensables sur la Tuber Uncinatum.
©Traces Ecrites


Pour compléter la liste de ses atouts, la commune d’Is-sur-Tille a installé il y a trois ans dans ses faubourgs, une truffière pédagogique
grâce à des financements du Pays Seine-et-Tilles.  Aménagé avec pas moins de 30 tonnes de sable, le site de 3.000 m2 est planté d’une centaine d’arbres. « Il servira à terme pour le dressage des chiens caveurs, mais nous y organisons déjà des démonstrations pour le public (***) », indique Inès Schlaf, directrice du développement économique et touristique à la Communauté de communes des vallées de la Tille et de l’Ignon (Covati). Cette collectivité vient par ailleurs de créer un parcours pédagogique de sept panneaux livrant toutes les informations indispensables sur la Tuber Uncinatum, de ses origines à la manière de la cuisiner, en passant par son milieu naturel.


L’oeil, le toucher et le nez

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Avant l'ouverture du marché de producteurs, l’aspect extérieur des truffes, leur chair ainsi que leurs arômes sont vérifiés par des contrôleurs, des bénévoles formés au CFPPA de Crogny, dans l’Aube, par Henri Frochot (à gauche sur la photo). © Traces Ecrites


Il en est ainsi à chaque édition de la fête de la truffe d’Is-sur-Tille. Dès le point du jour, une dizaine de producteurs se succèdent devant les tables où, sur une balance, le fruit de leur récolte est délicatement déposé. C’est à ce moment-là que l’on comprend ce qui fait l’identité de la truffe de Bourgogne, moins connue que ses cousines du Périgord et d’Alba en Italie. Les trufficulteurs patientent gentiment, le temps que les contrôleurs examinent un à un leurs précieux champignons. D’un oeil acéré et d’un odorat infaillible, Henri Frochot distille ses conseils à ses collègues stagiaires. « Il ne s’agit pas de tromper les acheteurs sur une marchandise coûteuse, aussi je forme des contrôleurs et quel meilleur endroit qu’ici pour les travaux pratiques », s’exclame cet homme charmant et très pédagogue, producteur, membre de l’Association régionale des truffes d’automne de Bourgogne-Franche-Comté et de l’Est.

Le contrôle passe par l’aspect et la consistance. Puis, on « canife » le pied d’une fine lamelle, afin d'apprécier la couleur de la gléba (chair). Et l’on termine en humant les arômes intenses de sous-bois. Christine Dupaty, présidente de l’Association départementale Côte-d’Or Saône-et-Loire et productrice à Bure-les-Templiers dans le nord de la Côte-d’Or, ajoute aux caractéristiques organoleptiques, un arôme de vanille qui rappelle le vin de Bourgogne. Une belle truffe se doit d’être ferme au toucher, revêtue d’une peau verruqueuse noire de jais, et dotée d’une chair brun clair, striée de nervures blanches. Celles jugées trop molles sont mises de côté, de même que les moins odorantes.


Plus de demande que d’offre

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Une truffe de 118 grammes, un beau spécimen peu courant mais qui ne bat pas les records. La plus grosse qui ait été ramassée
en Bourgogne pesait 500 grammes. © Traces Ecrites


La qualité du produit revêt une grande attention, tant il est vrai que la Tuber Uncinatum connaît l’inflation depuis plusieurs années. Non rattachée à un cours officiel, la truffe subit les conséquences d’une offre inférieure à la demande. Le 14 octobre à Is-sur-Tille, elle se vendait à 690 € le kilo, un prix élevé en raison d’un début de saison peu généreux à cause de la sécheresse. Les pluies de ces derniers jours propices au « mûrissement » des champignons abaisseront peut-être le niveau des prix. Rien n’est moins sûr. « L’an dernier, le kilo a approché le millier d’euros », confie Corinne Fernandes, chef du restaurant Les Feuillus à Avot (Côte-d'Or) dont la carte propose au moins une entrée et un plat à la truffe. La récolte 2022 avait été maigre : 5 tonnes seulement, moitié moins que l’année précédente.

Le mode de culture de la truffe de Bourgogne explique l’irrégularité des récoltes. « 70 à 80% poussent à l’état naturel dans les forêts, explique Christine Dupaty, on ne peut donc pas les arroser, contrairement aux vergers ; aussi le changement climatique est un véritable danger. » Le « diamant noir » comme on l'appelle aussi, subit particulièrement la sécheresse estivale, car il arrive à maturité à l’automne, contrairement à la truffe du Périgord qui pointe son nez aux premiers froids. Aussi, la création de vergers se développe en Bourgogne avec des espèces arboricoles variées : charmes, noisetiers, chênes, bouleaux et même résineux. L’essentiel tient dans la motte. « La truffe est le fruit d’un mycélium qui vit en association avec les racines et radicelles de l’arbre », décrit Thierry Cuneaz, spécialiste du sujet chez les Pépinières Naudet, à Leuglay, dans le nord de la Côte-d’Or.

Le substrat de la motte de l’arbre est artificiellement ensemencé de truffe broyée. Ainsi mycorhizés en laboratoire, les plants sont élevés pendant un à deux ans chez le pépiniériste avant d’être mis sur le marché, avec une certification qui garantit le taux de mycorhisation, donc de succès. Les terrains, eux, doivent de préférence être de nature argilo-calcaire, mais suffisamment drainants afin d'éviter la stagnation de l’eau.

Le cavage ou la récolte des truffes

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Stéphane Vernaud, caveur-rabassier, cinq fois champion de France avec son chien Lagotto Romagnolo. © S.Vernaud
 
La truffe de Bourgogne se caractérise aussi par son mode de récolte que l’on nomme le cavage. Fini le cochon dressé pour la recherche de truffes ou tout du moins, il n’est pas utilisé en Bourgogne car l'animal a la fâcheuse manie de les avaler si le trufficulteur n’y prend pas garde ! On lui préfère les chiens, dressés pour ne détecter que les truffes mûres. Ils sont de race labrador, malinois, berger, mais le plus doué semble être le Lagotto Romagnolo.
A l’origine petit chien de chasse de gibier d’eau des marais, à la robe blanche et marron et au poil tout moutonneux, il n’a pas son pareil pour dénicher le précieux champignon. Toujours à fouiner grâce à un museau doté d’un odorat parmi les plus développés, il trouve vite le bon endroit. Stéphane Vernaud, caveur-rabassier, cinq fois champion de France du genre, voue une véritable passion au travail du chien. Les siens déterrent délicatement les truffes et les lui ramènent intactes, non sans être gratifiés d’une récompense gourmande. Ce personnage de 52 ans en a fait son métier et à voir la photo ci-dessus, il en vit sans doute fort bien.


Aujourd’hui, les professionnels de la truffe de Bourgogne cherchent à se rassurer sur leur avenir. Certains, au nombre desquels les 130 adhérents de l’Association bidépartementale Côte-d’Or Saône-et-Loire, parient sur une Identification Géographique Protégée (IGP). Selon eux, elle présenterait l’avantage de mieux distinguer cette truffe d’automne de celle d’été, dont les distinctions gustatives s’amenuisent à cause du réchauffement climatique. Le sujet ne fait pas l’unanimité. Ses opposants avancent la difficulté de définir un périmètre de culture, la Tuber Uncinatum ne poussant pas qu’en Bourgogne, mais aussi en Champagne-Ardenne, en Lorraine, en Auvergne et jusqu’en Belgique et en Allemagne. « L’IGP nous enfermerait plus qu'elle nous valoriserait, c’est un bon ramassage qui fait la qualité de la truffe de Bourgogne », argumente Armelle Rion, de la Confrérie de la truffe de Bourgogne. Tous sont en revanche d’accord pour rendre la réglementation plus ferme, de façon à protéger professionnels et consommateurs des fraudes potentielles.

La truffe, de l’entrée au dessert

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Pierre Franchomme aux fourneaux de son restaurant d'Is-sur-Tille et deux de ses plats :
jambon persillé à la truffe de Bourgogne, crème légère truffée et moutarde et, volaille farcie à la truffe et son croustillant de pomme de terre. ©Traces Ecrites

 Popularisée dans l’omelette qui présente l’avantage d’utiliser des petites quantités (10-15 g par personne), la truffe de Bourgogne se cuisine de l’entrée au dessert. Une dizaine de chefs en Côte-d’Or proposent pendant la saison au moins un plat truffé, voire des menus complets. Pierre Franchomme est de ceux-là.
Taillé comme un deuxième ligne de rugby, le nouveau chef, et propriétaire avec son épouse, de l’Auberge Côté Rivière à Is-sur-Tille, fait de la truffe un ingrédient récurrent dans sa cuisine. Ses arômes et saveurs s’expriment pleinement, de l’entrée au dessert : une soupe froide de céleri et truffe agrémentée de morceaux de jambon du haut-Doubs, une volaille de Bourgogne farcie à la truffe ou encore un millefeuille à la vanille de Bourbon.
Très éclectique dans ses choix culinaires, en raison d’un parcours international (Etats-Unis, Iles Caïman, Thaïlande), ce chef de 31 ans défend une cuisine gastronomique, mais abordable. Son menu du midi, avec entrée, plat et dessert, ne coûte que 28 € et bénéficie, en outre, d’un double choix. Le menu autour de la truffe (4 plats) revient, lui, à 68 €. L’établissement accueille jusqu’à 30 couverts, possède une salle pour des groupes de 25 personnes et un hôtel de dix chambres. « Nous avons pour projet de les climatiser et de nous équiper, à terme, d'une piscine avec spa.»
Le vaste parc arboré y prédispose.

• Informations pratiques

(*) Le parcours de La route de la truffe de Bourgogne peut être téléchargé sur l’application Balades en Bourgogne. Il indique notamment les producteurs qui ouvrent leur truffière à la visite et à la vente aux particuliers, ainsi que les restaurants qui proposent des menus à la truffe pendant la saison. A ne pas manquer, au nord du département, le centre d’interprétation de la truffe à la Maison de la Forêt de Leuglay, dans le Parc national de forêts où l'on peut visiter une exposition sur la truffe et une truffière pilote.

(**) Prochains marchés en Bourgogne contrôlés par le Syndicat des producteurs de truffe de Bourgogne : Clamecy (Nièvre) le 4 novembre et Vézelay (Yonne) le 12 novembre.

(***) L'Office de tourisme de la Communauté de communes des vallées de la Tille et de l’Ignon (Covati) organise des demi-journées découverte de la truffe de Bourgogne les samedis 28 octobre et 18 novembre, pour un groupe de 10 personnes minimum et 30 personnes maximum. Prix : 20 € par personne. Au programme : visite d'une truffière (se munir de bonnes chaussures et de bottes en cas de pluie), démonstration de cavage (recherche des truffes par un chien), puis en salle, présentation du produit avec des explications gastronomiques par la Confrérie de la truffe de Bourgogne et dégustation de deux mets truffés, accompagnés d'un verre de vin de Bourgogne.
Réservations auprès de l'Office de tourisme : 03 80 95 24 03 ou covati.tourisme@covati.fr

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Sur le marché d'Is-sur-Tille, le 14 octobre dernier, deux autres champignons cultivés localement étaient présentés au public : la pleurotte et le shiitake (un champignon asiatique) produits par Fabienne et Antoine Louet, agriculteurs à Tanay (Côte-d'Or). Ils espèrent ouvrir un point de vente à la ferme pour élargir leur clientèle de restaurateurs et particuliers sur commande. © Traces Ecrites

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