ÉCONOMIE MIXTE/FRANCHE-COMTÉ. Soixante ans après, la société d’économie mixte d’aménagement née dans les années 1960 pour bâtir les grands ensembles de Montbéliard et de Besançon, adapte ses métiers à l’évolution des besoins et des contraintes financières des collectivités locales et du cadre juridique des opérations d’aménagement.
Ces dernières années, la Sedia a rencontré une double concurrence devant laquelle elle a été amenée à ajuster ses métiers dans un plan stratégique 2018-2021 présenté hier à ses actionnaires et clients. Une augmentation du capital en fait partie.

Pour son 60ème anniversaire fêté mardi 10 juillet à La Rodia à Besançon, la société d’économie mixte (SEM) Sedia, ainsi rebaptisée l’an dernier après l’absorption de sa consoeur du Jura et de Haute-Saône, la Socad, s’est présentée à un exercice de totale transparence auprès de ses actionnaires, clients et partenaires.
Née en 1958 de l’initiative des collectivités locales du Doubs pour aménager des grands ensembles d’habitation – notamment Planoise à Besançon et La Petite Hollande à Montbéliard –, la SEM est depuis quelques années confrontée à une double concurrence dans son métier historique de l’aménagement qui impacte sa rentabilité.
L’une vient de ses propres rangs. En 2011, les collectivités locales du Doubs, ses actionnaires aux côtés de sociétés privées (*) ont saisi l’opportunité d’une disposition législative permettant d’accorder des concessions d’aménagement sans mise en concurrence, et créé la société publique locale (SPL) Territoire 25.
L’autre vient du privé avec lequel la SEM se trouve de plus en plus souvent en concurrence lors de consultations publiques de grosses opérations d'habitat. Comme par exemple, CM-CIC Aménagement Foncier, filiale du Crédit Mutuel, qui l’a emporté devant elle pour réaliser le quartier Vauban à Besançon.
Est intervenu en 2017, un autre facteur fragilisant : la fusion avec la Socad, l’outil d’économie mixte des départements voisins de la Haute-Saône et du Jura. Si l’absorption s’est répercutée négativement sur les résultats de 2017 (une perte de 625.000 € pour un chiffre d’affaires de 5,6 millions d’€), elle devrait être au contraire être avantageuse à moyen terme, comme l’ont exposé ses dirigeants Vincent Fuster, PDG et Bernard Bletton, directeur délégué en déployant le plan stratégique 2018-2021.
Sedia élargit sa zone d’intervention à un territoire de 15.500 km2 sur trois départements, comptant un million d’habitants et 50 intercommunalités : « un potentiel de villes moyennes qui ne disposent pas de moyens d’ingénierie et n’intéressent pas les grands acteurs privés et qui nous offre la capacité d’être à la fois aménageur et co-promoteur. »
La promotion, un tiers du chiffre d’affaires

Tandis que les opérations d’aménagement sont en nette diminution depuis 3 ans, surtout dans le Doubs, la promotion porte la croissance de la société représentant désormais un tiers du chiffre d’affaires. Dans ce domaine, les dirigeants de Sedia font le pari des besoins de revitalisation des centres-villes qui perdent commerces et résidents à cause d’une vétusté du bâti et de la progression des zones commerciales et des lotissements en périphérie.
« L’activité sur les centres-bourgs à laquelle nous allons affecter une équipe dédiée nous offre la possibilité de mettre en oeuvre tous nos métiers, d’ensemblier avec les études et le montage des opérations, d’aménageur de l’espace public et d’investisseur avec l’acquisition directe de patrimoine par le biais de partenariats ou de structures ad hoc à créer », explique Vincent Fuster.
La SEM veut surfer sur le projet de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, en ce moment en discussion au Sénat et qui déboucherait sur une fiscalité réduite des opérations de rénovation et de construction dans ces secteurs en déshérence.
Le plan stratégique 2018-2021 s’appuie aussi sur une activité de production de logements accessibles au plus grand nombre, dits logements abordables, sur laquelle Sedia s’est positionnée en 2013. Ainsi que sur un renforcement du métier historique de mandataire de collectivités locales pour des opérations publiques de construction, comme la rénovation des collèges pour les conseils départementaux et des lycées pour la Région.
Pour mener à bien cette diversification, Sedia se rapproche de partenaires aux compétences complémentaires et pour partager le risque : co-promotion de logements avec la promotion privée et les bailleurs sociaux, Sci de projets avec des établissements bancaires, vente de services intellectuels à d’autres sociétés d’économie mixte commel la jurassienne Expansion 39 ou opérations communes, par exemple avec la mulhousienne Citivia, création d’un GIE pour les fonctions support.

En septembre, le conseil d’administration est appelé à donner son accord à une augmentation de capital de 5,8 millions d’€ libéré sur trois ans, le portant à 15,7 millions. Les actionnaires du début invités à augmenter leur participation seront rejoints par tout ou partie des intercommunalités (EPCI) des trois départements.
« Cela nous donnera une capacité d’investissement d’une centaine de millions d’€, notamment pour des opérations à risques qui dégagent de la marge », précise Bernard Bletton. Ces perspectives de développement se concrétisent par une prévision de 7 millions d'€ de chiffre d’affaires en 2021 (5,6 millions en 2017, 65 salariés) avec un retour à l’équilibre dès cette année et un résultat net de 5% les années suivantes.
La Sedia en quelques dates
1958 : création de la SedD (société d’équipement du département du Doubs) pour accompagner les opérations de grands ensembles de Besançon et de Montbéliard.
1980 : développement du métier d’aménageur constructeur ensemblier pour mener des opérations de requalification urbaine : rénovation du quartier Battant à Besançon.
1990 : Ajout d’une activité d’ingénierie financière et juridique pour monter des projets complexes, comme La City (bureaux) et le Marché des Beaux-Arts (marché et cinéma) à Besançon. Début de l’aménagement de parcs d’activités économiques comme Temis et La Fayette, toujours à Besançon.
2000 : Partenariats avec des acteurs privés pour des opérations à risques : Passages Pasteur (centre commercial), ZAC de la Mouillière (logements) à Besançon.
2010 : lancement de l’immobilier d’entreprises, tertiaire et industriel, avec Aktya à Besançon et PMIE à Montbéliard qui représente un parc en gestion de 221.000 m2 en 2017. Développement de métiers connexes (parkings, réseaux de production d’énergie).

(*) Le capital de 9,9 millions d’€ est détenu par 27 actionnaires publics (dans l’ordre d’importance, Pays de Montbéliard Agglomération, le département du Doubs, la ville de Besançon, le Grand Besançon, le département du Jura, la ville de Montbéliard, le département de la Haute-Saône), et privés (par ordre décroissant aussi, la Caisse des Dépôts, la Caisse d’Épargne Bourgogne-Franche-Comté, le Crédit Agricole de Franche-Comté, la CCI du Doubs). L’actionnariat privé de 43% aujourd’hui sera porté à 45% lors que l’augmentation de capital à 15,6 millions d’€ qui sera engagée d’ici la fin de l’année 2018.