Le fabricant de montres Reparalux, plus connu sous le nom de la famille Humbert-Droz, et le fabricant helvétique d’ébauches La Joux-Perret s’associent pour fabriquer un mouvement suisse à Besançon. La coopération fait entrer dans le cercle, un autre industriel bisontin, Roland Bailly pour ses compétences en usinage et découpage de précision.


« Une entente » : c’est ainsi que Frédéric Humbert-Droz qui co-dirige la manufacture horlogère Reparalux à Besançon, avec son fils Julien, qualifie l’association qui vient de naître avec le fabricant suisse de mouvements, La Joux-Perret, et a été officialisée hier 21 décembre à Besançon.
Le premier est un petit poucet (9 salariés, chiffre d’affaires de 980.000 €) qui renoue depuis cinq ans avec le savoir-faire familial – Julien Humbert-Droz est la 5e génération – avec sa marque de montres HD dont le 10e modèle est sorti en novembre et la version féminine (LOU HD) a été mise en précommande pour Noël.

La Joux-Perret est une filiale du japonais Citizen (110 salariés) qui fabrique à La Chaux-de-Fonds (dans le canton du Jura Suisse) ses propres mouvements mécaniques et maintenant automatiques, qu’il fournit aux marques de luxe suisse.


besançon


L’histoire ainsi résumée pourrait faire penser au pot de terre contre le pot de fer. Julien Humbert-Droz, sûrement grâce à la fougue de sa jeunesse – il a une trentaine d’années – ne l’a pas vu ainsi. Démarché par La Joux-Perret dans le but de lui vendre pour sa collection HD, l’un des ses derniers mouvements au standard industriel, le jeune entrepreneur a dit banco. A une condition, que son équipe assemble le mouvement à Besançon.

L’idée de pouvoir apposer sur ses collections un « made in France » qui a le vent en poupe n’a pas été sa motivation, raconte t-il. Il présente cette association comme une « passerelle » entre les horlogers des deux côtés de la frontière franco-suisse tout juste un an après l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco du savoir-faire horloger du berceau de l’horlogerie. Une sorte de réconciliation entre Bisontins et Suisses.

Mais surtout la petite entreprise se donne la possibilité de doper son activité horlogère aujourd'hui à 70% consacrée au  SAV pour toutes marques de montres. Elle recevra les ébauches – l’ensemble des composants d’un mouvement – en kit et les assemblera dans son atelier, y compris le collage du spirale, organe principal et délicat d’un mouvement automatique. Ses besoins s’élèvent à 500 unités par an. Insuffisant en terme de rentabilité. « Il fallait un certain nombre de mouvements par an pendant 4 à 5 ans », précise Julien Humbert-Droz. 



entente
Les membres de « l’entente » franco-suisse. De d. à g. : Frédéric Humbert-Droz, co-gérant de Réparalux avec son fils Julien (à ses côtés), Jean-Jacques Weber, président de la Fédération française d’horlogerie, Jean-Claude Eggen, directeur de Lajoux-Perret, Alain Marhic, directeur de la marque March Lab et Jean Humbert-Droz qui était encore opérationnel avant la Covid. © Laurent Cheviet


C’est alors qu’un autre intervenant apporte de l’huile dans les rouages, MARCH LA.B, à Paris dont les besoins se chiffrent entre 2.000 et 3.000 mouvements par an.
« Nous avons la volonté de faire le plus possible en France pour monter en gamme », explique Alain Marhic, co-dirigeant de la manufacture de montres.  D’autres marques sont les bienvenues et même souhaitées. Philippe Lebru, l’horloger d’Utinam, dit en avoir commandé 287 pour une nouvelle collection de montres.


Lajoux-Perret vise davantage l’Europe que la Chine

reparaluxsav
70% de l’activité de Reparalux provient aujourd’hui du SAV pour toutes marques de montres. © Laurent Cheviet


Le mouvement en question, un automatique pour une montre à trois aiguilles baptisé G 100 est né pendant le premier confinement chez Lajoux-Perret. « Notre organisation verticale, du bureau d’étude au SAV en passant par toutes les étapes de fabrication des composants, nous permet d’être flexible et rapide pour des commandes personnalisées ; elle est de surcroît tout à fait adaptée à un calibre standard industriel à un prix de revient autour de 110 francs suisses (environ 100 €), » expose Jean-Claude Eggen, directeur de Lajoux-Perret. Le mouvement automatique est doté d’une réserve de marche de 68 heures, c’est-à-dire que le mécanisme fonctionne sans être remonté pendant cette durée. 





bpbfc

Autre atout que précise le directeur de Lajoux-Perret :  il s’adapte au calibre 2824, autre format le plus vendu en Suisse. La manufacture helvétique en a déjà vendu 50.000 en 2021 et vise un volume de 200.000 unités par an « pour maintenir un coût bas. » Reparalux, par cette expérience dite aujourd’hui unique, lui offre une belle tête de pont pour commercialiser ce nouveau mouvement en France, mais aussi en Italie et en Allemagne. Des marchés auxquels  l’horloger suisse donne sa préférence. « S’il en était autrement, je pourrai sans difficulté  tous les vendre en Chine », précise Jean-Claude Eggen.

 

collage
L’horloger référent de Lajoux-Perret vient chaque semaine chez Reparalux pour former des horlogers bisontins. Ici, en plein travail avec un petit bijou, dit-il, une machine de collage Leica. © Laurent Cheviet

La coopération fait entrer un autre industriel bisontin dans le cercle, Roland Bailly. Ses compétences en usinage et découpage de précision l’amèneront à personnaliser la masse (le rotor visible) des montres avec des décors, voire des couleurs.

Ce bel hymne au calibre suisse signe t-il l’enterrement du mouvement français tant rêvé et peu ressuscité des horlogers bisontins ? « Pour l’heure, il est impossible d’obtenir tous les composants d’une montre d’origine France », affirme Julien Humbert-Droz qui ne s’interdit pas un jour de s’approvisionner dans l’hexagone, pour quelques éléments. Dan l'espoir d'un label franco-suisse à inventer...

Commentez !

Combien font "2 plus 5" ?