Le numéro un français des concepteurs et fabricants d’ingrédients de meunerie et de panification devrait être cédé dans les prochains mois à Naxicap Partners (groupe BPCE), dans le cadre d’une acquisition avec effet de levier (LMBO) au profit de plusieurs cadres de l’entreprise. Valorisée 207 millions d’€, soit presque le double de son dernier chiffre d’affaires annuel connu, Eurogerm, cotée en bourse depuis 2007, est une véritable pépite pour son savoir-faire auprès des meuniers et boulangers, mais aussi par la personnalité assez charismatique de son dirigeant fondateur.
ARTICLE PUBLIÉ LE 19 JANVIER 2021. L’annonce de la mise en vente de la société dijonnaise Eurogerm par Jean-Philippe Girard, son fondateur en 1989 et son PDG depuis, en a surpris plus d’un ce lundi matin 18 janvier. Actionnaire majoritaire au sein de sa holding de contrôle baptisée Mobago, le dirigeant entre en négociation exclusive avec Naxicap Partners, société de capital investissement spécialisée dans le financement des PME et ETI et affiliée au groupe BPCE, pour Banque Populaire et Caisse d’Epargne. Elle revendique pas moins de 3,5 milliards d’€ de capitaux sous gestion.
Naxicap Partners veut racheter le numéro un français des correcteurs de meunerie et améliorants de panification dans le cadre d’un LMBO, soit une acquisition avec effet de levier, pour le compte de plusieurs cadres de l’entreprise appelés à devenir dans un premier temps des actionnaires minoritaires (une grosse quinzaine). Le montant de la transaction s’opérera à 47,97 € l’action, représentant une prime de 42,77%, soit une valorisation à hauteur de 207 millions d’€.

On peut aisément comprendre le montage financier fait au profit des cadres qui n’ont pas les moyens de payer cash un tel montant. Naxicap Partners, par le biais d’une société holding spécialement constituée (une NewCo qui porte la dette), les accompagnera un certain nombre d’années dans leur prise de contrôle progressif et se remboursera, selon des modalités à définir, sur les bénéficies futurs de l’entreprise.
Il faut rappeler qu’Eurogerm, qui emploie 500 personnes dans le monde, via un réseau d’une quinzaine de filiales de production comme de commercialisation, est une société très rentable. Pour son exercice 2019, elle affichait pas moins de 7 millions de résultat net, en hausse de près de 3%.
Départ du bras droit, Benoît Huvet
A fin juin 2020, au début de la crise sanitaire, si le chiffre d’affaires se rétractait légèrement de 1,3%, à 53,6 millions d’€, en raison de taux de change défavorable, le résultat d’exploitation de 3,8 millions progressait de 5% et le bénéfice de 8,7% (2,6 millions). L’international, cheval de bataille de Jean-Philippe Girard avec l’innovation, portait la croissance (+4% et 65% de l’activité globale). Eurogerm n’avait en outre aucun souci financier avec une trésorerie nette confortablement garnie à 17,9 millions d'€.
Cotée depuis 2007 à la Bourse de Paris, le succès final de la transaction passera par une offre publique d’achat simplifiée (OPAS), des actions détenues sur la marché boursier, autrement baptisé flottant (14,69%). Il prendra aussi la voie du rachat d’autres actions détenues par le groupe japonais Nisshin Seifun (14,69%), avec lequel naguère une co-entreprise avait été montée, ainsi que le Crédit Mutuel (8,36%) par de biais de structures de capital risque.

Des cadres, parmi lesquel Benoît Huvet, cèderont aussi leur participation actuelle de moins d’1,3% au total. Directeur général délégué, ce dernier âgé de 60 ans et d’une discrétion confinant au secret d’Etat, a compris sans doute qu’on ne pouvait plus être en ayant été. Précisons également qu’au sein de la holding Mobago, Jean-Philippe Girard a comme partenaire Unigrains (33,3%), investisseur français associant les producteurs de céréales pour accompagner les projets de filières.
« Réinjecter de l’audace »
Le pourquoi d’une telle décision de cession obéit chez Jean-Philippe Girard à l’envie exprimée par ses cadres de monter un projet « fort » au sein d’Eurogerm. « Quel meilleur moyen de leur transmettre pour qu’il réinjectent de l’audace, car celle de mes 61 ans n’est plus la même que lorsque j’ai créé l’entreprise à 31 ans », explique le dirigeant, levé tous les jours à cinq heures du matin.
En outre, pas question pour lui céder à un étranger ni à un grand groupe industriel, dont certains étaient plus qu’intéressés. « Il y a toujours un risque de restructuration à moyen terme », glisse-t-il sans avouer que ces grands groupes l’ont beaucoup contrarié dans ses projets lorsqu’il était le président de l’Association Nationale des Industries Agroalimentaire (ANIA) de 2013 à 2018.

Ce jurassien, né à Morbier (Jura) et papa de deux enfants, qui ne mettront pas leurs pas dans les siens, est un entrepreneur dans l’âme. Lorsqu’il commence son parcours professionnel, ses 20 ans très légèrement dépassés, il devient laborantin aux Grandes Minoteries Dijonnaises, aujourd'hui filiale du groupe coopératif Dijon Céréales. Il rejoint ensuite un moulin de Brienne-le-Château, dans l'Aube, puis intègre la société troyenne Inter-Farine pour s’occuper notamment d’export.
Formé au monde de la meunerie et de son débouché naturel, la panification, il crée Eurogerm en mars 1989 et en fait le numéro 1 français, très présent à l’international avec des ingrédients qui améliorent la qualité des farines et des pains, en matière de croustillance, de goût, de moelleux comme de fraîcheur.
Investisseur aussi, cet homme très tourné vers les autres et notamment les jeunes, goûte à l’immobilier et prend des participations dans des entreprises avec la société Rubis Capital. La Banque avait voulu le débaucher au moment de sa présidence de la Fédération Nationale des Banques Populaires entre 2008 et 2010.
Impliqué pour le monde agroalimentaire, il préside le comité stratégique national filière alimentaire (2016-2018), le SIAL Network ( 2013-2018) et l’ANIA (Association Nationale des Industries Agroalimentaire) de 2013 à 2018, où certains grands groupes n’ont cessé de lui pourrir la vie, lui représentant des PME. Ex-membre du comité exécutif du Medef, dont il reste proche, Jean-Philippe Girard veut aussi participer au développement de sa région avec le Cercle Entrepreneurs et Territoires né à son initiative en 2014, un club de réflexion qui entend réconcilier l’urbain et la ruralité. Plusieurs présidents de la République lui ont prêté une oreille attentive, tout spécialement Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron comme le montre la photo ci-dessus.