Cette société d’ingénierie d’origine suisse souhaite transformer en projet industriel le fruit de ses recherches sur la valorisation des parties les moins protéinées du maïs, dans diverses applications de la construction et de l’industrie. Si elle mène à bien ce projet, elle investirait entre 80 et 100 millions d’euros et créerait jusqu’à 100 emplois directs et indirects à Ottmarsheim.
Le maïs alsacien va-t-il bientôt isoler des bâtiments, emballer des produits ou mouler des pièces automobiles ? Telle est l’ambition de la société d’ingénierie suisse Igenium. La feuille de route qu’elle s’est fixée prévoit, à l’horizon 2030, la mise en service d’une unité de production.
« Celle-ci créerait 50 emplois directs, et entre 70 et 100 en incluant les effectifs indirects. L’investissement nécessaire serait compris entre 80 et 100 millions d’euros », précise Tristan Oguz, dirigeant de la société. Cette unité de production serait située en Alsace, où pousse le maïs, dans le sud de la région. La filiale française, Igenium SAS, installée au pôle Km0 de l’industrie et du numérique à Mulhouse, a réservé 6 hectares à Ottmarsheim (Haut-Rhin) sur un terrain appartenant au syndicat mixte ouvert (SMO) des ports de Mulhouse-Sud-Alsace, l'autorité concédante de l'infrastructure exploitée par la société Eurorheinports, et propriétaire de fonciers encore généreux pour l'industrie (*). Igenium souhaite y construire cet atelier devant prendre le relais d’un pilote industriel prévu pour mi-2025 à Huningue.
Le projet bénéficie également du soutien du Village by CA Mulhouse, l'incubateur d'entreprises innovantes implanté au Km0, qui l'héberge ce titre et l'aide à accélérer son développement. L’investisseur entend capitaliser sur un projet d’économie circulaire et sur sa maîtrise des procédés de production dans l’agroalimentaire. Igenium se présente en effet comme un spécialiste de l’ingénierie de cette filière, où il est actif depuis plusieurs années depuis son siège de Zurich.
« Ce nouveau projet technologique vise à valoriser la partie la moins protéinée du maïs (celle qui est la moins apte à l’alimentation humaine et animale) en transformant l’amidon et en trouvant une alternative à l’élimination en fin de cycle par méthanisation », explique Tristan Oguz. Le processus aboutit à produire un maïs expansé, d’où le nom du projet, Xpand, qui sera également celui de la société porteuse du projet. Expansé, comme l’une des formes du polystyrène, la principale matière d’origine fossile qu’Igenium cherche à remplacer. « L’objectif consiste à concevoir un matériau compétitif en termes de coût par rapport au polystyrène », ajoute Tristan Oguz. La société souhaite également concurrencer le polyuréthane, les laines minérales (de verre, de roche), ainsi que des matériaux biosourcés comme la laine et la fibre de bois, ou encore le liège expansé.
Cette future gamme de matériaux pourra trouver divers débouchés : l’isolation thermique et acoustique dans la construction, la fabrication de chapes légères et de panneaux sandwich, ainsi que des rupteurs thermiques et entrevous, actuellement en cours de développement avec un industriel local ; dans l’automobile, pour l’isolation phonique des véhicules ou le moulage de pièces ; dans la fabrication de meubles de cuisine et de dressings, notamment pour remplacer les colles et le contreplaqué émettant des composés organiques volatils (COV) ; ou encore dans l’emballage, les pots de plantes, etc.
Dans l’usine finale, Xpand vise une première cadence de production de 2,5 tonnes par heure, soit environ 20.000 tonnes par an, avec la possibilité de doubler cette capacité à l’occasion de l’implantation d’une seconde ligne d’expansion. Le pilote de Huningue sera, quant à lui, capable de produire initialement 500 kg par heure, et il devrait multiplier cette production par deux dès 2026.
Une levée de fonds pour le financement

La maturation du projet nécessite de travailler sur plusieurs aspects : technologiques, avec la poursuite des recherches en interne et en collaboration avec des laboratoires extérieurs ; économiques, afin de consolider les études de marché ; et bien sûr financiers. Igenium lancera dans les prochaines semaines un appel à une levée de fonds afin de contribuer à l’investissement nécessaire à la ligne pilote prévue pour 2025, représentant un montant de 7,8 millions d’euros. Dans les phases préalables de recherche et développement, la société a déjà investi plus de 500.000 euros.
Pour convaincre, le porteur du projet met en avant plusieurs arguments environnementaux. Alternative aux matières fossiles, la transformation du maïs s’inscrirait dans une logique de circuit court grâce à sa collecte auprès des exploitations alsaciennes. « Nous pourrions ainsi réduire l’exportation des excédents de maïs à grain, qui représentent 6 millions de tonnes expédiées hors des frontières pour 15 millions de tonnes utilisées en France », souligne Tristan Oguz.
Le recours à la méthanisation serait également limité, et le procédé est présenté comme étant peu émissif en carbone : « Il nécessite une montée en température à 280°C, contre 1.400°C pour les matières vierges que nous comptons remplacer », détaille le président d’Igenium SAS. Le recyclage du maïs permettrait de boucler la boucle dans une logique d’économie circulaire.

L’intérêt d’un tel projet ne repose pas uniquement sur Igenium. L’objectif est d’impliquer une poignée d’industriels visionnaires français dans cette transformation, qui pourrait alors servir leurs intérêts en améliorant ou en remplaçant durablement certains de leurs produits actuels. Le terrain d'accueil projette d'ailleurs la construction de quatre bâtiments, de sorte à pouvoir accueillir ces partenaires dans l'esprit d'un partage de savoir-faire en un même lieu.
Les jeux ne sont pas encore faits, mais la partie est lancée. Igenium garde d'autres atouts en main concernant la localisation de son usine potentielle d’ici la fin de la décennie. La Suisse, qui ne produit pas de maïs, ne serait pas une option. En revanche, « l’autre côté du Rhin », autrement dit la rive allemande, reste une piste sérieuse si l'hypothèse du Sud-Alsace n’aboutissait pas.
(*) Le SMO a par ailleurs signé début août avec Microsoft la promesse de vente du terrain de 35 hectares que le géant de la tech prévoit d'occuper sur le territoire de la commune de Petit-Landau (Haut-Rhin) pour un datacenter et centre d'intelligence artificielle de dimension européenne à l'horizon 2027, dont l'investissement total doit dépasser 2 milliards d'euros, pour 200 emplois annoncés.


















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