TOURISME/BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ. Le bilan du débat public autour des projets de villages de vacances Center Parcs en Saône-et-Loire et dans le Jura a été rendu public le 3 novembre.

Pierre et Vacances, son promoteur, a donc trois mois pour rendre sa décision, au plus tard début février 2016, de réaliser les deux projets ou l'un ou l'autre.

Résumé des arguments des partisans et des opposants.

 

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Le financement de l'espace aqualudique (ici, celui du Domaine des Trois Forêts en Moselle) a été l'un des sujets les plus discutés. ©Pierre et Vacances.

 

Pierre et Vacances a fait intervenir la commission nationale du débat public pour voir plus clair sur ses deux projets de villages de vacances Center Parcs sur les communes du Rousset, en Saône-et-Loire et de Poligny dans le Jura.

Une procédure lourde et coûteuse à laquelle l’opérateur touristique pouvait se soustraire, mais qu’il a choisi en raison de la forte contestation sur ces deux implantations, distantes l’une de l’autre de 150 km et en tout point identiques.

 

Chacun des sites serait composé de 400 cottages d’une surface moyenne de 70 m2 chacun, soit environ 28 000 m2 répartis en trois ou quatre hameaux, et d’un espace aqualudique « Aqua Mundo ». Et estimé à 170 millions d’€ HT : 104 millions au titre des bâtiments d’hébergement et des infrastructures intérieures au site, et 66 millions d’équipements collectifs regroupant l’espace aquatique, les commerces et les restaurants. À ce montant s’ajoutent 11,7 millions d’€ pour les réseaux de gaz, eau, électricité, etc. à réaliser sur le territoire des communes.

 

Clivage très marqué entre opposants et partisans

 

Le bilan de la commission nationale du débat public a précisément identifié les citoyens hostiles au projet, très présents pendant le débat, intervenus à titre individuel ou regroupés autour d’associations de protection de l’environnement et de deux regroupements, le collectif Le Geai du Rousset en Saône-et-Loire et Le Pic Noir, dans le Jura. Ils ont été soutenus par certains mouvements écologistes, notamment le groupe Europe Écologie Les Verts (EELV) du conseil régional de Bourgogne et du conseil régional de Franche-Comté

 

Dans le Jura, certains mouvements professionnels comme l’association d’entrepreneurs Initiative Développement Jura ont dit leur opposition au projet ainsi que certaines formations politiques de gauche, notamment le Parti de Gauche.

 

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Dans le camp des défenseurs du projet, on compte la très grande majorité des élus locaux, les représentants des chambres consulaires (CCI de Saône-et-Loire et du Jura) et organisations professionnelles, notamment la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles), la CAPEB (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment), la Fédération du bâtiment et des travaux publics et la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises

 

En Bourgogne comme Franche-Comté, les deux camps sont restés cantonnés sur leur position tout au long du débat qui a duré du 20 avril au 4 septembre dernier. « Un projet délirant », « Hallucinant », « enclos à touristes », pour les uns ; « Un projet magique, inespéré » pour les autres.

 

Création d’emplois et retombées économiques

 

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Les opposants au projet ont été très mobilisés ; ils poursuivent par une pétition associée au projet de Roybon, en Isère. ici, au Rousset le 4 septembre dernier. ©Traces Ecrites.

 

L'emploi fut l’argument majeur des élus et des défenseurs du projet, en particulier en Saône-et-Loire sur un territoire qui connaît un taux de chômage élevé.

 

En phase de chantier, Pierre et Vacances annonce de 250 à 500 emplois, principalement salariés d’entreprises locales pendant deux ans environ. En phase d‘exploitation, chaque projet génèrerait environ 300 emplois directs dont 85 % en CDI, 15 % en CDD et 60 % à temps plein. Le maître d’ouvrage a également énuméré les retombées fiscales : les taxes d’urbanisme (1 300 000 € lors de la construction, par site), la contribution économique territoriale (500 000 € par an), les taxes foncières (200 000 € par an) et la taxe de séjour à définir avec les collectivités (estimée à 250 000 € par an). 

 

Les opposants ont dénoncé « le chantage à l’emploi », critiqué d’une part le caractère peu motivant des emplois, et d’autre part le temps « très partiel » d’un grand nombre d’entre eux.

 

Ecole des vins

 

Lors de la réunion de restitution du débat le 4 septembre dernier, le maître d’ouvrage s’est engagé à « un cahier des charges contraignant et exigeant en matière d’achats locaux, valorisant les circuits courts et avec des objectifs imposés d’achats de produits régionaux », que la restauration soit externalisée ou assurée en régie.

 

La Chambre d’agriculture et les Jeunes agriculteurs, ainsi que des organisations professionnelles de vignerons, ont marqué leur attachement au projet, mais attendent que le maître d’ouvrage s’appuie sur les ressources locales, produits viticoles et agricoles, I’utilisation du bois d’œuvre, du bois énergie, ou encore de I’agroforesterie.

 

La filière bois dit aussi « attendre beaucoup » de l’arrivée du Center Parcs, aussi bien pour la construction des 400 cottages, essentiellement en bois, que pour les besoins en chauffage des équipements.

 

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Le montage financier, gros point de discorde

 

Les équipements et en particulier l’espace aqualudique seraient achetés par Pierre et Vacances dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) par une société d’économie mixte (SEM) dont les deux conseils régionaux et les conseils  départementaux seraient les principaux actionnaires.

 

L’idée de cette SEM a même évolué à une échelle interrégionale en perspective de la future grande région Bourgogne Franche-Comté. La caisse des dépôts ainsi que des banques privées sont invitées à rejoindre les collectivités locales pour porter l’investissement qui s’élève à 66 millions d’€ par site.  L’exploitation serait assurée par Pierre & Vacances Center Parcs moyennant un loyer dans le cadre de baux passés avec la SEM.

 

L’implication financière des collectivités publiques dans un projet privé a fait débat.

 

« Quelle légitimité les collectivités publiques ont-elles à s’endetter pour soutenir le projet d’une entreprise qui perd de l’argent depuis plusieurs années et qui est connue pour faire supporter son développement par l’argent public ? ». Cette question résume, à elle seule, les principales préoccupations du public et argument des opposants, rapporte le président de la commission nationale de débat public, Christian Leyrit.

 

Les représentants des collectivités territoriales ont insisté sur le caractère d’investissement et non de « cadeau » ou de « subvention » que représenterait leur participation à ce projet et précisé que les fonds propres mobilisés se limiteraient à 16 millions d’€.

 

Le maître d’ouvrage a rappelé qu’il assumerait seul le risque commercial, les loyers devant être versés à la SEM étant garantis pendant 20 ans.

 

L’aspect environnemental plus sensible dans le Jura

 

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Le site du projet de Poligny, dans le Jura. ©Pierre et Vacances.

 

Moins débattu en Saône-et-Loire, l’impact environnemental a été au cœur du débat dans le Jura. En plus de l’implantation dans une forêt, le public s’est interrogé sur la pollution possible de l’eau et l’importance du prélèvement (près de 500 m3 d’eau par jour) sur la ressource, en particulier à cause des sous-sols karstiques, vulnérables. Le maître d’ouvrage a évoqué un éventuel recours à une solution technique excluant tout rejet des eaux de piscine en milieu karstique.

 

Les citoyens ont également interrogé le maître d’ouvrage sur les choix qu’il comptait prendre en matière de traitement des eaux usées. Car aucun équipement proche ne permettrait aujourd’hui de traiter les effluents du Center Parcs évalués à ceux de 3 500 équivalents habitants. Deux solutions possible : la construction de deux nouvelles stations d’épuration, à Plasne et à Poligny, ou d’une plus grosse à Poligny.

 

A lui seul, le concept d’espace aqualudique chauffé à 29 degrés toute l’année, est perçu par les opposants par une hérésie dans le contexte du réchauffement climatique.

 

Décision au plus tard le 3 février 2016

 

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Localisation du site du Rousset. ©Pierre et Vacances.

 

A l’issue des réunions publiques, le maître d’ouvrage a fait quelques concessions. Il renonce à toute extension ultérieure, comme ce fut le cas pour le Center Parcs du Domaine des Trois Forêts en Moselle, construit en 2010 et agrandi en 2012. Et dans le Jura, de 150 hectares de forêt envisagés à l’achat avant le débat, Pierre & Vacances a annoncé une réduction à 80 à 100 hectares.

 

Ce débat a mobilisé près de 2000 participants, sans compter les ateliers thématiques, réussissant un cercle plus restreint, les 10 000 visiteurs uniques sur le site Internet du débat, les 350 avis, 26 cahiers d’acteurs et 32 contributions le maître d’ouvrage a fait quelques concessions.

 

Le bilan de la concertation ayant été rendue publique le 3 novembre dernier, Pierre et Vacances a maintenant trois mois pour prendre une décision, réaliser les deux projets ou l’un ou l’autre, comme il en avait l’intention en mettant les deux sites en concurrence en décembre 2013.

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