TOURISME/BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ. Le débat public sur les projets de Center Parcs en Saône-et-Loire et dans le Jura est achevé.

Pierre et Vacances, le maître d’ouvrage, prendra sa décision à la fin de l’année.

Pro et anti Center Parcs confrontent deux conceptions du tourisme.

 

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La plage du lac du Rousset, en ce début septembre, près duquel Pierre et Vacances souhaite implanter un complexe touristique de 400 cottages. ©Traces Ecrites.

 

En vain. Les pro et les anti Center Parcs du Rousset (Saône-et-Loire) se sont affrontés jusqu’au bout du débat public, dont la clôture a eu lieu vendredi dernier, à Marizy, dans le Charolais, à quelques kilomètres de l’étang du Rousset où Pierre et Vacances veut implanter un complexe touristique de 400 cottages.

 

Claude Brévan, présidente de la commission particulière du débat public (*) en fait le constat dans ses conclusions : « Durant les quatre mois et demi de débats, souvent passionnés, deux groupes aux positions peu nuancées, se sont affrontés : les pour, élus et institutions, et les contre, associations et regroupements de personnes ».

 

Les partisans soutiennent le projet avec les arguments des retombées économiques estimées à 4 à 5 millions d’€ par le maître d’ouvrage, et de l’emploi : 300 directs dont 85% en CDI en phase d’exploitation et 250 à 300 emplois pendant les travaux, selon le maître d'ouvrage.

 

Tandis que les opposants réunis au sein du collectif Geai du Rousset refusent un projet qu’ils qualifient de « hors sol », sans retombées sur l’économie locale et avec un fort impact environnemental pour un village de 250 habitants.

 

Plus largement, ce sont deux conceptions du tourisme qui s’affrontent : un tourisme de masse incarné par un projet d'une taille minima pour qu’il trouve son équilibre financier, et un tourisme diffus, issu d’initiatives individuelles.

 

La réponse des opposants à la question, « et si Pierre et Vacances revoyait son projet par exemple en divisant le nombre de cottages par deux, reverriez-vous votre point de vue ? », est sans appel : « d’abord, il ne serait pas rentable, ensuite le projet est aux antipodes d’un écotourisme responsable ».

 

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Déploiement de banderolles des opposants du projet, à l'ouverture de la réunion à Marizy, le 4 septembre dernier. Traces Ecrites.

 

Dans ce contexte, on peut se demander si la lourde organisation d’un débat public (une douzaine de réunions et ateliers, un site internet de recueil des avis, des cahiers d’acteurs…) était opportune pour Pierre et Vacances qui utilisait cette méthode pour la première fois, à la fois pour le projet de Saône-et-Loire et son frère jumeau de Poligny, dans le Jura.

 

Ce choix a été motivé par « l’hostilité » manifestée dès l’annonce des deux projets et leur « complémentarité », « le Center Parcs du Rousset ciblant les familles avec de jeunes enfants, celui de Poligny, avec adolescents », indique Jean-Michel Klotz, directeur général adjoint chargé du développement chez Pierre et Vacances.

 

La procédure donne en fait au maître d’ouvrage une photographie assez précise du contexte, avant de boucler les études techniques pour l’enquête publique dont seules, les conclusions du commissaire enquêteur pourront déboucher sur une autorisation administrative.

 

L’ADN du concept de Center Parc

 

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L’espace aquatique couvert chauffé à 29°C toute l’année, incompatible selon les opposants avec la loi sur la transition énergétique. ©Pierre et Vacances.

 

Vendredi soir, le promoteur a donné devant une salle comble, les dernières précisions sur plusieurs points qui achoppent, auprès des opposants organisés, mais aussi dans l’esprit du grand public.

 

En premier lieu, l’espace aquatique couvert chauffé à 29°C toute l’année, incompatible selon les opposants avec la loi sur la transition énergétique. « C’est une véritable serre tropicale qu’il sera d’ailleurs plus énergivore de refroidir en plein été que de chauffer en hiver ; autant installer une piste de ski », ironise le collectif.

 

Pas question de le supprimer, répond Pierre et Vacances. « C’est l’ADN du concept de Center Parc », défend Jean-Michel Klotz qui promet de faire de la maîtrise de l’énergie « un axe prioritaire du projet, de sa conception à la gestion » : mesures d’isolation, récupération de chaleur, stockage de l’eau des bassins extérieurs la nuit, déshumidification, panneaux solaires, chaufferie bois, etc.

 

Secondo, le montage financier jugé « relativement complexe » par la présidente de la commission particulière du débat public.

 

Pierre et Vacances achète les 86 ha de terrains (principalement une forêt d’exploitation de conifères) nécessaires à la construction des 400 cottages et d’un pôle de loisirs de 12 000 m2, que le groupe cède en vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) à d'autres investisseurs en contrepartie de loyers annuels forfaitaires sur une durée déterminée.

 

Investisseurs publics et privés

 

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Les partisans du projet, pour la plupart des conseillers municipaux et des habitants des villages du canton, avaient arboré un T-shirt vert pour la dernière réunion du débat public. ©Traces Ecrites.

 

Les hébergements sont achetés par des investisseurs privés, soit des particuliers qui défiscalisent, soit des sociétés, majoritairement des compagnies d’assurance.

 

Les équipements de loisirs, notamment l’espace aquatique, sont financés par les collectivités locales.

 

Selon un protocole d’accord signé en juillet 2014, ces derniers seront vendus au prix de 66 millions d’€ HT (indice du coût de la construction mars 2014), à une société d’économie mixte (Sem) qui aura pour actionnaire le conseil régional de Bourgogne (pour 8 millions) et le conseil départemental de Saône-et-Loire (pour 7 millions).

 

Cette acquisition se fera sous réserve de l’obtention de compléments de financements (répartis entre fonds propres provenant d’autres partenaires notamment privés, quasi fonds propres, apports obligataires, crédits bancaires et éventuelles subventions de tiers).

 

La Sem louera les équipements pendant au moins 12 ans, à une société filiale de Pierre et Vacances SA, moyennant un loyer annuel, de 2,9 millions d’€ HT la 1ère année d’exploitation, pour augmenter progressivement à 4,2 millions la 5ème année. Il est également prévu une clause d’intéressement, au bénéficie de la Sem, calculée sur le chiffre d’affaires du Center Parcs.

 

Les collectivités (principalement le conseil départemental) financeront également les travaux de réseaux (routes, assainissement, gaz, électricité, eau, téléphonie, fibre optique) estimés à 5 millions d’€. En retour, déclare Pierre et Vacances, les collectivités locales bénéficieront de retombées fiscales évaluées à un million d’€ par an et le tissu économique local d’un potentiel de 4 à 5 millions d’€ d’achats.

 

Décision en fin d’année

 

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Ce à quoi pourraient ressembler les hébergements au Rousset ou à Poligny. Ici, le Center Parcs de la Vienne, le dernier ouvert en juin 2015. ©Pierre et Vacances.

 

Le même schéma de financement est reproduit pour le projet de Poligny  avec les collectivités de Franche-Comté et du Jura.

 

Quant à l’emploi, il est jugé beaucoup trop précaire par les opposants et Pierre et Vacances ne le dément pas : « les personnes à temps partiel ne perdront pas le bénéfice du RSA (revenu de solidarité active) lorsque leur salaire sera inférieur à celui ».

 

Le centre emploiera 300 personnes correspondant à 220 équivalents temps pleins. Heureux de cette manne inattendue dans un secteur fortement touché par le chômage, élus et représentants du monde économique veulent rassurer.

 

« La CCI saura se mobiliser pour satisfaire la demande d’emploi et veillera à ce que les entreprises locales puissent bénéficier des retombées économiques, tant pendant les travaux que pendant l’exploitation », promet Bernard Echalier, président de la CCI Saône-et-Loire. 

 

Mais il est encore beaucoup trop tôt pour actionner cet accompagnement. Le promoteur dira en fin d’année s’il décide de poursuivre ou non les deux projets, voire l'un ou l'autre.

 

Les enquêtes publiques se dérouleraient alors courant 2016 dans la perspective de démarrer les travaux courant 2017 et d’ouvrir les résidences de tourisme pour l’été 2019.

 

D’ici là, les opposants promettent de ne pas rester les bras croisés. Le débat public terminé, les collectifs Geai du Rousset et Pic Noir de Poligny  vont prendre le relais des réunions publiques « pour un information complète (…) car trop de questions sont restées sans réponse » et exposeront leur solutions alternatives.

 

Eclairage de l’Insee sur le Center Parcs de Lorraine

Selon une étude de l’Insee (avril 2011) sur l’implantation en 2010 du Center Parcs du Domaine des Trois forêts en Moselle (Lorraine), beaucoup plus vaste (435 ha, 954 cottages, 470 équivalents temps pleins), le groupe Pierre et Vacances n’a déboursé que 25% des 280 millions d’€ qu’a coûté le projet. Le conseil général de Lorraine a financé les infrastructures pour 30 millions d’€.

Les ¾ des emplois sont dans la restauration et le ménage. 60% des 600 salariés touchent le smic horaire, dont près de la moitié seulement 319 € par mois, du fait d’un contrat de travail hebdomadaire de 9 heures, d’agent technique de nettoyage.

L’Insee dénombre une trentaine d’emplois générés par l’activité du domaine, et plus de 90 emplois par la consommation de ses salariés.

Les collectivités perçoivent près de 2 millions de taxes par an et les retombées économiques locales sont évaluées à environ 19 millions d’€.

 

(*) Autorité administrative créée en 1995 par la loi Barnier sur la protection de l'environnement dont le rôle est de veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement qui ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire.

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