Le sentier de randonnée Bibracte-Alésia, le GR13, mais aussi des itinéraires plus locaux et souvent peu connus, permettent de cheminer et de découvrir paysages et endroits insolites du Morvan, dont nous proposons une sélection en compagnie de deux guides de l’association Guides en Morvan, Hubert Brochot et le plus morvandiau des Australiens, Rob Urie.

 

Comment reconnaître, en forêt de résineux, un douglas, d’un épicéa ou d’un sapin ? Hubert Brochot n’a pas son pareil pour montrer la différence entre ces trois arbres. « Doux comme douglas lorsque l’on caresse ses épines qui sentent la citronnelle, piquantes comme celles de l’épicéa, et blanches en-dessous par deux traits pour caractériser le sapin », égrène notre guide botaniste émérite.

 

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Chemin faisant, ses pas conduisent aux sources de l’Yonne. Le pluriel ici s’impose tant la fracturation du sol en fait jaillir plusieurs. Dans ce lieu de culte remontant à l'Antiquité, plusieurs vestiges de temples gallo-romains (fana) laissent supposer qu’une agglomération non fortifiée existait alentour sur une centaine d’hectares. Elle fut vraisemblablement un faubourg de Bibracte, la capitale du peuple Eduens qui vivait sur les pentes du Mont Beuvray (Saône-et-Loire).

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Plusieurs silhouettes indiquent le site des sources de l'Yonne, accessible depuis la RD 300, au lieu-dit Port des Lambrets.
© Traces Ecrites


Nous sommes ici au pied du Mont Préneley qui culmine à 857 mètres d'altitude, au milieu de tourbières vieilles de 10.000 ans générées par l’acidité des sols. Une plante, la sphaigne – sorte de mousse – y prospère en poussant sur elle-même. Particularité de ce végétal, il ne se décompose pas, mais meurt en noircissant jusqu’à deux mètres de profondeur. Les palynologues, nom de ceux qui étudient les pollens emprisonnés, y découvrent la mémoire des climats, les différentes pollutions advenues et peuvent dater les époques successives.

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Hubert Brochot montre ici une sphaigne, une mousse qui forme une tourbière autour des sources de l'Yonne. © Traces Ecrites


Autour du canal du Touron

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Mystérieux Morvan avec ici des queules d'hêtres, aux formes torturées, issues de la déformation par tressage des branches pour en faire des haies. © Traces Ecrites
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Encore plus révélateur © Traces Ecrites


Pour succéder à Hubert, Rob Urie accueille d’une voix de stentor à Arleuf (Nièvre). Il entraîne prestement – en vitesse de croisière, il marche à 6km/h – admirer le théâtre gallo-romain des Bardiaux, découvert par un entrepreneur, puis mis au jour entre 1970 et 1978 par le docteur Olivier qui dirigeait le Groupe de recherche archéologique en haut-Morvan. De l’édifice, il ne reste rien sauf les pierres des soubassements qui dessinent bien la scène, les coulisses et une grande avant-scène. Les gradins en terre pouvaient accueillir jusqu’à 500 personnes. On y donnait des tragédies, des comédies, des numéros de cirque... et même des spectacles érotiques.

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Le théâtre des Bardiaux, à Arleuf, d'époque gallo romaine, est l'un des plus petits découverts à ce jour. Il pouvait accueillir 500 spectateurs. Par comparaison, 17.000 personnes pouvaient prendre place dans celui d'Autun, à une vingtaine de kilomètres. © Traces Ecrites


Toujours prompt à sortir des sentiers battus, ce très morvandiau guide né au pays des kangourous recherche son chemin et peste contre les coupes claires d’arbres qui brouillent ses circuits. A force de persévérance, il trouve enfin le canal du Touron, ancienne minière gauloise de 550 mètres de long, qui deviendra réserve d’eau pour le flottage du bois, activité qui fit longtemps la prospérité du Morvan (lire l’encadré).

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Une coupe rase comme celle-ci n'est pas rare dans le massif forestier du Morvan. Si bien que cet été, le Parc naturel régional a saisi le conseil d'Etat pour modifier la réglementation concernant la surface des parcelles pouvant être déboisées sans autorisation. © Traces Ecrites


Un peu plus loin, Rob montre un champignon collé au tronc d’un arbre malade. Il s’agit d’un amadouvier, aussi appelé polypore allume-feu qui, une fois séché et réduit en poudre, a la particularité de s’enflammer facilement. Les Gaulois, peuple ingénieux s’il en est, frottaient cette poudre sur une pierre avec un morceau de métal. Le premier briquet en somme…

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Dans l'Antiquité, l'amadouvier, un champignon dur comme de la pierre, servait d'allume-feu. © Traces Ecrites
Quand le bois de chauffage flottait sur 300 km jusqu’à Paris

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Passage en écluse d'un demi-train de bois (36 mètres). © Kevin Lauret

De 1547, sous Henri IV, à 1877, les foyers de la capitale française se chauffaient au bois du Morvan et de nombreux commerces alimentaient ainsi leur four, notamment les boulangers. La précision des deux dates découle des nombreux écrits collectés sur le sujet. Cette activité sylvestre monopolisait des milliers de personnes. « Pas moins de 500 familles, soit 3.000 personnes à Clamecy » souligne Bernard Claire, président de l’association Flotescale.

Tout commence par une coupe assez spéciale des bois. « On coupe seulement les gros bois, et encore de loin en loin, pouvant faire des bûches de quartier (fendues), et les taillis propres à faire de gros rondins. Et au lieu de les sectionner au ras du sol, on les coupe à deux ou trois pieds de hauteur… », expliquait en 1732 un rapport de l’érudit Jean Gourdain.

L’étape suivante, au printemps et à l’automne, consiste à utiliser les nombreux ruisseaux et rivières du massif morvandiau afin d'effectuer le flot, c’est-à-dire provoquer un courant fort de sorte à faire cheminer les bûches grâce à des retenues naturelles ou artificielles que l'on libère via des pertuis. Sur le parcours, les « poules d’eau » munis de croc, souvent des enfants, poussent les bois. Arrivés à Clamecy, sur le canal du Nivernais, on les extirpe de l’eau (c’est le tirage), puis on les empile en fonction des marques de chaque propriétaire (le tricage).

Le plus impressionnant vient ensuite, avec la confection de trains de bois de 72 mètres (200 stères) qui vont naviguer jusqu’à Paris en une douzaine de jours. A six personnes, cela prend pas moins d’une semaine !  Jusqu’à Châtel-Censoir, en raison des méandres trop serrées de l’Yonne, seuls des demi-trains de 36 mètres circulaient. Raboutés par deux dans cette commune de l’Yonne, ils sont alors pilotés par deux flotteurs qui emmènent des passagers jusqu’au port de Bercy, parfois à leurs risques et périls, les accidents étant nombreux. « Ainsi ce pays qu’absurdement on dit sauvage livrait-il jusqu’à Paris, ses bœufs, ses bois, ses eaux (*) et même le lait de ses nourrices… », conte Jacques Lacarrière, dans « Gens du Morvan » (1978).

 (*) En réalité, Paris devrait être baptisé sur Yonne, car à la confluence de Montereau-Fault-Yonne, « la Seine a un débit moyen de 80 m3/seconde pour un bassin versant de 10.100 km2 et l’Yonne un débit de 93 m3/seconde pour un bassin versant de 10.836 km2 ». Guillaume Apollinaire aurait donc dû écrire: « Sous le Pont Mirabeau coule… l’Yonne. »

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Tirage pour empilage des bois marqués sur la Canal du Nivernais à Clamecy. © SMET Canal du Nivernais


Quelques adresses pour le gîte et le couvert

 

• Le Château d'Ettevaux, à Poil (Nièvre)

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Cabane sur l'eau au château d'Ettevaux, dans la Nièvre.© Traces Ecrites


Il y a des logis pour tous les goûts chez Charly, de son nom complet Charles-Henri de Galembert, 58 ans, mais qui déteste plus que tout qu’on l’appelle Monsieur le Châtelain. Pourtant, ses ancêtres remontent par la branche « de Bodin » au 14ème siècle. La chapelle néo-gothique (flamboyant) du château – qui se visite à la demande – place d’ailleurs la famille sous les bons auspices de Saint Louis et du Milanais Saint Charles Boromée.
Représentant la sixième génération à posséder le domaine d’Ettevaux, sis sur la commune de Poil (*), Charly a su restaurer de ses propres mains cette bâtisse historique qui propose deux chambres d’hôtes avec possibilité de dîner, ainsi que, dans le parc de 12 hectares, trois gîtes de 4, 6 et 15 couchages et deux adorables cabanes sur l’eau posées chacune sur un étang parmi les cinq que possède la propriété.
« J’ai tout repensé, réaménagé ou construit avec un parti-pris très éco-environnemental, les bois provenant par exemple de mes arbres, car à Ettevaux on vit dans le respect de la nature et de la biodiversité », explique t-il. L’endroit accueille aussi des séminaires dans un magnifique ancien haras et invite à nombre de stages et formations autour de la détente, du sport et du bien-être. Pour plus d’informations : 03 86 30 16 41, 06 66 59 66 47 et www.ettevaux.fr  - www.cabanes-lacustres.fr
(*) Petite anecdote sur cette commune au nom burlesque : ses panneaux disparaissent régulièrement. Et référence historique à ce même village, c’est l’arrière-arrière grand-père de Charly, le baron Anne Marie Charles de Galembert qui a favorisé sa restauration comme commune indépendante, alors que l’endroit n’était plus qu’un hameau de Larochemillay. Après d’âpres luttes contre la bourgeoisie du cru, le Conseil général de la Nièvre vote sa création en 1858,  qui devient officielle par le décret du 9 mai 1860.

jerome•  La Table de Jérôme, à Luzy (Nièvre)

Depuis 2006, Jérôme Raymond s’épanouit sur la terre de son enfance, Luzy, au point de figurer parmi les lieux gastronomiques de la Nièvre, mais sans la quête d’étoiles. « Je devenais impossible avec mes équipes », confie le presque cinquantenaire. Fier cependant de figurer au guide Gault&Millau comme lauréat en 2019 du prix de la naturalité qui  distingue la mise en valeur des produits locaux, le chef s’inspire des richesses morvandelles, depuis l’incontournable boeuf charolais jusqu’au foin des prairies environnantes avec lequel il réalise un incroyable sorbet.
La Table de Jérôme, installée dans l’Hôtel du Morvan, un bâtiment loué à la commune, est tout à la fois un spectacle visuel avec de très jolies compositions aux couleurs contrastées, qu’une belle expérience gustative que traduit le nom du menu, changé tous les jours, « Mon train de jeu ». Des saveurs exotiques comme la feuille de shiso (une sorte d’ortie coréenne au goût de coriandre et d’anis) viennent sublimer un boeuf cuit au charbon. On peut aussi découvrir des associations heureuses, comme une crème de maïs avec des pépites de foie gras. Hôtel du Morvan, La Table de Jérôme, 26 rue de la République, Luzy. 03 86 30 00 66. Le restaurant est ouvert  le mardi soir, le mercredi, le jeudi, le vendredi, le samedi et dimanche midi, service de 12h15 à 14h et de 19h15 à 21h sur réservation.

 

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• La Petite Auberge à Glux-en-Glenne (Nièvre)

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© La Petite Auberge


Après l’effort, voici la halte idéale en quittant les pentes du Mont Beuvray. Cette adresse que tiennent Jill, au service, et Chris au fourneau, tous deux citoyens britanniques, propose une cuisine qui marie les spécialités morvandelles en y ajoutant quelques notes culinaires anglo-saxonnes. C’est copieux et goûteux, avec un beau choix de bières et de whiskies. On peut aussi y faire quelques emplettes en thés, confitures et miels du Morvan. Plus d’informations sur le site de la Petite Auberge.

• Chez René Fortin, à Anost (Saône-et-Loire)

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Sur la façade du restaurant La Galvache à Anost.
© Traces Ecrites


S’il n’est plus tout à fait agile de ses jambes, René Fortin le demeure de la langue. Quelle gouaille et quel bagout pour narrer toutes les têtes, politiques surtout, qui ont fréquenté sa table. Pas une ne lui échappe grâce à une mémoire infaillible et l’aréopage est conséquent. Cuisinier de formation, cet enfant d’Anost (750 habitants) a su faire du cru un fief du bon vivre à la morvandelle avec pas moins de trois établissements.
Le plus connu, fondé en 1977, s’appelle la Galvache, du nom de ces charrettes tirées par des bœufs que les bouviers (galvachers) conduisaient de mai à septembre pour effectuer des transports lourds et des travaux de halage, débardage ou encore labourage. (*). A l’entrée du lieu, le restaurateur de 80 ans y a même son épitaphe. A deux pas, l’Hôtel Fortin, avec son pub et ses 16 chambres, sert aussi des repas goûteux élaborés à partir de produits du terroir (coq au vin, pièce de charolais, œufs en meurette…), autour des 25€. Et puis, pour clore la trilogie, la fille de René tient « Ah! Nos Pizz' » qui ne désemplit pas l’été. Renseignements au 03 85 82 70 88,  06 67 68 78 75 et sur le site Vacances en Morvan(*) Au milieu du 19ème siècle, le village d’Anost a compté plus de 700 attelages de ce type. A visiter sur le sujet, la Maison des Galvachers, l'un des sites de l'écomusée du Morvan.

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