ELECTIONS RÉGIONALES. Le trio cherche encore son nom, mais surtout un destin commun.
Car autant la fusion de la Bourgogne et de la Franche-Comté apparaît comme une union naturelle, autant le regroupement de l’Alsace, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine ressemble à un mariage forcé.

Déjà, le nom provisoire d’ACAL (les initiales de chaque région par ordre alphabétique) n’a aucune connotation identitaire. Et on se souvient, avant que le gouvernement ne leur force la main, de la réticence des Alsaciens et des Champenois d’envisager leur avenir ensemble.
Pourtant, sur une carte, l’entité Alsace Champagne-Ardenne Lorraine a une cohérence : une grosse portion du quart nord-est de la France qui s’étend des frontières luxembourgeoises, allemandes et suisses, jusqu’à la région parisienne.
Vaste ensemble de 5,5 millions d’habitants classé 6ème région au plan démographique, l’Alsace Champagne Ardennes Lorraine affiche un produit intérieur brut (PIB) de 150,2 millions d’€ - le double de sa voisine Bourgogne Franche-Comté - qui la place au 5ème rang des treize nouvelles régions.
Sa capitale sera Strasbourg, chef-lieu où sera implantée la préfecture de Région ; Metz en Lorraine, revendiquant le siège du conseil régional.
Toutes les trois sont des régions industrielles. En Champagne-Ardenne, 4ème région la plus industrialisée de France, l’industrie représente 20% de la valeur ajoutée régionale. En Lorraine, 17% et en Alsace, 21%.
Le trio est toutefois inégal. La Lorraine est une des régions qui s’est la plus appauvrie depuis 2000, victime de la restructuration de ses industries historiques, l’exploitation houillère et de la sidérurgie.

Parmi les moins peuplées de l’hexagone, la Champagne-Ardenne continue àperdre des habitants. L’accroissement naturel de la population ne compense pas un déficit migratoire important, surtout sur les franges de la région parisienne.
Quant à l'Alsace, longtemps proche du plein emploi, elle est en train de s’appauvrir. Le taux de chômage de 4,8% en 2000 est passé à 9,1% en 2014. Il s'agit de « la plus importante hausse du chômage en France, selon l’institut Montaigne qui trouve une explication dans son profil exportateur, « canal de transmission de la contraction de l’activité mondiale. »
L’effet transfrontalier
Derrière cette tendance accentuée par la crise économique, se profile une région parfaitement localisée pour tirer parti de sa position européenne. En plus du siège du Parlement à Strasbourg, ACAL possède 500 km de frontières que la Lorraine, avec ses 100 000 transfrontaliers, a déjà su valoriser à travers la « Grande Région Européenne ».
Cette structure institutionnelle qui réunit la Wallonie (Belgique), les Länder allemands de la Sarre et de la Rhénanie-Palatinat ainsi que Le Grand Duché du Luxembourg mène des coopérations scientifiques et universitaires ainsi que des projets dans le monde du transport et du travail.

L’Alsace profite aussi de sa position transfrontalière avec une activité de réexport, notamment sur le Rhin, favorable à sa balance commerciale. La Champagne-Ardenne pourrait bénéficier de cet effet frontalier, si tenté que s’améliorent les voies de communications Est-Ouest, autres que les autoroutes et la LGV Est.
Une région très endettée
En additionnant les budgets des conseils régionaux actuels, le trio ACAL dispose de 2,4 milliards d’€, soit 425 € par habitant, guère plus que sa voisine Bourgogne Franche-Comté (417 € par habitant). Une force de frappe somme toute modeste pour conduire, comme l’indique l’institut Montaigne, « la transformation de son industrie ».
Sa maigre capacité d’autofinancement réduit sa marge de manœuvre pour conduire des politiques publiques efficaces. La nouvelle région est fortement endettée : 2,1 milliards d’€, soit quasiment un budget annuel. Sa capacité de désendettement est de 5,5 ans, alors que la moyenne des régions ne dépasse pas 3,9 années.
« Le dynamisme de la fiscalité locale en Alsace ne devrait pas être suffisant pour compenser la baisse ou la stagnation des recettes sur le reste du territoire régional », commente l’institut Montaigne.
Reste que la nouvelle région est attractive. Selon une étude conjointe des conseils économiques, sociaux et environnementaux des trois régions, « elle est la première région française pour l’accueil des investissements étrangers. De 2011 à 2013, plus de 9 800 emplois y ont ainsi été créés par des entreprises à capitaux majoritairement étrangers. »

Parmi ses atouts, on peut également citer six pôles de compétitivité qui regroupent 800 entreprises spécialisées dans les domaines des matériaux, de l’eau, des écotechnologies, de l’énergie, de la santé, des bio-ressources et des matériels de transport.
Certains travaillant déjà ensemble et sont déjà bi- voire tri- régionaux : comme le pôle matériaux Materalia qui regroupe des entreprises de Lorraine et de Champagne-Ardenne ou encore Fibres Energivie, résultat de la fusion en janvier dernier, d’Alsace Energie avec le lorrain Fibres.