BIOTECHNOLOGIES/BAS-RHIN. Les découvertes que valorisent Alms-Therapeutics pourraient révolutionner le traitement du diabète et soulager les malades de l'injection quotidienne d’insuline.
Pour aller au bout de cette technologie de rupture, la start-up strasbourgeoise vient de boucler l'une des plus importantes levées de fonds dans la santé en France, et la plus importante jamais réalisée en Alsace : 15 millions d’€.

Cette start-up a été créée en août à Illkirch (Bas-Rhin), près de Strasbourg, sur la base de recherches, en Alsace et en Australie, qui ont mis en évidence une nouvelle cible dans la régulation de la glycémie dont l’excès dans le sang provoque la maladie du diabète. Ces travaux démontrent qu'un complexe de protéines assure cette régulation, et ce dans les diverses cellules adipocytes de l'organisme.
Autrement dit, ce complexe de protéines agit à différents endroits du corps humain qui sécrètent les poches de graisse, et pas seulement au niveau du pancréas. Sa déficience semble être en lien avec le diabète de type 2 qui caractérise la maladie génétique, le syndrome d'Alström provoqué par une mutation du gène Alms.
De longue date, le Laboratoire de génétique médicale commun à l'Université de Strasbourg et à l'Inserm, et plus particulièrement son directeur adjoint Vincent Marion planche sur le sujet. C'est ce chercheur qui est à l'origine d'Alms-Therapeutics en collaboration avec son confrère endocrinologue Nikolai Petrovsky de l'Université australienne d’Adélaïde.
Un brevet a été déposé, copropriété du trio, Alms-Therapeutics en a acquis la licence et a été constituée en une SAS. Vincent Marion, qui poursuit ses activités de chercheur Inserm, en sera le consultant. La direction a été confiée à Jean-Yves Bonnefoy, à l'origine de plusieurs sociétés biotech alsaciennes et qui a présidé un temps le pôle Alsace Biovalley.
Un capital-investisseur américain rejoint par Cap Innov'Est.

Dans ce monde de la santé où la concrétisation en médicament peut prendre des décennies, les choses pourraient aller très vite dans le cas présent. « Les essais des douze derniers mois sur la souris ont été concluants. Le peptide injecté peut effectivement réguler la glycémie. Il devient dès lors un candidat médicament clairement identifié, qu'il appartient désormais de valider lors des différentes phases d'études cliniques sur l'homme. La première devrait démarrer dans deux ans », décrit Jean-Yves Bonnefoy.
La mise sur le marché pourrait alors suivre dans les années 2020. Il reste plusieurs étapes technologiques à franchir. Il s'agit notamment de vérifier si, comme l'ont fait les premiers essais sur souris, la thérapie agit seule sans besoin d'un mode de traitement complémentaire.
« On est en présence d'un mécanisme cellulaire complètement nouveau, une sorte de révolution. Les patients résistants à l'insuline ont la perspective de réduire leur taux de sucre sanguin en traitant directement les adipocytes. Et la découverte donne l'espoir qu'une seule administration de médicament produise son effet pendant plusieurs mois, aux antipodes donc de l'injection quotidienne d'insuline », poursuit Jean-Yves Bonnefoy.
Ce scénario est-il trop beau ? Il apparaît en tout cas suffisamment réaliste à des investisseurs qui n'ont pas l'habitude de débourser leur argent à l'aveuglette. Alms-Therapeutics vient de boucler l'une des plus importantes levées de fonds dans la santé en France des dernières années, et la plus importante jamais réalisée en Alsace : 15 millions d’€.
« Un tel niveau pour une première levée est extrêmement rare dans les biotech », appuie Jean-Yves Bonnefoy. L'un des investisseurs est un poids lourd mondial : Morningside Ventures, établi à Boston (Etats-Unis), gère 1 milliard d’€ d'actifs en soutien à des start-up. Dans ce dossier, le capital-investisseur américain est accompagné par le fonds public-privé d'amorçage Cap Innov'Est.

L’entremise de Conectus Alsace
Mais le passage de la recherche à l'entreprise doit beaucoup à l'entremise de Conectus Alsace.
La société régionale d'accélération de transfert de technologie (Satt) a joué pleinement son rôle, en finançant à hauteur de 550.000 € une phase de « pré-maturation » (confirmer les promesses de premières études) puis de « maturation » qui aboutit à la « preuve de concept » (Proof of Concept en anglais).
« Ces deux étapes n'ont duré que 24 mois. Elles ont permis la rencontre avec les investisseurs dès le début 2017 et donc la concrétisation de leur engagement en quelques mois. Sur ce plan aussi, tout est allé vite », observe Caroline Dreyer, directrice générale adjointe de Conectus Alsace.
Les observateurs ont le sentiment que la région tient là une pépite dont on reparlera. Et qui ne manquera pas de susciter l'intérêt des grands groupes pharmaceutiques, sous une forme ou une autre.
Un centre d'études sur le diabète de niveau international

Le projet Alms-Therapeutics n'a pas de lien direct avec lui, mais le Centre d'étude européen de diabète (CEED) de Strasbourg est le catalyseur de la dynamique de recherche et de création d'entreprise sur la lutte contre le diabète dans la capitale alsacienne.
Au voisinage de l'hôpital de Hautepierre, le CEED rassemble 26 chercheurs, ingénieurs, techniciens, infirmières, médecins de stature internationale sur la thérapie cellulaire, la recherche sur les îlots pancréatiques, et désormais la télémedecine.
Les recherches se fondent sur la conviction que le pancréas n'agit pas seul. « Ce qui importe, ce sont tous les signaux qui lui parviennent du reste de l'organisme », souligne le président et fondateur du centre, le professeur Michel Pinget.
Son axe de recherche, la « communication croisée entre le muscle et le pancréas », qui traite notamment du lien entre activité physique et diabète. Le CEED se renforcera début 2018 de l'arrivée pendant deux ans d'une chercheuse chilienne grande spécialiste du sujet, grâce à l'octroi de la rare bourse d'excellence européenne Marie-Curie.
Les quelque 200.000 € viendront à point nommé pour alimenter le budget de 2,5 millions d’€ qui cherche de plus en plus à s'approvisionner auprès du mécénat privé.