Sous l’impulsion de son nouvel actionnaire Stellantis, la société Vulcan Energy accélère en direction d’un investissement d’1 milliard d’€ pour une usine de lithium pour batteries en Allemagne, qui serait issue en 2025 de la saumure qu’elle veut extraire du sous-sol et raffiner aux portes de l’Alsace. Le territoire côté français présente les mêmes caractéristiques géologiques, mais il tergiverse trop selon la vision de Vulcan. L’avenir dira si elle aura été la bonne.


Si près, si loin… Un gros projet de lithium pour véhicules électriques se concocte autour de Stellantis, aux portes de l’Alsace, mais pour l’instant sans les franchir. Vulcan Energy, société d’origine australienne, bâtit un plan de développement qui commence par l’extraction de la matière première, de la saumure de lithium, puis par sa première transformation (en chlorure de lithium) dans la région de Landau dans le Palatinat, à 30 kilomètres de la frontière française.

 

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La suite doit s’éloigner pour prendre la direction de Francfort, où un complexe abritant un fournisseur-clé, le chimiste Nobian, hébergera l’usine de production de la matière finale, l’hydroxyde de lithium qui s’incorpore dans les batteries. « La première tranche de ce site terminal représente un investissement d’1 milliard d’€ pour une mise en service visée entre fin 2024 et début 2025 », expose Vincent Pedailles, directeur commercial de Vulcan. La capacité de production initiale est prévue autour de 16.000 tonnes annuelles, de quoi faire circuler 400.000 véhicules électriques.

Stellantis joue un double rôle moteur (pas thermique…). Il apporte une partie des débouchés par un contrat d’approvisionnement qui doit démarrer en 2026, au même titre qu’avec Renault et Volkswagen notamment. Et en injectant 50 millions de dollars (48 millions d’€) au capital de Vulcan, il contribue au financement de la société, dont il devient au passage l’un des actionnaires majoritaires depuis fin juin. L’opérateur de 130 salariés a, par ailleurs, levé 320 millions de dollars l’an passé et il s’est coté à la Bourse de Francfort pour continuer sa quête.

 

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Une des lignes de montage robotisée de l'usine Stellantis de Mulhouse. © Mathieu Noyer


C’est donc du lourd qui se prépare et une partie de ses composantes aurait pu se trouver aussi sur le versant français. La saumure de base s’y trouve en effet dans le même type d’endroit qu’à Landau et environs : dans le sous-sol où s’épanouit la géothermie profonde, le long du fossé rhénan formé de part et d’autre du fleuve. La ressource semble certes un peu plus abondante côté allemand : « Le potentiel, nous estimons qu’il se répartit en 2/3 en Allemagne et 1/3 en France », indique Vincent Pedailles.

C’est plutôt le contexte alsacien qui a freiné les ardeurs de Vulcan, à entendre son responsable. « Les choses y évoluent plus lentement, or nous avons besoin d’aller vite pour répondre à la demande de nos clients. Les phases administratives durent plus longtemps. Et l’épisode de la mise à l’arrêt de la centrale géothermique de Fonroche à Vendenheim a été préjudiciable à la filière et porte atteinte à la confiance en ce type de projets », relate-t-il.

 

Un rôle complémentaire pour le Nord-Alsace

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Pour concrétiser ses projets, Vulcan Energy a racheté la centrale de géothermie d'Insheim en Allemagne, à 30 kilomètres de la frontière française. © Klaus Venus


Pour autant, les perspectives de voir l’Alsace rentrer dans le dossier ne sont pas écartées. L’agence de développement économique Adira confirme être en contact avec Vulcan Energy. Celui-ci souligne prospecter les qualités et quantités au niveau des centrales géothermiques de Soultz-sous-Forêts et Rittershoffen au nord de l’Alsace, en complément de celle d’Insheim près de Landau (Land de Rhénanie-Palatinat) qui forme le socle de son plan de développement, au point que la société l’a rachetée en début d’année à l’énergéticien local Pfalzwerke. « Il y a côté alsacien un potentiel de volume que nous regardons, en plus des 16 millions de tonnes de saumure évaluées côté allemand », appuie Vincent Pedailles.

Mais tout le monde ne pourra être servi en même temps. Le lithium nord-alsacien suscite également l’intérêt de la jeune société strasbourgeoise Viridian. Celle-ci a dévoilé en juin son propre projet d’usine d’hydroxyde qui, elle, s’implanterait sur le versant alsacien à Lauterbourg (Bas-Rhin), dans quatre ans, avec 70 à 80 emplois directs promis, si le plan de financement de l’investissement (environ 150 millions d’€) est bouclé.



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Mais l’approvisionnement pour 25.000 tonnes/an visées de produit final viendra de bien plus loin, des mines d’Amérique Latine via le port de Rotterdam puis la remontée du Rhin. « On espère se fournir en lithium local dans un second temps. Les qualités sont prometteuses, mais les quantités resteront insuffisantes en soi pour répondre à la demande », juge Rémy Welschinger, le président de Viridian. Deux visions se font donc face de part et d’autre du fossé géologique.

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