Dans le département des Vosges, les manufactures textiles se fédèrent pour coudre les masques nécessaires aux activités non-médicales. Des entreprises d’insertion et des couturières volontaires prêtent main forte à plus d'une trentaine d'ateliers de confection mobilisés. Le réseau d’entreprises Vosges Terre Textile qui les a fédérées espère que cet élan de solidarité valorisera le « produire local ».
L’engagement des manufactures textiles depuis le début de l’épidémie de Covid-19 atteint un niveau spectaculaire dans le département des Vosges. La filière qui compte encore quelques 2.500 emplois sur le territoire, a mobilisé des kilomètres de tissus et des centaines de petites mains en vue de fabriquer les si recherchés masques antiprojections. « Nous espérons faire comprendre aux consommateurs qu’acheter localement c’est peut-être plus cher, mais que lorsqu’on a besoin du local, il répond toujours présent », insiste Eddy Chevrier, gérant du Drap Français, à La Bresse (Vosges). À méditer à l’heure où Etat et régions se disputent les convois aériens de masques…
Depuis sa création en 2011, l’association Vosges Terre Textile et ses 80 entreprises membres défendent une fabrication « made in Vosges ». Des sociétés affiliées au réseau se sont fédérées aux côtés d’autres manufactures du département, afin de produire des dispositifs antiprojections : hier, 7 avril, 13.940 avaient été fabriqués depuis le début de la crise sanitaire.
Leur alliance est coordonnée par la préfecture qui centralise à Epinal les dons et productions en matériels nécessaires à la lutte contre le Covid-19. Le service de santé des sapeurs-pompiers des Vosges est chargé de contrôler la marchandise et de la distribuer, selon ses caractéristiques techniques, aux différents publics, en donnant la priorité aux Ehpad, réseau des services à domicile, médecine de ville, etc.
Paul de Montclos, président de Vosges Terre Textile explicite l’approche de la filière. « Nous concentrons nos moyens sur la fabrication de masques antiprojections, autrement dit destinés aux activités non-médicales : caissières, forces de l’ordre, opérateurs dans l’industrie, etc. Ce type de masques représente 80% des besoins, avec l’avantage d’être lavables. De plus, les opérations manuelles permettant de fabriquer les masques filtrants pour les personnels des hôpitaux (FFP2) demeurent extrêmement longues. »
Kits pour couturières bénévoles

La manufacture de linge de maison haut-de-gamme Garnier-Thiebaut (220 salariés) que dirige le président de Vosges Terre Textile maintient une douzaine de couturières en activité pour fabriquer entre 2.000 et 3.000 masques par jour. 10 % des collaborateurs de l'usine Innothera, près d'Epinal, spécialisée dans les bas de contention (350 personnes) assemblent de leur côté 20.000 masques par semaine. Au total, 35 ateliers de confection soutiennent l’effort national : Blanc des Vosges, Tissage de la Courbe, ALM-Halbout, et Valrupt TGV Industries, etc.
Parmi eux, Le Drap Français et Berjac ont imaginé un modèle original reposant sur la contribution de plus de 200 couturières bénévoles confinées à leur domicile. La couture est un savoir-faire qui se perpétue dans les Vosges, l'activité textile y ayant employé jusqu'à 30.000 personnes dans les années 1970.
Le Drap Français souhaitait faire don de 2.000 mètres de toile pour la fabrication de masques. « Mais nous n’étions pas en mesure de découper cette quantité de tissu, ni d’aligner la main d’œuvre capable de les assembler rapidement », détaille Eddy Chevrier, le gérant de cette jeune filiale du groupe vosgien Incopar (280 personnes).
La table à coupe automatique de Berjac a permis de réaliser des rectangles de textile à haute cadence. A ensuite émergé l’idée de mettre au point un kit de fabrication pour 20 masques (élastiques, fil à coudre, rectangles de tissus et molletons) selon un cahier des charges validé par la Direction Générale de l’Armement. La municipalité de La Bresse, a pris le relais en diffusant l’appel à la population pour mobiliser des couturières et assurant la distribution des kits.

Le spécialiste des vêtements professionnels Berjac (19 personnes) a organisé la même mobilisation dans le secteur d’Epinal, engageant ainsi la production totale de 20.000 masques. En parallèle, dans ses ateliers réquisitionnés par la préfecture, 14 personnes fabriquent 5.000 masques par semaine selon le modèle réalisé par la CHU de Grenoble.
Acteurs souvent invisibles mais indispensables à l’économie locale, les entreprises d’insertion vosgiennes constituent également un maillon de cette chaîne de la solidarité. L’Association Bressaude d'Insertion (A.B.I.) fabrique des masques pour le compte du Drap Français, tandis que Reval Prest distribue les dons centralisés par la préfecture.
Je suis couturière, je peux fabriquer des masques à mon domicile J'habite à Saint-Nazaire