Deux fabricants lorrains de jeans éco-responsables cherchent à nouer des liens plus étroits avec les consommateurs et se distinguer ainsi des majors du denim. Dao ouvrira un espace de vente et de confection sur la mythique place Stanislas à Nancy, tandis que Tissage de France (1083 jeans) prépare l’ouverture d’un magasin d’usine à Epinal.
Les jeans « made in Lorraine » tentent de se faire une place au soleil en France, face aux géants mondiaux du secteur. Symbole de cet esprit de conquête, Dao ouvrira au printemps 2024 à Nancy une boutique sur l’emblématique place Stanislas, classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Ce projet marque un nouveau jalon dans le parcours de Davy Dao, 36 ans, le fondateur de la manufacture nancéienne de 10 salariés (chiffre d’affaires annuel de 800.000 €). Engagé depuis 11 ans dans la confection de jeans éco-responsables, le jeune créateur a en effet longtemps travaillé dans l’arrière-boutique de sa première enseigne à Nancy.
Le futur point de vente a également valeur de « test » pour la municipalité lorraine : les 220 m2 de locaux loués à Dao ont été acquis par « Nancy Défi », une société d’économie mixte d’intervention immobilière créée en 2019 afin de lutter contre la vacance commerciale et résidentielle dans l’hypercentre.
Dans les ateliers de Maxéville, en bordure de Nancy, les couturières de Dao travaillent à partir de tissus en coton bio ou en lin, fabriqués à 80% dans l’Hexagone et 20% dans le pays basque espagnol.
Entouré de piles de jeans, Davy Dao explique sa démarche : « Dans un monde inflationniste, nous nous interrogeons sur la meilleure manière de préserver nos marges tout en conservant un produit le plus accessible possible, entre 130 et 150 € en moyenne par paire de jeans. Nous réfléchissons par exemple à de nouvelles coupes et de nouveaux design qui permettraient de gagner du temps de confection », explique-t-il. Entre 8.000 et 9.000 jeans sortent chaque année de ses ateliers, parmi lesquels des modèles « iconiques » en lin cultivé en France.
Avec un tiers de ses ventes réalisé en boutique, un autre tiers en ligne et un dernier via un réseau de revendeurs indépendants, l’enjeu consiste maintenant pour Dao à chercher de nouveaux clients, en dehors des adeptes fervents et militants du « made in France. »
Dans cette optique, l’enseigne compte davantage communiquer sur ses savoir-faire en installant un atelier de couture dans ses futurs locaux de la place Stanislas et en proposant des cours à partir de décembre à Maxéville.
Jeans recyclés et coton cultivé en France

De leur côté, à 100 kilomètres au sud, à Rupt-sur-Moselle (Vosges), les 50 salariés de Tissage de France produisent, d’une part, les tissus et confectionnent, d’autre part, les jeans de la marque 1083. Afin de se rapprocher davantage de ses clients, l’entreprise prépare l’ouverture d’un magasin d’usine à Epinal (Vosges).
« Ce projet s’accompagne d’une séparation de nos activités en deux entités juridiques, l’une réservée au tissage, l’autre à la confection et au développement commercial », détaille Thomas Huriez, le gérant de Modetic, la maison-mère de Tissage de France depuis 2018 et la reprise des activités sur place de filature et tissage de Valrupt Industries.
Basée dans la Drôme, Modetic ne manque pas d’idées. L’entreprise de 100 salariés (chiffre d’affaires de 12 millions d’€ en 2022), qui a connu un certain succès médiatique comme incarnation du retour de la fabrication textile en France, a lancé au printemps dernier un nouveau modèle, pour moitié en coton recyclé et pour moitié en coton cultivé dans le Gers et dans la Drôme.
La recherche-et-développement de ce projet innovant a été réalisée à Rupt-sur-Moselle. Aujourd’hui, les étapes de défibrage des vieux jeans et de filage sont confiées à Textile des Dunes (Nord). Le tissage est assuré par Tissage de France et Tissages de Charlieu (Loire), tandis que la confection se partage entre sept ateliers répartis sur le territoire national.
Après le vent de relocalisation industrielle qui a soufflé au lendemain de la pandémie de Covid 19, Thomas Huriez évoque « une conjoncture devenue difficile, avec des coûts énergétiques qui ont beaucoup pénalisé notre activité de tissage, et un marché qui se complexifie ». Ce durcissement a connu sa traduction tout près de Rupt-sur-Moselle, avec la liquidation en septembre dernier de Filatures et Tissages des Vosges à Saulxures-sur-Moselotte, une entreprise de 50 salariés ancestrale du textile vosgien, puisqu'elle avait été fondée en 1825 et avait survécu jusqu'alors à toutes les tourmentes nombreuses de la filière.
