VINS/EST. Le vignoble de Bourgogne est le plus touché par l’épisode de gel qui est survenu du 26 au 29 avril dans l'Est et le centre de l'hexagone. La moitié de la surface a été abîmée entre 30 et plus de 70%, de Chablis au nord à la Côte Chalonnaise au Sud. Si bien que la vendange 2016 risque d’être réduite d’un tiers.
La Champagne est également touchée, mais dans une moindre mesure. L’Alsace a subi peu de dommages. Le Jura, pas du tout.

« La situation est plus alarmiste qu’on le pensait », témoignait Christophe Ferrari, vice-président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB), à l’issue d’une réunion de crise, mercredi dernier à Beaune (Côte-d’Or). « Le désarroi est là ».
A de rares exceptions, l’ensemble du vignoble de Bourgogne qui s’étend au total sur 29 250 hectares, de Chablis au nord à la Côte Chalonnaise au sud a été touché par le gel du 26 au 29 avril dernier.
Un phénomène « atypique et de grande ampleur », assure le représentant des vignerons qui n’a épargné que quelques appellations. Le Mâconnais notamment, mais il a subi le 13 avril un gros orage de grêle qui a détruit 1500 hectares.
L’évaluation des dégâts du gel faite par les techniciens de la chambre d’agriculture établit les pertes entre 30 % et plus de 70 % sur la moitié du vignoble.
Près d’un tiers (23%) des surfaces a été abîmé à plus de 70% et autant a été préservé avec des dégâts sur au moins 30%. Le Chablisien (Yonne), Marsannay aux portes de Dijon, les célèbres meursault ou encore chassagne, ainsi que les Hautes-Côtes de Nuits et de Beaune ont subi de graves dommages. Les 1.300 hectares du Grand Auxerrois, dans l’Yonne, ont été touchés jusqu’à 100 %.
L’interprofession veut cependant croire que la situation peut s’arranger : une nouvelle inspection des vignes dans deux à trois semaines permettra de mesurer le réel impact sur la prochaine récolte. Car si les bourgeons ont gelé, ils peuvent « renaître » et des contre-bourgeons vont pousser qui donneront toutefois des grappes moins productives.

Les blancs seront certainement moins abondants
« Aujourd’hui, il est difficile d’évaluer la perte de volume », affirme Jean-Michel Aubinel, président de la CAVB. Sur la base de la surface atteinte par le gel, on peut cependant estimer la vendange 2016 à guère plus du million d’hectolitres, c’est-à-dire un tiers de moins qu’une récolte normale (1,5 million).
La perte de volume va principalement concerner les vins blancs car le chardonnay - cépage du bourgogne blanc - est moins fructifère que le pinot noir - principal cépage du rouge -.
Claude Chevalier, président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), qui représente à la fois la viticulture et le négoce, temporise, craignant un report des commandes sur d’autres vignobles. Suite aux trois petites récoltes de 2010, 2012 et 2013, les stocks en cave peinent à se reconstituer (environ huit mois contre une année entière).
« Nos acheteurs fidèles et historiques doivent savoir qu’ils seront toujours servis et que la profession fera attention à la hausse des prix », assure t-il. Même si elle sera inévitable.
Dans l’immédiat, les viticulteurs attendent des pouvoirs publics des aides temporaires. En plus de l’état de catastrophe naturelle et de calamités agricoles pour les zones les plus touchées, ils sollicitent une exonération des charges sociales auprès de la MSA et un aménagement de la fiscalité de leurs entreprises qui ne peuvent pas, précisent-ils, faire des provisions sur pertes contrairement à une entreprise industrielle ou commerciale.
Dans une question orale le 3 mai au sénat, Marie Mercier, sénatrice en Saône-et-Loire, a posé une question au gouvernement à ce sujet : entend-il déclarer l'état de catastrophe naturelle, autoriser les reports de charges et de cotisation MSA, autoriser les vignerons à différer leurs remboursements auprès des banques ? Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture lui a assuré que le gouvernement « prendra les mesures qui s'imposent ». Mais pas avant la récolte : « Il faudra évaluer les dégâts à ce moment-là. Nous déciderons des mesures à prendre, reports de charges ou achats de stocks. »
L’événement conduit les viticulteurs à réfléchir à protéger leurs vignes contre le gel de printemps qui, pensent-ils, risque de s’abattre plus souvent à cause du changement climatique.
Aspersion d’eau ou chaufferettes, ventilateurs comme on le faisait autrefois ? 10% du vignoble de Chablis utilise déjà ces méthodes. Mais le jeu en vaut-il la chandelle, se demandent les viticulteurs ? « Cela représentent un coût énorme », affirment-ils. Ils hésitent à s'assurer par ailleurs contre les incidents météorologiques, à cause de cotisations élevées.
Le système de la réserve, spécifique à la Champagne

En Champagne, 20 à 25% du vignoble qui couvre 34.000 hectares, ont été concernés par les gelées durant la même période. Les bourgeons sont entièrement détruits sur 14% du vignoble.
La Côte des Bar, au sud du vignoble champenois, est plus particulièrement touchée mais aussi quelques autres secteurs comme la Vallée du Petit Morin, le sud du Sézannais, la région de Bouzy-Ambonnay et l’Ouest de Château-Thierry, indique le Comité interprofessionnel du vin de Champagne.
La vendange 2016 s’en trouvera forcément impactée, mais ne devrait pas réduire le volume mis sur le marché, en raison de la réserve. Ce système spécifique à la Champagne qui oblige à conserver une partie de la récolte les bonnes années, devrait permettre de pallier les pertes.
En Alsace, le gel est pour l’instant sans danger sur le potentiel de production, assure l’association des viticulteurs d’Alsace (AVA). Les professionnels disent attendre la semaine pour évaluer les dégâts sur les bas de coteaux où le gel est tombé le 29 avril dernier.
« On verra si les bourgeons vont reprendre », indique l’AVA. Ce que les viticulteurs espèrent, souhaitant que 2016 ne connaisse pas une 4ème petite récolte. Les volumes ont diminué de 15% l’an dernier, à 1,150 million d’hectolitres.

Quant au Jura, il sauvent les meubles. Toutefois, les viticulteurs croisent les doigts car le gel de printemps peut encore sévir jusqu’aux Saints de glace (mi-mai). Les températures sont descendues en-dessous de zéro à quelques rares endroits, des 1.900 hectares de la zone AOC (appellation d’origine contrôlée) du vignoble franc-comtois.