VIN/BOURGOGNE. La 158ième Vente des vins des Hospices de Beaune pourrait confirmer, après deux belles récoltes, les tendances baissières qui se dessinent entre professionnels. Reste qu’avec les vins de Bourgogne, la loi de l’offre et de la demande ne fixe pas seule les prix.
A la vente des vins la plus médiatisée au monde, les invités vedettes, – cette année, les comédiens Nathalie Baye, Pascal Elbé, Emmanuelle Béart, Alice Taglioni et l’écrivain Erik Orsenna –, venus soutenir l’Institut Pasteur et les associations Bab et Sœur Emmanuelle, n’influeront sur les cours que pour la seule pièce (228 litres), celle dite des « Présidents ».
Le fruit des enchères des autres, soit 827 pièces, un record absolu après des vendanges 2018 plus que généreuses, iront à l’hôpital de Beaune et à l’entretien du magnifique hôtel-Dieu. Comment se comporteront alors ce dimanche 18 novembre les acheteurs de cette 158ième édition, à 65% des négociants locaux, sachant que la Bourgogne viticole, après des années de disette liées à la climatologie, a reconstitué ses stocks avec deux très belles récoltes : 1,5 million d’hectolitres en 2017 et près d’1,8 million cette année.
Rien n’est simple à comprendre car la vente n’est qu’un reflet parfois assez pâle du marché et ce d’autant que les enchères des vins du domaine des Hospices de Beaune, sous le maillet accélérateur de Christie’s, sont presque tous des premiers et grands crus, plus que recherchés.
« Certes, mais la vente est un instantané souvent très révélateur, sauf qu’avec la hausse des prix de ces dernières années, nous n’achetons plus à cette occasion avec nos clients grossistes ou distributeurs, mais avec des amateurs et collectionneurs très fortunés », argumente Albéric Bichot, le plus gros renchérisseur des Hospices depuis 20 ans et dirigeant de la maison de négoce beaunois qui porte son nom (chiffre d’affaires de 60 millions d'€ attendu cette année).
Baisse des appellations régionales
En toute logique, la loi de l’offre et de la demande devrait quand même entraîner cette année une baisse des prix. « Et ce d’autant que nos maisons n’ont cessé d’expliquer les hausses successives par un manque de vin alors que les acheteurs savent maintenant en temps réel que nous avons beaucoup à vendre », explique Pierre Gernelle, le directeur de l’Union des Maisons de vins de Bourgogne.

Les vins d’entrée de gamme montrent cette tendance avec des premières transactions entre professionnels en baisse de 8% pour les mâcons, 10% pour les bourgognes rouges et 25% pour les chablis. « J’espère aussi une baisse sur les appellations villages, car nos clients ont au-delà d’une certaine limite une sensibilité au prix dévastatrice qui pourrait favoriser d’autres vignobles », déclare Manoël Bouchet, directeur associé de Roche de Bellene, petite maison de négoce qui réalise un chiffre d'affaires de 9 millions d’€.
Frédéric Drouhin, président de l’Union des Maisons de vins de Bourgogne et dirigeant de la maison beaunoise qui porte son nom, ne dit pas autre chose avec toutefois un bémol. « Il conviendrait de donner un signe au marché, mais il ne faudrait pas une baisse trop forte car nous avons acheté assez cher le millésime 2017 et le mettrons prochainement en vente, sachant que je raisonne avec en toile de fond les incertitudes liées au Brexit et à la politique douanière américaine. »
Quant aux grands crus (1,5% de la production), au nombre de 33, et à certains premiers crus, la donne devient irrationnelle et hors marché. Ce sont des vins de collectionneurs, d’amateurs éclairés ou de richissimes capitaines d’industrie souhaitant faire un placement.
Ce fut le cas en 2014 de Bernard Arnault avec l’acquisition du Domaine des Lambrays (8,6 ha) pour environ 110 millions d'€, et, l’an dernier de François Pinault qui n’a pas hésité à débourser pour les 7,5 ha du Clos de Tart (7,5 ha) la jolie somme de 280 millions d'€. « Si j’ai des ordres d’achat pour certains des crus prestigieux appartenant aux Hospices, il n’y pas de limite et là l’expression au plus offrant prend tout son sens », assure Albéric Bichot qui profite de l’événement comme effet vitrine.

Le négociant permet par ailleurs aux particuliers d’accéder à ces vins, avec l’achat primeur à partir d’une bouteille seulement parmi une sélection de cinq vins entre 40 et 150 €. Avec en prime, la possibilité de marquer le nom de l’acquéreur sur les bouteilles. L’achat primeur d’un fût entier (288 bouteilles) est également possible pour un groupe d’amateurs ou une entreprise.
Le vin de bourgogne explose ses records à l’export
Les vins de Bourgogne se vendent toujours plus et mieux à l’étranger. Sur les huit premiers de 2018, les opérateurs réalisent 593 millions d’€ de chiffre d’affaires, soit un nouveau record en valeur et ce sont les marchés nord américains et asiatiques qui favorisent l’essentiel de ces performances.
• Les États-Unis demeurent le premier marché mondial, avec 24% du chiffre d’affaires global et 22% des volumes exportés. En dix ans, les ventes de bourgogne outre-Atlantique ont augmenté de 2,5 millions de bouteilles, en comparant toujours les huit premiers mois des années 2009 et 2018. La situation s’explique principalement par la parité euro/dollar, toujours très favorable. Mais pas seulement car les États-Unis appliquent pour les vins des droits de douanes parmi les plus faibles des pays producteurs, comme le martelait récemment par tweet le président Donald Trump. Le seul bémol à relever est que la France ne décide rien en matière de taxes douanières, ces dernières étant régies par l’Union Européenne. Tout proche, le Canada devient le 4ème marché en volume et le 5ème en valeur. Ce sont ici les vins blancs qui séduisent les consommateurs (+12% en volume).

• L’Asie du Sud-Est continue d’apprécier les bourgognes. De janvier à fin août 2018, l’activité réalisée sur les trois principaux marchés, que sont le Japon, la Chine et Hong-Kong, progresse de 11% en valeur et, avec 6,9 millions de bouteilles, de 2,8% en volume. La Chine réduit toutefois légèrement ses achats (-1,4%), tout en progressant en valeur (+12,7%), en raison d’une hausse des cours liés ces dernières années aux faibles récoltes. La très bonne nouvelle vient de Hong Kong, plaque tournante, comme Singapour, pour les réexportations. Ici, s’affichent des croissance à deux chiffres : +34% en valeur et 28,3 en volume du fait d’un fort engouement pour les rouges.
• En Europe, le Royaume-Uni, qui fut longtemps la première destination des vins bourguignons, principalement pour les blancs, réduit ses importations de près de 8%. « L’effet Brexit, entre crainte de fortes hausses des taxes et parité de la livre défavorable, se fait sentir », note le Bureau Interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Le marché national représente 52% des ventes avec deux évolutions majeures. Les repas se simplifient hors domicile pour devenir de plus en plus des apéritifs dînatoires et l’on consomme moins, mais meilleur. La grande distribution l’a bien compris avec une offre qualitative. Toujours sur les huit premiers mois, 14,55 millions de bouteilles y ont été commercialisées, hors drive, discount et supérettes, pour 115,8 millions d’€ de chiffre d’affaires, soit là aussi un record.
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