
©Frédéric Marais
RECYCLAGE. Un déménagement, une usine flambant neuve, des perspectives d’embauche et de croissance : l’avenir s’annonce lumineux pour cette PME auboise spécialisée dans le recyclage des néons et des lampes usagées.
Un nouveau process créé expressément pour ses besoins permet à Artemise d’optimiser les opérations de tri et la qualité des matières premières extraites des pièces recyclées.
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Il faut aller au bout du bout du département de l’Aube, jusqu’à la frontière avec l’Yonne, pour dénicher les nouveaux bâtiments d’Artemise. Un peu à l’écart du village de Vulaines, à proximité immédiate d’un péage de l’A5, se dresse l’usine-relais de 2 000 m2 construite par la communauté de communes du Pays d’Othe Aixois et par la Siaba (le bras armé du conseil général de l'Aube en matière d’aménagement).
Un investissement de 4 millions d’€ dont Artemise deviendra propriétaire dans douze ans. L’entreprise a pour sa part investi 1,3 million d’€ dans le process industriel.
Après avoir démarré son activité en 2011 dans des locaux loués au département sur le site de l’aérodrome de Troyes-Barberey, Artemise a donc opté pour la verte campagne auboise.
La PME se rapproche de la région parisienne, l’un de ses gros secteurs de collecte, tout en bénéficiant des exonérations fiscales d’une zone de revitalisation rurale.
« Mais c’était aussi la volonté du président de la société, Jean-Marie Bailly, de rester dans l’Aube », souligne la directrice de l’usine, Laure Clerget.
Des liens avec Nordeon
Artemise qui veut dire Aube Recyclage et Traitement d’Eléments Mercuriels Issus de Sources d’Eclairage est en fait la résurgence d’une précédente société créée par Jean-Marie Bailly : TCMS.
« Il l’avait revendue à un recycleur allemand, mais le repreneur s’était finalement détourné de cette activité, explique Laure Clerget. M. Bailly n’a pas voulu qu’elle disparaisse du département. »
Artemise est l’un des maillons de ce que l’on appelle l’économie circulaire.
L'entreprise collecte les lampes fluocompactes et les tubes fluorescents (les néons) jetés par les particuliers comme par les professionnels.
« Nous avons trois grandes sources d’approvisionnement : l’éco-organisme Récylum pour environ 60 %, le collecteur suisse Sens pour 30 % et le fabricant de tubes fluorescents Nordeon, un industriel basé à Chalon-sur-Saône qui nous envoie ses rebuts de fabrication, pour 10 % », expose la directrice.
Artemise souhaite parallèlement développer son propre réseau de collecte.
Il lui a rapporté une centaine de tonnes de tubes et de lampes sur les 1 470 tonnes traitées en 2013 (l’équivalent de 50 millions de tubes et de 20 millions de lampes).

©Frédéric Marais.
Mercure et terres rares
Le métier de la PME auboise consiste à trier les sources lumineuses qu’elle reçoit et à en séparer les éléments.
Ces « matières premières secondaires » se divisent en trois grandes familles : le verre (1 100 tonnes l’an dernier) refondu par Nordeon pour fabriquer des tubes neufs ; les métaux ferreux et non ferreux comme l’aluminium et le cuivre (200 tonnes) qui repartent chez les ferrailleurs ; les poudres fluorescentes, contenant mercure, métaux lourds et terres rares (27 tonnes) qui sont retraitées par Rhodia à Saint-Fons, dans le Rhône.
A cela il convient d’ajouter du plastique (80 tonnes), du papier, du carton, ainsi que des piles et des batteries jetées pêle-mêle dans les conteneurs par les usagers.
« On revalorise 94 % d’un tube et d’une lampe. Le reste est considéré comme un déchet ultime », souligne Laure Clerget.
Artemise recycle tous types de lampes, à l’exception des halogènes et des Leds, des phares de voiture, des enseignes lumineuses et autres guirlandes électriques. Elle accepte en revanche les lampes à filament et les lampes à décharge.
Process plus performant
Les différentes phases de traitement sont effectuées par des machines qui coupent les embouts, séparent les métaux et la poudre, puis broient le verre.

©Frédéric Marais
Le tri manuel des tubes selon leur taille a été supprimé par la nouvelle machine qui, soulignons-le au passage, a été entièrement conçue dans l’Aube, en particulier par la société Abscisse.
« L’ancien process fonctionnait à 30 % de ses capacités à cause des nombreuses manipulations, comme le changement des big-bags destinés à recueillir les matériaux. Le nouveau process fonctionne, lui, à 70 % de ses capacités. »
Le nouveau procédé permet surtout d’obtenir un verre et une poudre de meilleure qualité. De surcroît, les opérateurs ne sont plus en contact avec les différents composants puisque la machine est isolée par un mur.
Un aspect auxquel ont été particulièrement sensibles la Carsat (*) et l’INRS (**), qui ont été associés à la mise au point. Le taux de mercure présent dans l’entreprise fait d’ailleurs l’objet de deux relevés hebdomadaires en dix-neuf points différents.
L’objectif de la PME est de traiter 1 800 tonnes de produits en 2014. D’ici à cinq ans, ses effectifs devraient passer de 16 à 24 salariés, en privilégiant un recrutement local. Artemise a réalisé un million d’€ de chiffre d’affaires en 2013.

La directrice de l’usine, Laure Clerget, entourée du chef d’atelier Yann Delwaulle (à gauche) et du directeur de la production Luc Blanquart.
©Frédéric Marais
Qui sont Jean-Marie Bailly et Laure Clerget ?
Président de la SAS Artemise, Jean-Marie Bailly est un industriel troyen bien connu. Il dirige en particulier la société Aubelec, une grosse entreprise d’installation électrique qui a le statut d’une Scop (société coopérative).
Laure Clerget a un parcours surprenant, puisque cette juriste de formation occupait auparavant le poste de directrice générale des services de la mairie de Saint-Julien-les-Villas.
« Le besoin d’être sur le terrain, au cœur de l’action », couplé au changement de municipalité, a conduit cette jeune femme de 28 ans à s’immerger dans le monde industriel.
Avec la ferme intention de développer une entreprise au fort potentiel, dans la mesure où en France, seules 4 000 tonnes de déchets mercuriels lumineux (qui sont considérés comme des déchets d’équipements électriques et électroniques, ou DEEE) sont collectées, pour un gisement potentiel évalué à 19 000 tonnes.
* Carsat : caisse d’assurance retraite et de la santé au travail
** INRS : Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.