
POINT DE VUE. Stop au gâchis, dit en substance Patrick Rein.
Le président-fondateur d’Activis, société de référencement Web et de Web marketing à Mulhouse (Haut-Rhin), en a assez du décalage entre besoins des entreprises et offres de formation.
Il propose aux premières de prendre le sujet à leur compte, dans la limite de leurs capacités. Avec l’exemple concret d’une formation montée à Mulhouse pour les métiers du Web.
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Pourquoi ce cri d’alarme sur le fossé entre entreprises et formation ?
Les constats sont connus, mais rappelons-les quand même pour en mesurer l’ampleur : face à 3 millions de chômeurs en France, il y a près d'un million d’offres d’emploi non pourvues.
On sait que les raisons sont multiples. Si l’on se concentre sur la formation, et surtout sur la formation initiale, j’en vois deux principales :
- le « catalogage », ce postulat selon lequel la « casquette » que vous héritez de votre parcours vous exclut de toute mobilité vers un autre domaine. C’est évidemment faux. Chez Activis par exemple, nous avons embauché un autodidacte sans lien apparent avec l’informatique.
- l’inadaptation au temps contemporain. Nous évoluons dans un monde dans lequel tout va très vite : là où l’on se donnait quelques années, il faut maintenant quelques semaines. Les centres de formation prennent cela de plein fouet. Les formations classiques manquent d’agilité pour répondre aux besoins réels des entreprises. Alors, nous, entreprises, devons nous impliquer davantage dans la construction de la formation initiale.
La licence professionnelle Référenceur & rédacteur Web à Mulhouse n'est-elle pas un contre-exemple ?
La formation a été montée conjointement par l’Université de Haute-Alsace (UHA) et Rhénatic, le cluster alsacien d’entreprises TIC. Les entreprises l’ont co-construite en quelques mois, en l’absence de formation préexistante, et en réponse à un besoin urgent. Elles ont défini avec l'université les objectifs pédagogiques et l’offre de formation. Mais elles n’ont pas porté complètement le projet : elles y ont consacré du temps et certains d’entre nous donnent des cours.
Leur investissement consiste aussi en l’accueil d’étudiants en alternance. Ce temps est largement rentabilisé : nous embauchons ensuite ces jeunes, qui eux-mêmes aident à former la promotion suivante.
Parmi ses particularités, la licence de 8 à 12 mois en fonction du type de formation (initiale, ou en alternance) accueille des étudiants en langue et en lettres pour en faire des spécialistes du référencement Web.
Quelles sont les conditions pour une implication efficace des entreprises ?
Il faut aller vite pour éviter qu’une formation n’arrive déjà dépassée sur le marché. Donc, il ne faut pas tirer dans tous les sens, mais choisir sa cible et son mode opératoire ; se focaliser sur un domaine d’expertise pour s’investir dans une formation spécialisée et non généraliste. Ensuite, je conseille de ne pas y aller seul : mieux vaut s’engager avec un noyau dur d’au moins deux entreprises, pour partager les attentes en amont et trouver les dénominateurs communs.
Pour la licence Web, Activis s’est engagé avec son confrère Première Place, représenté par Olivier Zeller. Il faut un état d’esprit ouvert, car nous allons aussi former des experts pour les concurrents. Puis naturellement, nous avons besoin d’interlocuteurs moteurs pour mettre en musique la formation.
Cela a été le cas pour la licence, et pour les deux formations qu’Activis s'apprête à monter dans les prochains mois : un Master 2 en e-marketing avec le conservatoire national des arts et métiers (CNAM) Alsace, et un Master 2 d’e-business dans l’industrie textile avec l’institut supérieur textile d’Alsace (Ista).
Quel bilan pour la licence mulhousienne ?
Nous en sommes à la 6ème promotion, soit un total de 180 étudiants formés. Tous ont trouvé un emploi, en général au bout de six mois maximum. Cet exemple est unique en France. La formation est reconnue au niveau national et attire des étudiants de toutes les régions.
Le parrain de sa dernière promotion, c’est Google, tout simplement. Chez Activis, nous avons recruté 12 étudiants, dont 5 font toujours partie de nos effectifs.
On vous rétorquera que c’est plus facile de réussir dans un domaine neuf, à offre de formation rare, et qui recrute…
Je ne peux répondre pour tous les secteurs, et il est certain que dans certains domaines, cela soit plus difficile. Dans celui de l’informatique que je connais bien, il y a encore beaucoup de formations à imaginer, pour combler les attentes non satisfaites des entreprises !
Qui est Patrick Rein
Après des études de gestion, Patrick Rein crée en 1987 sa première société Bebetel, un serveur Minitel qui prodiguait de l’aide aux jeunes parents. Après une partie de carrière chez l’entreprise haut-rhinoise Telmat Informatique, il crée en 1996 Links Conseil, une société de portage salarial dont il a revendu les parts en 2006.
L’aventure du Web débute en 2000 avec la création d’Activis, que BpiFrance classe aujourd’hui parmi les 2 000 entreprises françaises les plus prometteuses.
Activis emploie 42 salariés répartis entre le siège de Mulhouse, Bâle, Paris et Dublin, pour un chiffre d’affaires de 4 millions d’€ (exercice 2013/14 clos le 31 mars).
Photo : Guillaume Frey.
Bonjour et merci pour cet article... Depuis Bordeaux, nous connaissons ce cursus "Référenceur& rédacteur Web" ; précurseur dans le domaine, qui me semble tout à fait adapté au marché. Il est vrai qu'une veille s'impose pour une constante adaptation aux besoins des entreprises. Cette année, à la rentrée prochaine, un cursus "métiers du web" avec l'enseigne "Wis" verra le jour (transversale à 4 écoles existantes) où la thématique du marketing sur le web sera bien présente, et c'est tant mieux.