La Française de l’Energie devrait connaitre dans les prochains mois la réponse du ministère de la Transition écologique à sa demande d’exploiter le gaz de charbon dans le bassin houiller lorrain. Dans une tribune, 66 élus du territoire demandent au gouvernement de ne pas autoriser la concession minière sollicitée par cette société cotée basée à Pontpierre (Moselle), près de Saint-Avold.


La tension monte d’un cran autour du projet d’exploitation du gaz de charbon dans l’ancien bassin houiller lorrain. Dans une tribune publiée début novembre 2021 sur Franceinfo, 66 élus demandent au gouvernement de ne pas valider la demande de concession minière déposée à ces fins par La Française de l’énergie (LFDE). « Comment comprendre que l’on autorise, en 2021, l'exploitation d'une nouvelle source d'hydrocarbures alors que notre pays doit s'engager dans la sortie de sa dépendance aux énergies fossiles ? », interrogent ces maires, parlementaires, députés européens, et conseillers régionaux du Grand Est et d’autres régions.


Le ministère de la Transition écologique doit répondre dans les prochains mois à la demande déposée il y a trois ans par La Française de l’énergie. Cette société cotée de 21 salariés (chiffre d’affaires  de 10,2 millions d’€ en 2021) basée à Pontpierre (Moselle), près de Saint-Avold, cible un périmètre de 191 km² englobant 40 communes de l’est de la Moselle. Elle annonce y avoir fait certifier la présence d’un gisement de 2,1 milliards de m3 de méthane pouvant être extraits sans fracturation, à la différence du gaz de schiste. Selon Pascal Mittelberger, porte-parole de LFDE, « le potentiel avoisinerait davantage les 600 milliards de m3. »

 

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L’enquête publique organisée entre août et octobre 2020 s’est conclue par un avis favorable. Mais, cette consultation demeure contestée en raison de son calendrier, peu propice à l’examen approfondi du dossier, entre congés d’été et pandémie de Covid. Toutefois, le District urbain de Faulquemont (Moselle) a réitéré son soutien au projet dans un communiqué diffusé le 18 novembre dernier et cosigné par l’Association des communes minières de France.  « Le captage et la valorisation de ce gaz permettra de réduire significativement l’empreinte carbone du territoire, par opposition aux importations actuelles de gaz russe, de mer du Nord ou du gaz de schiste des Etats-Unis », indiquent les cosignataires.

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Les encoches horizontales des drains latéraux visent à récupérer l’eau et le gaz par simple différentiel de pression. © Philippe Bohlinger

 

Que s’est-il passé depuis le lancement de ce projet de concession dite « Bleue lorraine » dans les années 2000 ? A cette époque, La Française de l’Energie reprend les actifs de l’australien European Gas Limited, détenteur d’un permis exclusif de recherche dans le bassin houiller lorrain. Elle réalise 5 forages exploratoires entre 2006 et 2018 dont le dernier à Lachambre, dans la périphérie de Saint-Avold. Son ambition est de valoriser le gaz emprisonné à une profondeur de 1.000 à 1.500 m dans les veines de charbon. Ce gaz est dit « non-conventionnel », car enfermé dans un réseau de fractures dans la roche et non accumulé dans des cavités.

L’idée d’une énergie produite et consommée localement plait aux élus du territoire. D’autant que la technique d’extraction apparait inoffensive. « Le puits est mis en dépression grâce au pompage de l’eau. Le différentiel de pression entraîne la désorption naturelle du charbon, autrement dit la libération du méthane emprisonné dans les fissures », détaille Pascal Mittelberger. Le charbon naturellement fracturé n’impliquerait donc pas de recourir à la technique de fracturation hydraulique interdite en France en 2011.


Cinq forages exploratoires entre 2006 et 2018

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Le puits de Lachambre est le dernier des cinq forages réalisés en Moselle. © La Française de l’Energie

 
« La promesse de départ était enthousiasmante. Il était question de créer 400 emplois locaux, de permettre l’indépendance énergétique du territoire grâce à un gaz composé à plus de 90% de méthane. Mais en douze ans et cinq forages exploratoires, rien de concret n’a émergé », regrette la députée LREM de Moselle, Hélène Zannier, signataire de la tribune des 66 élus.
Pour bloquer le projet, les opposants à la concession ne peuvent cependant invoquer la loi Hulot de 2017 sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures. Le texte ne s’applique pas aux projets dont les autorisations d’explorer lui sont antérieures...


Dans ce contexte, les 66 signataires de la tribune mettent en doute la capacité technique et financière de l’entreprise de mener à bien son projet, comme l’exige un décret de 2006. Ils pointent la composition de l’actionnariat : cinq actionnaires sur neuf sont européens, les quatre autres sont immatriculés aux Bahamas et à Monaco. Ils invoquent aussi le litige en cours avec la société Entrepose Drilling en charge du dernier forage à Lachambre et pour lequel LFDE a été condamné en première instance à verser 900.000 €.

 

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Enfin, pour l’association locale de défense de l’environnement Apel57, « LFDE a d’ores et déjà renoncé à l’exploitation de ce gaz de couche en Lorraine en raison de trop grandes difficultés techniques. Mais l’entreprise reste intéressée par l’obtention de la concession Bleue lorraine, car elle ferait entrer des réserves gazières dans ses actifs boursiers », analyse Anaëlle Lantonnois, porte-parole d’Apel57.


Le porte-parole de LFDE évoque pour sa part les projets de l’entreprise. Celle-ci envisagerait à terme d’injecter directement le méthane dans le réseau ou de l’utiliser pour produire de l’électricité par cogénération. « Notre idée est également de produire de l’hydrogène à partir du méthane par pyrolyse ou par vaporeformage », explique-t-il. Enfin, la PME argue de sa solidité, invoquant l’exploitation via sa filiale Gazonord du gaz « conventionnel » accumulé dans des galeries minières dans le Nord et en Belgique.

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