Alors que le mix énergétique en France vise à doubler la capacité des énergies renouvelables en 2028, en Bourgogne-Franche-Comté, l’Ademe promeut la production d’électricité avec des micro-centrales hydrauliques privées. Comme elle le fait régulièrement, l’Agence de transition écologique a tenu début octobre à Beaune, « La rencontre de l’hydroélectricité » devant 210 participants. Une journée pour faire se rencontrer porteurs de projets, exploitants et professionnels de la filière.


geneyQuestions à Lilan Geney, chargé de mission hydroélectricité à l’Ademe (Agence de la transition écologique) de Bourgogne-Franche-Comté (photo ci-contre)

 

• Que représente la production d’électricité hydraulique en Bourgogne-Franche-Comté, en dehors des grands barrages gérés par EDF comme Vouglans ?


Il existe 235 centrales d’hydroélectricité en Bourgogne-Franche-Comté. Si l’on extrait celles en concession à EDF, dont la plus importante est Vouglans dans le Jura, on estime à environ 200 le nombre d’installations exploitées par des propriétaires privés, d’une puissance de 70-75 mégawatts à comparer avec les 285 de Vouglans. Ces exploitants sont des particuliers propriétaires d’un moulin ou des entrepreneurs de plusieurs sites qui produisent de l’électricité à partir d’équipements installés sur des cours d’eau grâce une chute en parallèle du cours principal.
Le courant électrique généré par une turbine – comme l’antique roue des moulins de jadis –, est la plupart du temps injecté dans le réseau électrique, acheté à prix garanti, parfois autoconsommé.


• Les acteurs publics encouragent l’hydroélectricité privée depuis une bonne décennie en Bourgogne-Franche-Comté, mais il semble que ça ne colle pas. Pourquoi ?  


Depuis 10 ans, le nombre d’installations nouvelles est à géométrie variable. Par exemple, 5 ont été raccordés au réseau électrique en 2019, 10 en 2020, et cette année, 5 projets devraient aboutir. Dans ce type de projet, les procédures administratives sont assez lourdes. Il faut compter prévoir 3 à 6 ans, des études au raccordement au réseau : un an environ pour l’instruction de la police de l’eau, l’étude d’impact, éventuellement une enquête publique, puis le porteur de projet cherche les financements, enfin sollicite les entreprises de travaux. Sans omettre au préalable, les études de faisabilité.
La phase la plus délicate est de vérifier si le propriétaire a un droit d’eau, c’est-à-dire un droit d’utilisation de l’eau comme force motrice et qu’il en apporte la preuve auprès du service de la police de l’eau : fondé en titre, autorisation, concession, règlement d’eau…). La reconnaissance légale permet aussi de connaître définir la force hydraulique autorisée, en fonction du débit de la rivière et des niveaux d’eau à maintenir.
Pour aider les porteurs de projets, l’Ademe Bourgogne-Franche-Comté a édité un guide d’une vingtaine de pages (*) qui résume l’ensemble des démarches. Mais elle a également organisé une mission d’assistance.

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• La Bourgogne-Franche-Comté est la seule région où l’Ademe a une mission dédiée à l’hydroélectricité. En quoi consiste t-elle?


La première porte à laquelle frapper quand on a un projet de centrale hydraulique est effectivement l’Ademe qui, en Bourgogne-Franche-Comté, apporte moyens financiers et techniques. Elle a consacré 230.000 € en 2020 à cette mission. L’Ademe intervient dès la phase préalable en cofinançant les études de faisabilité avec le conseil régional. Douze à quinze sont réalisées chaque année, subventionnées à hauteur de 70%.
Puis elle accompagne les porteurs des projets avec l’appui de l’ADERA 70 (Association pour le Développement des Energies Renouvelables et Alternatives) qui aide au montage du projet, puis d’un bureau d’études qui réalise les études techniques, chiffre le projet, les revenus de la future exploitation et l’amortissement de l’investissement. Réglementairement, c’est assez complexe car il faut assurer la continuité écologique – par exemple, faire une passe à poissons si nécessaire pour assurer la montaison des poissons.

 

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Vue aérienne de la centrale d'Emagny, sur l'Ognon, dans le Doubs. © Consult Hydro



• Quel est le coût d’une centrale hydraulique et sa rentabilité ?


Le coût d’une centrale varie selon la configuration des lieux, le type de  matériel  à  installer,  le  raccordement  au  réseau  électrique  et  les  aménagements  écologiques  à  réaliser.  Hors  passe  à  poissons,  le  budget à prévoir pour une centrale supérieure  à  100  kW est de 2.000 à 4.500 € par kW.  Il  peut  atteindre  10 .000  €  par  kW  pour  une  installation inférieure à 30 kW.  Le retour sur investissement est évalué entre 10 et 15 ans. Sachant qu’une installation a une durée de vie de 30 à 40 ans, selon la qualité de sa maintenance, et que le contrat à prix d’achat garanti dure en général 20 ans.
Quant au potentiel, il faut savoir qu’à partir d’un seuil de chute de 1,50 mètre, tout site désaffecté mérite qu’on envisage une réhabilitation. Et de nombreux espaces restent à investir au bord des nombreux cours d’eau de notre région. Contrairement aux idées reçues, une centrale hydroélectrique ne consomme pas d’eau. La turbine est alimentée par une dérivation qui capte l’eau en amont et la restitue en qualité et qualité égales en aval. La limite peut être le problème d’assèchement des rivières, qui peuvent perdre le débit suffisant pour faire tourner une turbine.
En outre, la Bourgogne-Franche-Comté a un tissu industriel riche, à même de réaliser tous les travaux de construction, de rénovation ou d’optimisation d’une centrale : depuis les travaux en cours d’eau jusqu’à la fabrication de turbines, en passant par la vantellerie ou la pose de conduites forcées.

 

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• Un industriel peut-il aujourd’hui encore avoir intérêt à produire de l’hydroélectricité pour son outil de production ?

 

Oui, mais il existe peu d’exemples en Bourgogne-Franche-Comté car un industriel a besoin d’une rentabilité à court terme. Lorsqu’une entreprise est propriétaire d’un seuil, généralement il fait exploiter l’installation par un tiers et l’électricité est réinjectée dans le réseau.

(*) Le guide Démarches administratives, techniques et intégration des enjeux de continuité écologique de l’Ademe est téléchargeable ici

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