INTERENTREPRISES. Aujourd'hui à Paris, les ministères de l’Égalité des territoires et du Logement, de la Ville et l’Économie sociale et solidaire lèvent le voile sur les premiers pôles territoriaux de coopération économique. Ces types de clusters sont destinés à rapprocher l'économie sociale et solidaire et les entreprises dites classiques. L'un des projets primés se situe dans le Jura. Baptisé Clu’Ster Jura, il est porté par la Scop Juratri à Lons-le-Saunier.

« L'idée d'une coopération économique renforcée entre les entreprises de la région a pris forme avec la visite de Benoît Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire, en mai dernier pour les 20 ans de Juratri ».
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De premier abord, associer des entreprises de l’économie sociale et solidaire et les autres entreprises, dites classiques, sur un projet commun, s'apparente au mariage de la carpe et du lapin. C'est le pari des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) que les trois ministères de l’Égalité des territoires et du Logement, de la Ville et de l’Économie sociale et solidaire affichent dans un appel à projets lancé en juillet dernier.
« En lien avec des collectivités territoriales, des centres de recherche, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organismes de formation, etc., ces différentes structures mutualisent leurs moyens au service de projets innovants, porteurs d’un développement local durable », ainsi définissent-ils la coopération entre l'économie alternative et l'économie de marché.
Pour transformer cette idée en de nouvelles entreprises ou la diversification d'activités existantes, l'Etat met à la main au porte-feuille. Accompagné par la Caisse des dépôts et consignations, il affecte 3 millions d'€ à 23 projets élus. Le pôle territorial de coopération économique (PTCE) Clu’Ster Jura s'est donné comme fil rouge : les « besoins sociaux du territoire » dans les domaines du vieillissement, de la mobilité, de l’habitat, de l'alimentation.
Un investissement de 2 millions d'€

Ces thématiques découlent des activités des entreprises associées, toutes implantées dans le bassin de Lons-le-Saunier : le groupe alimentaire Bel, le sous-traitant en électronique Techpower Electronics, le fabricant de verres ophtalmiques VisiOptimum, l'autocariste Credoz, La Poste, les coopératives laitières du Jura, la fédération ADMR (services à domicile) du Jura, l'APEI (enfance inadaptée) de Lons-le-Saunier, le constructeur bois Abricop et la centrale d'achats Scabois.
Entreprise d'insertion spécialisée dans le recyclage des déchets, Juratri à Lons-le-Saunier est le coordinateur du projet. « Avec la moitié des salariés en insertion, l'entreprise a un rôle social fort, mais sait aussi s'adapter au marché ; nous savons par exemple qu'avec l'arrivée des écrans plasma, notre activité de démantèlement des téléviseurs cathodiques va petit à petit s'éteindre et nos savoir-faire vont devoir évoluer vers d'autres produits », explique Pierre Grosset, le P-DG qui cède bientôt les rênes à son fils Mathieu associé à deux salariés. L'investissement de 2 millions d'€ dans une nouvelle plate-forme, baptisée Trivolution, dans les anciens bâtiments de Smoby Toys en zone industrielle de Lons-le-Saunier illustre son propos.
A sa création en 1993, Juratri traitait essentiellement des emballages ménagers issus de la collecte sélective dans le Jura. L'activité qui représente toujours un tiers du chiffre d'affaires, a été supplantée par le tri de déchets électriques et électroniques : 5 à 6000 tonnes d’équipements collectés dans le Jura et la Haute-Saône sont traités chaque année. « Exceptés les appareils faisant du froid, nous démantelons toutes sortes de produits électroniques (minitels, téléphones, magnétoscopes, etc.), dont les différents composants prennent ensuite le chemin des recycleurs ; 92% de la matière reprend ainsi vie sous une autre forme », affirme Pierre Grosset. La diversification a déjà démarré à l'occasion d'un contrat de recyclage du bois avec l'usine de fabrication Swedspan en Haute-Saône qui fabrique des panneaux pour Ikea.
Le pôle territorial de coopération économique devrait lui ouvrir de nouveaux horizons commerciaux. L'entreprise pense aussi au placement de ses employés en insertion qui après avoir renoué avec le monde du travail, trouvent difficilement une embauche pérenne, faute de potentiel local. Transformée en société coopérative de production (SCOP) en 2006 après le désengagement de son actionnaire majoritaire, Juratri compte aujourd’hui 135 salariés (62 en insertion). Le chiffre d'affaires de 6 millions d'€ a triplé ces cinq dernières années. Un développement soutenu par le Grand Emprunt (Programme Investissement d’Avenir de l’Etat et de la Caisse des Dépôts).

Photos : Traces Ecrites.